À la recherche du peintre

Michaël LAMBERT, Femmes de Rops, Murmure des soirs, 2018, 303 p., 18 €, ISBN : 978-2-930657-47-9

Avec Femmes de Rops, Michaël Lambert se lance dans un défi ambitieux : tisser un jeu d’échos entre deux hommes, entre deux temps, entre deux mondes, celui du peintre Félicien Rops et celui d’un expert en assurance qui part sur sa piste dans l’espoir de comprendre qui était l’artiste derrière l’œuvre et quel était l’homme derrière l’artiste.

Le point de départ de cette enquête est un fait divers : l’entartage du philosophe BHV (Bertrand Hilaire-Verni) par le Bloupier lors d’une conférence faite pour l’exposition de l’artiste conceptuel Dan Farce, dont Rops est le prétexte. Comme on le voit, Michaël Lambert n’a pas peur de manier l’humour potache et décalque des situations et des personnages bien connus du public. Cet attentat pâtissier suscite la colère des responsables du musée Rops et du bourgmestre de Namur qui, dans le même esprit, est appelé Dévot.

L’assureur, qui devrait se contenter de rendre un rapport allant dans le sens voulu par les responsables du musée sur les dommages subis, se prend cependant au jeu. Piqué de curiosité envers la figure de Rops et les passions qu’elle suscite, il se lance dans une recherche bien éloignée de ce qu’on lui demande :

Jean regarda les classeurs contenant les centaines de lettres de Fély. Même en les épluchant toutes attentivement, il ne connaîtrait jamais la vérité de l’artiste qui était mort plus d’un siècle auparavant. Non, il fallait comprendre ce qu’il représentait aujourd’hui, pourquoi on lui dédiait un musée, qui achetait ses œuvres, qui avait intérêt à ce qu’on se souvienne de lui.

Les époques s’entrelacent en courtes séquences. L’assureur est entraîné dans le tourbillon des amours de Rops auxquels répond, plus d’un siècle plus tard, la situation dans laquelle il est écartelé entre, d’une part, sa future femme qui attend un enfant et, de l’autre, la jeune assistante du musée qui lui fait découvrir Rops et, en même temps une conception plus libre de la vie et de l’amour. Cette idylle naissante l’amène en outre à découvrir un secret de famille : l’infidélité de son père, qui, peu après sa naissance, fut pris de passion pour une étudiante travaillant sur Rops.

Le portrait dressé de l’artiste est celui d’un anarchiste « inclassable parce que vivant ». Le roman, s’il fait la part belle aux lettres de Rops, ne se veut cependant pas une biographie, mais une « vie fantasmée », suivant les mots de l’auteur dans sa préface. Son but est de « sauver » Félicien Rops et de restituer ce qui fascine chez lui et le rend toujours actuel.

Il faut sauver Fély ! Qui sait encore aujourd’hui quel artiste il était ?

Pour atteindre cet objectif, une bibliographie et une chronologie complètent l’ouvrage.

François-Xavier Lavenne