Passions communes

Philippe FIÉVET, Ruby, une romance birmane, M.E.O., 2023, 212 p., 19 € / ePub : 11,99 €, ISBN : 9782807004023

fievet ruby une romance birmaneRuby est photographe et le narrateur, de trente ans son aîné,  l’a rencontrée à la faveur de séances de prises de vue dans un jardin, alors qu’il préparait un ouvrage sur les arbres. Fasciné par le caractère solaire de la jeune femme en couple avec Claire, il a renouvelé les collaborations avec elle et une complicité s’est instaurée entre eux, alimentée par une fascination commune pour un pays, la Birmanie.

Chacun séparément, ils s’y sont rendus, lui il y a plusieurs décennies, elle plus récemment. Ils en ont ramené des souvenirs intenses et une admiration pour le peuple birman qui se débat depuis longtemps avec une dictature sans scrupules. Au fil de leurs discussions, ils nourrissent le projet de s’y rendre  ensemble pour explorer cette fois la région dans laquelle sont extraits les fameux rubis birmans en vue d’élaborer un ouvrage illustré. Se documentant, ils se plongent notamment dans La vallée des rubis de Joseph Kessel et ils mesurent rapidement les dangers multiples auxquels cette expédition les exposerait : difficulté d’obtenir un visa et les autorisations pour s’y rendre, l’insécurité de la région aux mains des trafiquants et des faussaires. C’est pourquoi ils se tournent vers un joaillier réputé et le convainquent de se joindre à eux, car il pourra faire jouer ses relais locaux. Mais c’est sans compter sur l’épidémie de Covid qui met leur projet à mal et durcit pour longtemps l’accès à la région, tandis que le joaillier est victime d’un braquage et que la cancer décide de s’inviter au sein du trio.

Si le voyage projeté est compromis, le romancier nous convie à revisiter par le menu le passé et le présent tourmentés de la Birmanie. Retraçant les épisodes dictatoriaux qui musèlent le pays depuis des décennies, il s’attache à mettre à jour les racines de la résistance d’un peuple qui n’a jamais fléchi. La force des croyances, des symboles, des superstitions, la coexistence des religions sont omniprésentes et l’auteur, visiblement bien documenté, détaille les facettes multiples de la répression et surtout, la malice inépuisable avec laquelle la résistance s’y exprime malgré la violence de la junte. Sans oublier la figure emblématique d’Aung San Suu Kyi qui incarne les espoirs d’un peuple opprimé.

Philippe Fiévet est journaliste t il alterne les chapitres consacrés à l’histoire birmane et ceux relatant le projet d’équipée et surtout les obstacles qui se dressent contre celui-ci. Ce chassé-croisé narratif donne parfois l’impression que deux récits coexistent sans interagir pleinement, le volet documentaire prenant volontiers le dessus et faisant de ce pays aux yeux d’Asie le personnage principal du roman tandis qu’au fil des pages, s’épanouit la relation entre le narrateur et Ruby.

Thierry Detienne

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