Lydia Flem : au-delà de sa propre peau…

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Lydia Flem – © Hugues Vas

Depuis Comment j’ai vidé la maison de mes parents, l’œuvre de Lydia Flem, écrivaine, photographe et psychanalyste, accompagne nos vies. Nous y (re)venons quand nous avons besoin de reprendre espoir, de croire que l’impasse n’est pas fatale. Que les jours, tout de même, méritent d’être vécus. L’autrice de Paris fantasme écrit en douceur, comme en confidence. Avec une liberté trouvée qui l’autorise à mêler ses mots à ceux de Freud, Casanova…, à la correspondance de ses parents.

L’entretien a eu lieu dans son beau jardin bruxellois, une matinée ensoleillée, au début de l’été. Le ton était amical, introspectif, tantôt souriant, tantôt inquiet. Nous accompagnaient ce jour-là ce que cet article ne pourra rendre : le chant des oiseaux et le bleu des yeux de l’écrivaine s’illuminant à certaines questions, à certains souvenirs, s’assombrissant à d’autres. On ne peut l’oublier.

À quels moments de votre vie ont eu lieu vos premiers contacts avec l’écriture ?
Je pense que j’ai rencontré l’écriture avant même de naitre. Elle a toujours été là. Autour de moi flottaient beaucoup d’émotions, d’expériences, liées à l’histoire de ma famille, à l’exil, à la Shoah, qui ne trouvaient pas de mots pour se dire. Très tôt – les enfants sont des éponges –, j’ai ressenti la nécessité vitale de mettre en forme ces choses qui tourbillonnaient comme des fantômes, qu’il fallait recueillir et transformer en histoire. Enfant unique, la lecture m’offrait des amis imaginaires, essentiels. Pour mes huit ans, j’ai reçu mes premiers livres, des romans de la Comtesse de Ségur. Femme écrivain, elle offrait une possibilité d’identification, comme George Sand, Louisa May Alcott ou Anne Frank dont je lisais le Journal en cachette. Quand j’empruntais des livres à la bibliothèque, je les lisais dès que j’étais rentrée à la maison. Puis, je les rapportais dans l’après-midi même et disais à la bibliothécaire : J’en voudrais d’autres. J’étais une boulimique de la lecture. L’écriture en découlait comme une évidence.

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En parlant de boulimie, est-ce qu’un livre comme Paris fantasme, avec son matériel historique abondant, répond à une avidité de travail ?
Est-ce réellement du travail ? Plutôt une obsession, un bonheur – celui d’être engloutie pendant cinq années dans une autre dimension, entre fiction et réalité, beaucoup d’heures de patience, bien sûr, d’excitation aussi, une curiosité intense et multiple, comme celle des enfants. Se donner une contrainte d’écriture déclenche la créativité. Pour ce livre-ci, cela fut l’unité de lieu, les dix numéros de la rue Férou, dans le sixième arrondissement de Paris, entre la place Saint-Sulpice et le jardin du Luxembourg, mais sur cinq cents ans… Le mystérieux Étienne Férou, qui a vécu à la fin du Moyen-Âge, au début de la Renaissance, m’a donné beaucoup de fil à retordre. Les archives étaient rares, cela me frustrait. Alors je continuais à enquêter, je trouvais des descendants, des bribes… De même pour les généalogies de Jean-Jacques Olier, de Madame de La Fayette, ou de la famille de Jouvenel, le deuxième époux de Colette, tant de personnages célèbres mais aussi d’habitants quasi anonymes, dont il m’était essentiel de recueillir des traces, de dresser des listes pour rendre à ces inconnus une mémoire, un peu de leur humanité.

