Le Printemps Simenon : un festival qui ouvre des fenêtres

georges Simenon

Georges Simenon

Du 8 au 11 mars, la Cité Ardente a célébré les 120 ans de la naissance de Georges Simenon en lui consacrant un festival, Le Printemps Simenon, dont l’objectif était de faire découvrir ou redécouvrir l’œuvre de l’auteur liégeois, mais aussi et surtout de montrer son actualité.

Expositions, colloques, rencontres littéraires, rétrospectives cinématographiques, promenades thématiques et conférences ont ainsi animé la ville natale de l’écrivain pendant quatre jours. Un programme riche et varié, fruit d’une collaboration entre la ville de Liège, John Simenon et l’ULG (Benoit Denis, directeur du Festival, est professeur de littérature à l’ULG et directeur du Centre d’études Georges Simenon), dont on épinglera ici quelques moments forts.

À commencer par l’inauguration de deux expositions qui se poursuivront au-delà des quatre jours du festival : une exposition photo où l’on découvre les talents de photographe du romancier et le regard qu’il pose sur un monde qu’il ne cesse de parcourir. Exposition qui fait écho à une conférence donnée par Olivier Barrot : « Simenon, écrivain voyageur ». Une seconde exposition consacrée aux adaptations des œuvres de Simenon en bande dessinée illustre la conférence animée par Thierry Bellefroid et intitulée « Simenon, du roman dur à la bande dessinée », en présence de José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental, Yslaire, Christian Cailleaux, Jacques de Loustal et John Simenon. Table ronde qui trouve un prolongement dans  l’intervention de Jan Baetens lors du colloque « Adapter Simenon : le cas de la bande dessinée ».

loustal bocquet simenon l'ostrogoth

Il a également été question de la passion de Simenon pour le cinéma et des nombreuses adaptations qui ont été faites de ses romans. Dick Tomasovic évoque les multiples interprétations du commissaire Maigret, mais ce sont surtout les adaptations des romans durs de Simenon qui retiennent son attention. Laurent Demoulin, directeur du colloque et conservateur du Fonds Simenon, étudie la fidélité des adaptations télévisuelles de Maigret au récit en utilisant une approche narratologique et en se concentrant sur les opérations rhétoriques de suppression, adjonction, suppression-adjonction et permutation. Plus tard, au cinéma Sauvenière, on (re)verra avec plaisir La Chambre bleue, film projeté en présence de son réalisateur, Mathieu Amalric, qui parlera de son attachement aux romans de l’écrivain belge.

Outre le domaine de la bande dessinée et du cinéma, l’atmosphère si caractéristique des romans de Simenon ne cesse d’inspirer auteurs et autrices du monde entier. On le découvre lors de diverses rencontres animées par Anne-Lise Remacle, Philippe Marczewski et Frédéric Saenen, avec Julia Deck, Yves Ravey, Valerio Varesi, Graeme Macrae Burnet, Ramon Diaz Eterovic et Mathieu Larnaudie. Rencontres durant lesquelles il est également question d’un Simenon, écrivain social, toujours attentif aux « fessés » et aux laissés-pour-compte.

Autre temps fort de ce printemps simenonien, la lecture croisée des textes africains de l’auteur par Aïko Solovkine et John Simenon nous rappelle l’actualité criante de ses constats et les stigmates du colonialisme dans la société actuelle.

La question du style si particulier de Simenon est abordée par Bernard Alavoine et Gilles Philippe. Jean-Louis Dumortier rappelle, par ailleurs, que s’étant débarrassé de tout ce qui peut encombrer la narration, ayant opté pour une écriture « sans fard littéraire », Georges Simenon est parvenu à se mettre à hauteur d’homme, plus précisément à hauteur d’individu en pleine déréliction, et ainsi à susciter l’empathie du lecteur. Cet art de raconter l’humain, de représenter sans les juger certains milieux sociaux, de créer une atmosphère ou, pourrait-on dire, une musique particulière permet un rapprochement avec Patrick Modiano. Rapprochement sur lequel se penche David Vrydaghs avant de s’attarder sur ses héritiers, présents tout au long du festival et représentants d’une écriture blanche, Yves Ravey et Julia Deck.

Bilans, échanges et perspectives furent nombreux lors de ce « Printemps Simenon » durant lequel une bruine assombrissait Liège, comme pour y installer un décor simenonien. Un temps maussade qui, semble-t-il, n’a pas découragé le public présent en nombre. On retiendra ainsi que l’œuvre prolifique de l’auteur ne cesse de nous parler et d’inspirer. Les multiples fenêtres ouvertes lors de ce festival, ne se referment pas avec sa clôture, mais rappellent que bien des pistes encore restent à explorer…

Laura Delaye

En pratique

Les deux expositions sont toujours en cours :

Simenon. Images d’un monde en crise. (Photographies 1931-1935) 
du 08 mars au 27 août 2023
Grand Curtius – Féronstrée, 136 – 4000 Liège

Simenon, du roman dur à la bande dessinée 
du 08 mars au 21 mai 2023
Fonds patrimoniaux – Ilot Saint-Georges – 4000 Liège

En projet

  • Les actes du colloque seront publiés dans la revue Traces.
  • Les adaptations en bande dessinée des romans durs de Simenon paraitront en mai (Le passager du Polarys) et septembre (La neige était sale) chez Dargaud. Le premier tome de Simenon, l’ostrogoth, bande dessinée consacrée à la vie de Simenon, a paru en février chez Dargaud ; deux autres volumes suivront.

Dans le rétro

En 2003, Liège fêtait le centenaire de Simenon. Un anniversaire évoqué dans Le Carnet et les instants n°127.