À la recherche du tant perdu

Didier ROBERT, L’empreinte du silence, F. Deville, 2021, 150 p., 15 €, ISBN : 9782875990389

robert l empreinte du silenceLes secrets de famille, on le sait aujourd’hui, peuvent empeser l’existence de ceux et celles qui en supportent la charge, parfois sans le savoir. Ils ont la peau dure, peuvent faire sentir leurs effets par-delà les générations, jusqu’à ce que quelqu’un se décide à lever l’omerta et trouve les mots pour lever le verrou. C’est la démarche effectuée par Didier Robert qui est parti à la recherche d’un parent arrêté au petit matin par l’occupant allemand durant la Seconde guerre mondiale et qui n’est jamais revenu :

Sur la table de chevet de ma grand-mère maternelle étaient posés un chapelet et la photo encadrée d’un homme : mon grand-père. Je savais qu’il avait disparu. Il était mort à la guerre, comme je l’entendais dire. Disparu, mort : est-ce la même chose ? 

Enfant, le narrateur a pourtant été très proche de sa grand-mère dont il a apprécié l’accueil chaleureux, la cuisine généreuse. Mais cette femme forte ne parle jamais de son mari qui lui a été enlevé alors qu’il était jeune papa. Les quelques tentatives prudentes destinées à en savoir plus n’ont rien donné. Et à mesure qu’il grandit et devient adulte, le besoin de savoir du narrateur devient plus pressant d’autant que les contemporains des faits manifestent le même empressement à détourner la conversation, voire à l’éconduire purement et simplement.

Mais arrive un jour où l’envie de savoir est plus forte que tout et où il mesure à quel point ce coin occulté de la mémoire familiale est intimement lié au mal-être global avec lequel il se débat. Muni des quelques documents familiaux qu’il a fini par récupérer, non sans mal, il décide d’entamer des recherches par les voies officielles et il rassemble peu à peu les pièces manquantes du puzzle, retraçant le parcours de son aïeul depuis le matin funeste jusqu’à son décès quelques semaines à peine avant la libération des camps. Et l’on ne peut s’empêcher, face aux faits établis, de s’interroger sur les raisons du secret entretenu. Et si l’évocation refusée était tout simplement motivée par le souci de ne pas ranimer la douleur ?

Si ce récit porte le titre de roman, L’empreinte du silence est avant tout le compte-rendu d’une démarche personnelle. Guidé par un forme de sobriété sans doute délibérée, il rend hommage à un absent et en dénoue devant le lecteur-témoin l’ombre obsédante, libérant une goulée d’air frais après une longue apnée.   

Thierry Detienne