Vous semblez avoir travaillé librement cette matière, davantage en écrivaine qu’en historienne.
Je ne séparerais pas la littérature et l’histoire. J’ai été proche de Jean-Pierre Vernant, de Nicole Loraux ou d’Arlette Farge et Michelle Perrot. J’ai participé plusieurs années durant, à l’École des hautes études en sciences sociales, à des séminaires passionnants sur l’histoire des femmes, ainsi qu’à des rencontres pluridisciplinaires, entre sciences humaines et psychanalyse, au Laboratoire d’anthropologie sociale, fondé par Claude Lévi-Strauss. Depuis longtemps, les historiens se posent la question de la narration, ainsi Michel de Certeau dans L’écriture de l’histoire ou Ivan Jablonka dans L’histoire est une littérature contemporaine. La rigueur et l’érudition ne s’opposent pas à la littérature, elles s’épaulent. Dans Paris fantasme, j’ai choisi de mettre mes sources, plutôt qu’en fin de volume, sur une page de mon site, ce qui permet à chaque personne qui le souhaite de voir comment j’ai construit ou reconstruit ce que je raconte.

Dans vos livres plus autobiographiques, même si Paris fantasme l’est aussi à sa manière, vous citez rarement les sciences humaines, l’histoire, mais vous faites appel à la littérature, à l’art.
Peut-être que ce qui est le plus évident demeure caché. Les sciences humaines sont mes balises depuis toujours. La revue Le genre humain, dirigée par Maurice Olender, a accueilli mes textes sur la rumeur, le masculin dans les westerns, les hymnes nationaux, la transmission des liens précoces parent-nourrisson notamment. Je prépare un recueil de ces textes. Récemment, j’ai écrit pour la revue dirigée par Michel Deguy, Po&sie, né à la rue Férou, un texte sur trois procès à Rome au 17e siècle, ceux de Galilée, Beatrice Cenci et Artemisia Gentileschi. 

flem la vie quotidienne de Freud et de ses patients

Dès votre premier livre, La vie quotidienne de Freud et de ses patients, vous avez fait œuvre d’écrivaine, même si le sujet était historique.
C’est le hasard des rencontres qui m’a poussée à écrire ce livre. À l’époque, je suivais une formation clinique à la psychanalyse d’enfants. Les séminaires étaient animés par des gens très impliqués, très stimulants. On lisait de la psychanalyse, mais aussi des poètes comme Edmond Jabès, des anthropologues comme Lévi-Strauss, des biologistes comme Henri Atlan. Tous les trimestres, on devait remettre un texte. Plutôt que de proposer une expérience clinique, j’ai eu l’idée de m’interroger sur la judéité de Freud. Le sujet a été accepté. À la même époque, j’ai rencontré Maurice Olender, qui dirigeait la collection « Textes du XXe siècle » chez Hachette. On allait fêter les cinquante ans de la collection « La vie quotidienne ». Pour l’occasion, Maurice Olender a suggéré « la vie quotidienne de Freud et de ses patients » et m’a proposé de tenter cette aventure. J’ai été d’emblée séduite par les enjeux d’écriture. Freud, comme Casanova, sont de grands écrivains. Portée par leur souffle, j’ai cherché à recréer l’atmosphère de la Vienne du tournant du 20e siècle ou Venise et l’Europe du 18e siècle. 

flem casanovaDans ce livre, comme dans L’homme Freud ou dans Casanova ou l’exercice du bonheur, vous mêlez votre écriture à celle des personnages que vous étudiez. Vous referez la même chose plus tard, dans Lettres d’amour en héritage, avec la correspondance de vos parents. À cet égard, vous parlez parfois d’enchevêtrement…
Vous posez des questions psychanalytiques (sourire). Petite, je passais beaucoup d’heures seule. Quand on n’a ni frères ni sœurs, il y a beaucoup de temps morts. Je jouais bien sûr avec d’autres enfants, j’adorais cela, mais ils n’étaient pas toujours disponibles. J’observais ce qui se passait autour de moi. Peut-être, est-ce ainsi que j’ai perçu la porosité, la continuité vitale entre soi et le monde, soi et les autres, leurs enchevêtrements intimes. Devenir écrivain ou artiste, c’est capter comme un tambour, un kaléidoscope ou un sismographe tout ce que l’on perçoit dans sa complexité. C’est tellement plus passionnant de ne pas rester à l’étroit dans sa propre peau. Même si ce n’est pas en phase avec le monde d’aujourd’hui qui célèbre l’égocentrisme absolu, nos vies sont vitalement mêlées à celles des autres vivants, comme aux personnages de fiction.

