Claude FROIDMONT, Quand j’étais belge, F Deville, 2023, 200 p., 20 €, ISBN : 9782875990747
Claude Froidmont s’est déjà fait reconnaître comme romancier et il a donné un ouvrage sur François Mauriac à l’issue d’un séjour d’études dans la demeure de Malagar. Liégeois et romaniste, il a nourri de tous temps un culte profond pour la France et surtout sa culture, au point d’y passer des concours pour pouvoir y enseigner, d’en acquérir la nationalité et d’y demeurer. Le récit qu’il livre aujourd’hui retrace son itinéraire convictionnel qui prend des allures de bilan personnel au seuil de la soixantaine.
Enfant, il a grandi dans une famille friande de débats politiques, son père étant employé par Le Monde du travail, un journal socialiste fondé par des résistants durant la seconde guerre mondiale. C’est là que son idéalisme prend racine et il a vingt ans lorsque François Mitterrand accède à la présidence du pays qu’il aime tant. Dans son prologue, il annonce au lecteur que trois choses ont porté son existence dont une seule subsiste. La première est son idéal de gauche, qui a été mis à mal par le mouvement du tout au marché qui a plombé les dernières décennies, dès les renoncements qui ont suivi la victoire de la gauche en 1981. Selon lui, les reculs n’ont cessé de s’accentuer, au point que sa fascination – la deuxième – pour la France, ancrée dans les idéaux républicains, s’est estompée dans ce mouvement qui a brouillé les repères idéologiques traditionnels de cet intellectuel nourri aux idées de Pierre Bourdieu.
Reste la Culture, qui porte les idées, avec une prédilection pour les voix fortes, vibrantes de convictions, et les grands noms du monde littéraire. Dès son plus jeune âge, il tient une correspondance avec les auteurs, cherche à les rencontrer, assiste à leurs conférences, et il se plaît à en détailler le souvenir exquis aux nombreuses anecdotes. Comme s’il cherchait, dans leur sillage, à se rapprocher plus encore d’un astre nourricier, toujours avec une prédilection pour la dissidence, les chemins de traverse. Dans ce périple, l’écriture lui tient lieu de réconfort, comme si elle lui permettait d’approcher au mieux l’inaccessible étoile. Les pages qu’il nous donne sont portées par ses lectures et son goût du débat, elles sont imprégnées d’une forme de classicisme de bon aloi.
À ce jeu, qui prend des allures de quête incessante dont on ne ressort pas indemne, il dit avoir beaucoup perdu, au point de se retrouver plus seul aujourd’hui. Aussi Quand j’étais belge est-il avant tout une succession de confidences qui ne cherchent en rien à gommer les errements et sa lecture peut séduire par sa sincérité et illustrer le désenchantement dont les observateurs soulignent régulièrement à quel point il a gagné une part de notre société en mal de repères.
Thierry Detienne