Le printemps en automne

Samia HAMMAMI

wilwerthRegardez autour de vous. Le vert tendre et intense, le blanc éclatant et délicat ; le jaune insolent et irradiant, le rose pastel et élégant : le printemps est de retour ! La sève, fluide bien qu’épaisse, gorge les plantes, perle des troncs, revigore les tiges. Les bourgeons, petits boutons de vie en désordre, s’épanouissent en fleurs. La lumière reprend ses droits : elle se déverse, impériale, par flots de rayons ; elle se diffuse, tamisée, à travers les nuages et les branchages. Les pépiements, gazouillements et autres piaillements joyeux ravissent les oreilles. Les peaux endormies se dégourdissent sous la caresse du soleil ou le frémissement d’une brise fraîche et piquante. Les corps se dévoilent, s’offrent, palpitent. Envol des sens. Tout comme ce samedi 20 septembre, une journée étrangement printanière dans ses effluves et ses effets.

Approchez de l’hôtel un peu vieillot aux murs envahis par le lierre. Pas loin de la mer. À l’intérieur, une petite quinzaine de chambres à la décoration surannée. Le végétal, sur les tapisseries et dans le jardin attenant, prolifère et embaume. Et derrière les dahlias, les pois de senteur, les capucines, l’herbe folle, le tilleul et le marronnier, la silhouette d’un vieux chat fatigué, tigré, à moitié borgne, se découpe et s’éloigne tristement vers le Nord.

Respirez. Humez. Ouvrez l’œil, surtout, car la bâtisse et ses occupants d’un soir titillent le voyeurisme. Eulalie, l’hôte temporaire, et octogénaire, du numéro 10, décrit ainsi les lieux à son ami Théodore : « Dans un hôtel très plaisant, où des robes s’envolent des balcons, et des soutiens, et des culottes, la mienne par exemple, un hôtel où l’on aperçoit parfois, dans l’ombre du jardin, un homme nu à la silhouette égyptienne… » Car chaque porte s’ouvre sur une scène d’intimité – délicatement esquissée par l’auteure Évelyne Wilwerth – puis se referme discrètement sur les secrets des corps en extase.

Découvrez. La Femme qui se libère, ose, rougit, jouit. L’Homme qui se perd, hésite, (se) cherche, jouit. La Femme et l’Homme, corps flétris ou en devenir, en solo ou en duo, amants d’un soir ou d’une vie, in absentia ou in presentia, passifs ou actifs, dans la découverte ou la complicité, qui jouissent. Imprégnez-vous enfin de la cantilène charnelle d’Eulalie aux étoiles :

Ouverture… confiance… audace… fantaisie… folie… intuition… désobéissance… intensité… libération… libération sans fin…

Évelyne WILWERTH, Hôtel de la mer sensuelle, Waterloo, Avant-Propos, avril 2015, 112 p., 14,95€

Écouter Evelyne Wilwerth évoquant Hôtel de la mer sensuelle au micro d’Edmond Morrel, pour espace-livres.be