Vos livres semblent aussi avoir besoin de l’imaginaire pour répondre aux questions que vous posez…
Pour moi, les frontières se brouillent entre réalité et fiction. La vie est difficile. Si la fiction n’existait pas, elle le serait davantage encore. C’est comme dans un jardin, les plantes se transforment, se déplacent, dansent les unes avec les autres au gré des saisons, rien n’y est figé. Il faut toujours une part de jeu, de dépassement. Sinon la vie… serait insupportable.

Mais, en même temps, vos livres ne sont pas des fuites dans l’imaginaire…
La vie nous oblige à faire face à de nombreux imprévus, des deuils, des accidents de santé, des séparations… Un équilibre est nécessaire entre le temps du pragmatisme et le temps de l’imagination. L’art, la littérature nous encouragent au dépassement, à une autre perception des difficultés à traverser. Si les lecteurs peuvent entrer dans mes livres à leur manière singulière, s’en servir comme d’un miroir, cela me réconforte. Yves Bonnefoy affirmait qu’un livre n’existe que lorsque l’écriture et la lecture se rencontrent, que l’écrivain et le lecteur font chacun leur part. Un livre, c’est une histoire d’amour.

Cela pourrait-il aussi être un des sens de l’absence de point final dans Comment j’ai vidé la maison de mes parents ?
L’expression « point final » dans la dernière phrase du livre accentuait le deuil, comme s’il redoublait la perte. L’absence de point, au contraire, ouvre un espace de méditation, une ligne d’horizon qui permet à chaque lectrice ou lecteur de poursuivre le chemin à sa façon. Lors d’une rencontre en librairie, quelqu’un m’a dit que cela signifiait que ce livre exigeait une suite. Je n’y croyais pas jusqu’à ce que naisse, en effet, Lettres d’amour en héritage. J’aime que mes livres restent ouverts, offrent l’hospitalité à celles et ceux qui s’y aventurent.

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Est-ce Comment j’ai vidé la maison de mes parents qui a ouvert la voie à vos autres livres autobiographiques ?
La voix des amants (2002) qui précède ce livre est déjà autobiographique, mais sans « je » assumé dans tous les chapitres. J’y raconte l’amour sous le masque de personnages d’opéra. Dans Comment j’ai vidé la maison de mes parents (2004), j’endosse le « je » comme tel, dans Panique (2005), d’une manière à peine déguisée. Dire « je », c’est prendre en charge son propre parcours, l’offrir en un nous de partage, comme le relevait Jacques De Decker. La reine Alice et Paris fantasme sont des autobiographies, avec des angles nouveaux pour explorer des genres littéraires différents : conte, journal, récits d’enfance, lettres. À la manière de Georges Perec, et en hommage au grand écrivain qu’il était, Je me souviens de l’imperméable rouge que je portais l’été de mes vingt ans était également autobiographique, mais, une fois encore, une « autobiographie au pluriel ». Chaque nouveau projet d’écriture est un obstacle à franchir, un défi qu’on se lance. Se répéter n’a aucun intérêt. Les universitaires, qui s’intéressent à mes livres, à Montréal, Paris ou en Australie, les analysent mieux que je ne pourrais le faire. Je ne suis peut-être pas la bonne personne pour en parler…

Dans Comment j’ai vidé la maison de mes parents, vous dites : « Écrire devenait une tâche urgente ». Est-ce que c’était juste écrire, ou écrire pour en faire un livre édité ?
J’ai toujours rêvé d’écrire des livres et d’être publiée. L’écriture suppose un lecteur imaginaire à qui l’on s’adresse. Dès que j’ai su lire, la magie de la page que l’on tourne m’a fascinée, je souhaitais devenir cette personne qui écrit des livres dont on a envie de tourner les pages.

