Être soi, joyeusement

Un coup de cœur du Carnet

Anne HERBAUTS, Ni l’un ni l’autre, Casterman, 2020, 32 p., 15,90 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 9782203207578

Ni l’un ni l’autre, le dernier album d’Anne Herbauts est joyeux, entrainant, et une vraie déclaration d’indépendance des jeunes enfants auxquels il s’adresse. Eux qui sont souvent comparés à papa ou maman (dont ils auraient les oreilles, le nez ou le caractère), définis par ceux-ci, étiquetés malgré eux, se développent pourtant en tant qu’individus dotés d’une personnalité qui n’appartient et ne ressemble qu’à eux. Et c’est ce que nous rappelle cet album tout en couleurs.

Un enfant se raconte, au fil d’une journée dont on suit les étapes : s’habiller, manger son petit-déjeuner, jouer, ranger, courir partout, se promener, et enfin rentrer pour déguster un cornet de glace. Tout au long de ces moments, l’enfant, dont on n’aperçoit jamais les traits, apparait en petit loup, petit chat, poussin ou lapin, au gré des surnoms dont l’affublent ses parents.


Lire aussi : Anne Herbauts, quelque part entre les pages (Le Carnet et les Instants n°192)


L’enfant se dit, s’identifie comme étant une personne à part entière, comme autre.

Mon père est pressé.
Ma mère est partout.
Moi, je ne suis
ni l’un
ni l’autre.
Je suis moi.

Mon père est précis.
Ma mère est solaire.
Moi, je ne suis
ni l’un
ni l’autre.
Je suis moi.

Le texte se fait comptine, dont il reprend des caractéristiques : refrain, couplet, mots dont les sons se répondent joliment (mais pas trop impeccablement, car l’autrice se fait un point d’honneur à toujours esquiver l’ennui de la perfection). Rythmé, enjoué, l’album amuse et rassure également le petit lecteur par les multiples échos qu’il ménage.

Comme dans tous ses livres, Anne Herbauts déroule plusieurs fils pour tisser la matière de son album. Ainsi, un véritable jeu chromatique accompagne le récit. Le narrateur compose gaiement son discours avec les éléments qui trament son quotidien, dont chacun est jalonné par une couleur propre : rouge pour les habits, jaune pour le petit déjeuner, vert pour le jeu… Des taches de couleurs, pour le pur plaisir de leur vibrance, habillent les pages de gardes. Elles prennent ensuite formes et donnent leurs tonalités aux silhouettes des animaux représentés en couverture et dans le livre. Jaune poussin et vert grenouille, brun chat et gris lapin. Ce jeu de coloris enchante autant qu’il crée du sens.

Vous l’aurez compris, cet album est à recommander aux jeunes lecteurs qui, dès 4 ans, entendent vivre leur vie à leur manière.

Fanny Deschamps