Archives par étiquette : Emmanuel Régniez

Morceaux épars d’une certaine réalité

Un coup de cœur du Carnet

Emmanuel RÉGNIEZ, La reconnaissance, Arbre à paroles, coll. « iF », 2023, 128 p., 16, ISBN : 9782874067228

regniez la reconnaissanceC’est un jeu. C’est un point vibrant qui perce toutes les couches du temps. Ou alors, c’est une histoire d’amour indéfiniment différée qui prend la forme d’une longue et lente fuite luxueuse. On pourrait dire qu’ils sont deux, mais ce serait faire de ces personnages une entité qui ne représente pas la somme des solitudes qu’accumulent leurs pas conjoints, à travers l’espace et le temps – côté à côte, ils tracent des chemins parallèles qui ne se croiseront jamais.

Peut-être que ce que cherchait Clarisse, c’était une île, une île sans adresse, un lieu juste pour elle et moi, que cette île soit une véritable île, ou bien une île artificielle, créée par elle, pour que nous puissions nous y reposer, nous y arrêter, longtemps, plus longtemps, pour toujours. Continuer la lecture

Portrait du compositeur en fin de vie et du joueur en fin de nuit

Emmanuel REGNIEZ, Au bord du lit, suivi de La chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe, Tripode, 2023, 122 p., 15 €, ISBN : 9782370553409
Emmanuel REGNIEZ, Le joueur, Dynastes, 2022, 8 €, ISBN : 9782956942191

regniez au bord du litEmmanuel Régniez aime écrire la musique, la littérature, la répétition, et la mélancolie qui vient subsumer le tout. Dans ce nouveau roman, Au bord du lit, une fois encore, jusqu’à l’obsession. Un compositeur : Claude Debussy. Une œuvre littéraire : La chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe (reprise en fin de volume, dans la traduction de Baudelaire). Le compositeur est, dans les dernières années de sa vie, aux prises avec un opéra qu’il voudrait terminer absolument et qu’il sait ne pouvoir finir. Continuer la lecture

Le Top 3 de David Dusart

Le Carnet et les Instants revisite l’année littéraire 2021 avec le Top 3 de ses chroniqueurs et chroniqueuses. La sélection de David Dusart.
Continuer la lecture

Le Top 3 de Rony Demaeseneer

Le Carnet et les Instants revisite l’année littéraire 2021 avec le Top 3 de ses chroniqueurs et chroniqueuses. La sélection de Rony Demaeseneer. Continuer la lecture

La vengeance de l’ogresse et la libération du petit prince

Emmanuel RÉGNIEZ, Une fêlure, Tripode, 2021, 120 p., 13 €, ISBN : 9782370552648

regniez une felureIl ne peut l’écrire tout de go, il doit s’y reprendre à trois fois (et autant de chapitres) pour parvenir à le dire, à énoncer ce qui le consumait, lui, le narrateur – qui, dans ce récit, peut se confondre avec l’auteur. Ce qui l’a brisé mais dont il finira par sortir libéré, délivré – le conte de La reine des neiges est là, présent, avec son imaginaire de glace et ses ambiguïtés, sa chanson et ses deux mots emblématiques. Le petit Poucet n’est pas loin non plus. Le narrateur s’en servira pour raconter sa Fêlure – le livre d’Emmanuel Régniez que nous lisons est à la fois ce récit mais aussi celui de l’écriture comme processus salutaire. Le narrateur : fils, frère aîné et père. Sans âge, et de tous les âges. Celui de son enfance, celui des années où et celles du temps d’après (qu’il racontera dans une quatrième partie). Les années où : celles pendant lesquelles s’est déployée la revanche maternelle. Continuer la lecture

« Saisir le quotidien dans ce qu’il a de plus simple, de plus évident »

Un coup de cœur du Carnet

Emmanuel RÉGNIEZ, Cédric FRIGGERI, Ordinaire(s), Marges en pages, 2019, 176 p., 35 €, ISBN : 978-2-9540904-3-6

Emmanuel Régniez tient ses promesses. À chaque fois que nous refermons un de ses livres, nous sommes impatients de lire le suivant, et cette impatience comporte sa part d’inquiétude : ne faillira-t-il pas un jour ? Ne finira-t-il pas par décevoir cette attente ? Eh bien non. Emmanuel Régniez tient ses promesses. Il est entré en littérature par la voie de l’exigence, et il ne dévie pas de sa route. Nous venons de ranger Ordinaire(s), son dernier opus, sur les rayons de notre bibliothèque, et nous savons déjà qu’elle risque fort de ne pas en sortir indemne. Continuer la lecture

« À quoi penses-tu ? »

Un coup de cœur du Carnet

Emmanuel RÉGNIEZ, Madame Jules, Tripode, 2019, 131 p., 15 €, ISBN : 9782370551986

Il y a trois ans, nous chroniquions pour le Carnet le premier roman d’Emmanuel Régniez, Notre Château, et nous affichions notre impatience à lire son deuxième opus. Nous avons attendu. Et le voici, l’impeccable et tendu Madame Jules, toujours aux éditions Le Tripode.


Lire aussi : notre recension de Notre Château


Madame Jules, la narratrice, est l’épouse de Monsieur Jules. Elle l’aime, et leur couple semble, dans le tournoyant délié des phrases de Madame Jules, d’une perfection totale. Il est son mari et son amant. Ils vivent dans un état de fusion et de bonheur permanent, avec le sentiment d’être seuls au monde. Mais cette belle mécanique se grippe. Un soir où Monsieur Jules ne parvient pas à atteindre une érection satisfaisante, une fissure se dessine. « À quoi penses-tu ? À toi, je pense à toi. » Aux certitudes d’airain succèdent peu à peu les questions, qui s’insinuent dans les mots de Madame Jules comme un lent poison dans ses veines, infectant le texte et le colorant d’ironie. Continuer la lecture

Le Rossel 2016 : les finalistes

savitzkaya

Qui succédera à Eugène Savitzkaya? (c) Sylvain Piraux

Composé des écrivains Thomas Gunzig, Michel Lambert, Ariane Le Fort, Pierre Mertens, Jean-Luc Outers, Isabelle Spaak, des libraires Ariane Herman et Natacha Mangez, des journalistes Jean-Claude Van Troyen et Daniel Couvreur (secrétaire), le jury du Prix Rossel a sélectionné les 5 finalistes de l’édition 2016. Le vainqueur du plus prestigieux prix littéraire belge francophone sera connu le 1er décembre.  Continuer la lecture

Retarder la narration peut faire mourir

Un coup de coeur du Carnet

Emmanuel RÉGNIEZ, Notre Château, Le Tripode, 2016, 160 p., 15 €

regniezL’actualité littéraire fatigue. Biopics pseudo-sulfureux, autofictions écrites avec les pieds, tyrannie du « sujet ». Heureusement, il reste des écrivains qui se fichent de la mode, et qui nous offrent des bijoux. « Prétendons qu’il y a un chemin pour traverser le miroir et passer dans la maison de l’au-delà ».

« C’est à 11h03, le samedi 2 avril, que l’on a sonné à la porte de Notre Château. C’était extraordinaire. Cela n’arrive jamais. On ne sonne pas chez nous. On ne sonne jamais à la porte de Notre Château. » C’est sur ce bref et appétissant prologue que s’ouvre le premier roman d’Emmanuel Régniez, une mécanique littéraire de précision en trois parties – les deux premières constituées de dix chapitres, la troisième de treize. Nous reviendrons à l’importance du rythme dans Notre Château. Continuer la lecture