Comment articulez-vous la psychanalyse et l’écriture, toutes deux en prise avec le langage ?
Je ne serais peut-être pas devenue psychanalyste si je n’avais pas été l’assistante de Menie Grégoire, l’animatrice restée célèbre. À la fin d’études en sciences politiques et sociales, mon mémoire portait sur son émission à RTL, « La responsabilité sexuelle ». À cette époque, vers 1974-1975, RTL a été la première radio à ouvrir son antenne à la parole et aux témoignages des auditeurs. Mon directeur de mémoire m’a conseillé de la rencontrer. Elle m’a accueillie à Paris les bras ouverts. Le surlendemain, elle m’a téléphoné, affolée, parce que son assistante, enceinte, la quittait pour plusieurs mois. Elle m’a demandé de la remplacer. J’ai été son assistante pendant un an. Je planifiais les passages des auditrices et des auditeurs sur l’antenne. Nous recevions des milliers d’appels, plusieurs sacs postaux de lettres tous les jours – ces archives se trouvent aujourd’hui à Tours. C’était à la fois passionnant, inédit et éprouvant de découvrir tant de souffrance au quotidien. Le désir de devenir psychanalyste a germé à ce moment-là. Le livre de Marie Cardinal, Les mots pour le dire, qui venait de sortir en librairie, a également joué un rôle, mêlant psychanalyse et écriture comme une évidence. Freud lui-même, que je commençais à lire, racontait sa surprise de découvrir que les récits de cure psychanalytique se lisaient comme des romans. L’introspection, à voix haute ou sur le papier, est dans son essence même littéraire, romanesque.

Le rapport aux mots est-il semblable en analyse et en écriture ?
Il y a un noyau commun. Comme analyste, il faut choisir des mots qui font sens pour l’analysant, qui lui permettent de faire un pas de côté, de découvrir de l’inédit en soi. Chacun, chacune, habite différemment la langue. Les liens entre les mots et les perceptions, les émotions, les sentiments restent sans cesse à chercher, à peaufiner. L’enfant n’a pas toujours été dans le langage. Il ne le possède pas de façon innée, il doit l’apprendre. Il y a une forme de perte, de déperdition quand il entre dans la langue commune. Le travail de l’écriture comme de la démarche analytique s’apparente à l’artisanat de la dentellerie, de la sculpture, de l’orfèvrerie. Toujours s’approcher au plus près possible de l’interface entre ce qui est perçu, vécu et ce qui en est raconté possiblement… Écrire, c’est, en somme, traduire.

Dans Journal implicite, catalogue de cinq séries de vos compositions photographiques, exposées en 2015 à la Maison européenne de la photographie, à Paris, vous dites que vous avez commencé à photographier parce que l’écriture était devenue impossible… Or, dans plusieurs de ces photos, on trouve des mots, de l’écriture…
Les photographies de Journal implicite sont nées dans des circonstances particulières, lors d’un cancer du sein dont les lourds traitements altéraient ma capacité d’attention et de concentration. L’immédiateté d’une prise de cliché contraste absolument avec le très lent travail d’écriture. Puisque les mots se dérobaient, que je n’avais plus la force de lire ou de rédiger d’une manière soutenue, je me suis tournée vers l’usage de l’appareil photo. J’ai voulu « écrire » des images comme on tient un journal intime. Les rapports entre image et imagination, photographie et texte s’imposent comme les deux faces d’une même démarche créatrice. Les mots – manuscrits ou imprimés – possèdent également une puissance esthétique que j’avais envie d’explorer. Les mots ne sont pas seulement des signifiants à déchiffrer, ils recèlent des trésors formels, plastiques, quasi infinis comme la tradition surréaliste des collages l’a démontré.

La série de photographies Féminicide met en scène des ciseaux et des reproductions de tableaux classiques. Là aussi vous travaillez avec l’œuvre d’autres artistes.
Je fais dialoguer ici la Vénus de Botticelli, la Jeune fille à la perle de Vermeer, Flore de Rembrandt, ou un autoportrait d’Artemisia Gentileschi, une femme peintre du 17e siècle italien, et d’autres œuvres encore, pour dénoncer les injustices faites aux femmes parce qu’elles sont femmes, comme si elles n’appartenaient pas à la même humanité que celle des hommes. Cette série de photographies est un geste de révolte contre l’exaltation de la beauté féminine qui s’accompagne, en même temps, de la violence qui est imposée aux femmes. On ne veut pas être mises sur un piédestal pour ensuite être assassinées.

