L’enfance en poésie

Philippe COLMANT, Maison mère, Préface de Philippe Leuckx, Bleu d’encre, 2022, 60 p., 12 €, ISBN : 978-2-930725-50-52

colmant maison mereAuteur de romans policiers et de recueils de poésie, Philippe Colmant nous avait donné, au début de cette année, un recueil : Frères de mots. Il l’avait écrit à quatre mains en complicité avec Philippe Leuckx qui signe une préface sensible et lumineuse au dernier recueil de son désormais « frère de mots ». Ouvrir cette recension en évoquant la complicité créatrice de deux poètes est une manière délibérée de saluer, chez l’un et l’autre, cet entrelacement de l’écriture et de la lecture des œuvres. La préface est le premier partage d’un livre, la première lecture accordée à l’ouvrage, achevé certes, mais encore maladroit au commencement du chemin si escarpé de la publication, de la promotion, de la recherche de ce public dont on dit qu’il s’éloigne de plus en plus du livre.

Maison mère désigne à la fois la maison de l’enfance et les premières années du poète. Sans tristesse ou mélancolie, Philippe Colmant invoque les (…) aïeux et fantômes / qui hantent à jamais / l’invisible maison. À partir de cette première incantation, il laisse venir à lui ces images que l’enfance a déposées sur une feuille sensible et que l’écriture va dévoiler petit à petit, au gré de La douce survivance / d’un parfum familier. Les dimanches sont omniprésents. Ils sont ces jours où la famille est réunie, comme en témoigne la vie en noir et blanc qui passe. C’est ici une photographie ancienne que sollicite le poète : il regarde ses parents (…) pas riches, heureux, / Éclaboussant de <leurs> sourires / Les murs usés de la maison / En ce long dimanche à l’ancienne.

Viennent les rêveries de l’enfant imaginant L’aurore mystérieuse / Montant à pas de loup / Les marches vers le ciel ; les dessins dont l’adulte aujourd’hui reconstitue l’imagerie enchantée ; les nuits que le père venait border (Mon père bienveillant posait / Les lèvres sur mon front / Avant de glisser sans mot dire / La lune comme un sou / Dans la tirelire des rêves). De cette enfance subsistent aussi les complicités : avec un frère, une sœur, un ami ? peu importe ! Nous sacrions l’enfance / Et déjouions le monde.

Bien sûr, l’âge adulte viendra pour l’enfant (Dans ce poing d’homme mûr / Je presse mon passé) et pour la maison (elle a vécu / et embarqué pour l’ombre) qui sera dévorée par la ville en expansion.

Le souvenir de la maison alors se confond avec celui de la mère.

Chaque page de ce recueil est à la fois un exil et un retour. Exil de l’enfance que nous quittons par la force des choses, mais retour aussi que permet l’évocation poétique et que réussit à nous faire partager Philippe Colmant jusqu’aux deux derniers vers du recueil qui sont d’universelle consolation :

Et l’exil m’est plus doux
Avec ton souvenir.

L’art du poète est tout entier contenu dans cette douceur qui nous rend, à chacun, la part d’enfance qui nous est chère.

Jean Jauniaux

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