Emmanuel REGNIEZ, Au bord du lit, suivi de La chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe, Tripode, 2023, 122 p., 15 €, ISBN : 9782370553409
Emmanuel REGNIEZ, Le joueur, Dynastes, 2022, 8 €, ISBN : 9782956942191
Emmanuel Régniez aime écrire la musique, la littérature, la répétition, et la mélancolie qui vient subsumer le tout. Dans ce nouveau roman, Au bord du lit, une fois encore, jusqu’à l’obsession. Un compositeur : Claude Debussy. Une œuvre littéraire : La chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe (reprise en fin de volume, dans la traduction de Baudelaire). Le compositeur est, dans les dernières années de sa vie, aux prises avec un opéra qu’il voudrait terminer absolument et qu’il sait ne pouvoir finir.
Comme un tombeau musical qui ne cesse de se déliter avant même d’exister. Debussy est malade. Il rumine, contre l’époque, contre tout. Il sait qu’il va mourir. Rongé par un cancer du côlon qui l’a torturé sept longues années ; rongé par autre chose encore, par cette autre chose qui est en lui depuis bien plus longtemps que sept années : la musique. La musique qui le travaille, qu’il parvient de moins en moins à travailler, ou alors à quel prix. Et aussi, et encore une autre obsession qui le mine, le taraude, l’habite : cet opéra qu’il doit composer, qu’il sait interminable, comme il sait la maladie qui le pourrit, comme il sait la grâce qui l’a quitté, l’opéra qu’il veut composer à partir du couple fraternel de La chute de la maison Usher. Roderick et Madeline. Madeline plus que Roderick, d’ailleurs. Un personnage fascinant et funeste qu’il retrouve au pied de son lit toutes les nuits. Toutes les nuits, il vit dans la maison Usher et pourtant jamais il ne finira cet opéra qu’il avait promis aux Américains et pour lequel il lui fallait trouver une musique totalement nouvelle. Le texte d’Emmanuel Régniez est fait de toutes ces obsessions-là ; de la sienne aussi, celle de l’inceste.
La répétition et la mélancolie encore. Dans un autre texte, paru à l’automne dernier, du même auteur, Emmanuel Régniez, Le joueur. Un texte tout court, tout épuré. Versifié comme un poème, narré comme un roman, hanté par la mort comme par un amour fou, mort avant même d’avoir été actualisé. Un homme, diffracté, ne vit que la nuit, que du jeu. La nuit, où toutes les nuits sont (presque) identiques aux autres nuits, à la nuit, ces nuits carnavalesques où il joue « comme d’autres vont aux putes ». On le suit dans la définition, la répétition de sa vie nocturne jusqu’au moment où surgit la der des ders, la dernière partie, la dernière nuit identique. Il est au bord d’un précipice. La mort ? L’amour ? Qui sait…
Michel Zumkir
Plus d’information
- Dans le bureau et la mélancolie d’Emmanuel Régniez (Le Carnet et les Instants n°208)
- La fiche d’Emmanuel Régniez