Que voulez-vous signifier quand vous dites que l’écriture est une traduction ?
C’est un peu comme lorsqu’on se réveille après avoir rêvé. Il est quasi impossible de reproduire le songe tel qu’on l’a vécu. Une partie s’efface. Si nous devions raconter notre rencontre d’aujourd’hui depuis le moment où vous êtes arrivé, ce serait très complexe, presque impossible. Il y a des perceptions de l’intérieur, de l’extérieur, des sensations, des gestes, des pensées, de l’inconscient … S’approcher de cela est à la fois fascinant et compliqué, c’est un enjeu sans fin de l’écriture. Un enjeu qui, quand on a terminé un texte, donne envie d’en écrire un autre.

Pourquoi, dans Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils, reproduisez-vous les citations de Lewis Caroll à la fois en anglais et en français ?
Enfant, j’ai vécu dans un bain plurilingue. Cela m’a appris, je crois, que les mots ne recouvrent pas complètement la réalité, que chaque langue la découpe autrement. Chaque langue possède un univers propre. Quand j’ai commencé à apprendre l’anglais, j’ai découvert une bulle où je me sentais bien. Pour Comment je me suis séparée…, l’anglais des citations correspondait à la langue que ma fille était partie perfectionner en Angleterre, l’objet de la séparation. J’adorerais parler de nombreuses langues et lire les écrivains dans leur langue. J’aime les livres bilingues, ce qui permet à tout moment de se plonger dans le bain sonore de la langue d’origine. Je pourrais aussi facilement m’imaginer en écrivain d’une autre langue. Voir comment on prend les mots, on les assemble, essaie de leur faire dire quelque chose, avec eux, sous eux, à côté d’eux, contre eux, est un jeu sans fin.

Vos livres regorgent de questions et apportent des réponses aux lectrices et aux lecteurs. Mais est-ce que ces réponses valent aussi pour votre vie ?
L’écriture possède une fonction cathartique. Elle me transforme. C’est un cheminement. Je ne ressens pas le livre comme un objet séparé de moi. Je me souviens d’un ami qui écrivait en suivant un plan. Ce n’est pas ma méthode. Cela m’ennuierait beaucoup. Un livre est comme une sécrétion intime. Je le fabrique et il me façonne, en retour. Est-ce que cela répond aux questions posées dans les livres ? Je ne sais pas, cela les déplace peut-être. Écrire métamorphose toujours, au moins un peu…

Quel est le rôle de Maurice Olender, qui a publié tous vos livres, dans sa collection « La librairie du XXIe siècle » ?
Pour vous répondre, je préfère emprunter les mots de Denis Podalydès dans son dernier livre : « Maurice m’a suggéré de continuer à travailler sans préjuger de la forme finale. Ses encouragements, ses remarques et ses conseils, toujours délicats et mesurés, m’incitant à toujours plus de liberté (…) m’ont été infiniment précieux ».

Comment travaillez-vous ensemble ?
Par exemple, pour Casanova ou l’exercice du bonheur, nous avions fait le contrat que je ne lui montrerais rien. Pendant un an, j’ai écrit sans jamais lui divulguer une phrase. Souvent je procède ainsi car il n’aime pas lire plusieurs fois. Pour lui, la première lecture est la bonne. Si je ne lui montre pas le texte, j’en parle. Et il y a toujours un moment où ça décolle. Maurice Olender ne répond pas à la place de l’auteur.

Comme vous vous êtes autorisée à le faire avec Freud, je me permets de vous poser la fameuse question : Pourquoi écrivez-vous ?
Peut-être parce que la vie seule ne suffit pas. Un vêtement possède toujours une doublure, un ourlet, un reste qui doit tenter de trouver une forme. Spinoza dit que toute chose « s’efforce de persévérer dans son être ». Quelque chose dans la vie veut la vie. Peut-être que quelque chose dans la création veut qu’elle se poursuivre, malgré nous, à travers nous.

Dans vos livres, la vie l’emporte toujours…
Je ne peux pas vivre autrement. La vie serait invivable si je ne pouvais penser qu’elle essaie de l’emporter, malgré tout. Je n’ai pas vraiment le choix. (Rires).

Michel Zumkir

 

Livres cités


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°209 (2021)