Un joyau nécessaire au creux des mains

Victoire de CHANGY, La paume plus grande que toi, Arbre de Diane, 2020, 121 p., 12 €, ISBN : 978-2-930822-17-4

Nour a dix mille visages
et change à chaque seconde
ses cils
ses jambes s’allongent déjà
et le temps de détourner les yeux de lui
pour retrouver l’ancien Nour
sur les photographies
le temps d’y revenir
Nour
est
à nouveau
nouveau

Dans ce premier volume d’une trilogie annoncée, le temps s’immobilise, reprend, ralentit, redémarre, nous offrant des épisodes contemplatifs dans lesquels, par petites touches, Victoire de Changy illustre, avec douceur, sa maternité. Elle nous plonge dans l’avant et l’après naissance de Nour, son fils, et nous permet de suivre cet enfantement, de le vivre, avec elle, en elle, intimement et intensément.

En une quarantaine de poèmes et quinze mois, ce sont SES instants que Victoire de Changy nous partage. Depuis son anatomie qui se transforme et s’adapte au corps d’après accouchement, qui nourrit, récupère et devient ce corps maternel, Victoire de Changy aborde avec délicatesse et tendresse, ce bouleversement de devenir mère et plus largement parent. Chargé d’une émotion qui se révèle tantôt source de joie, tantôt propice au questionnement, le récit de Victoire de Changy raconte Nour, petit être lumineux, qui grandit, se développe, qui pleure, dort, découvre ses mains, découvre la vie, découvre qu’il existe. Dedans comme dehors, tout simplement.

Au fil des vers, Nour est aimé éperdument, bercé par les bras légers de maman et les mains fortes de papa. De mains, il en est largement question. Comme une douce et saine obsession, les mains de la triade papa-maman-bébé jalonnent la prose poétique de Victoire de Changy. Elles sont détendues, contractées, ouvertes, fermées, elles saisissent.  Et Nour s’y blottit, regarde, écoute, goûte, respire et (res)sent.

Victoire de Changy a été indéniablement touchée par la fée de l’écriture. Ses deux premiers romans, son album jeunesse ont permis de découvrir une jeune auteure d’une sensibilité redoutable qui n’hésite pas à décortiquer les mots pour qu’ils sonnent et résonnent au plus juste. Ils font écho au plus profond de nous. Avec La paume plus grande que toi, Victoire de Changy signe une venue au monde infiniment personnelle et profonde, à la fois universelle et tellement nôtre. Elle nous octroie le temps d’observer et de profiter, lentement, sans urgence, de l’éclosion de la vie.

Natacha Wallez