Guy GOFFETTE, Verlaine, Buchet/Chastel, coll. « Les auteurs de ma vie », 2021, 192 p., 14 €, ISBN 978-2-283-03356-2
Comme Guy Goffette l’aime, son cher Verlaine ! Et comme il nous fait partager cet attachement, cette affection, en généreux passeur de textes et de sentiments ! Alors que le coup de foudre n’a eu lieu qu’à la maturité (Verlaine est entré dans ma vie comme la foudre dans une maison fermée), la cinquantaine approchant (sa première idole a été Rimbaud, l’autre du couple glorieux), depuis, il écrit sur lui fidèlement, tendrement, amicalement. De beaux livres, de sa prose la plus poétique, emphatique, celle qu’on aime tant, celle d’Elle, par bonheur et toujours nue. Après Verlaine d’ardoise et de pluie (1996) et les récits de L’autre Verlaine (2008), il publie, dans la collection « Les auteurs de ma vie » aux Éditions Buchet/Chastel, un volume simplement intitulé Verlaine. Suivant la prescription de la collection, il signe la première partie et fait un choix personnel de textes dans la seconde.
« Comme un coquelicot dans le brouillard », le texte introductif dont le titre est emprunté à un vers de Paul Claudel, nous entraîne dans la vie et l’œuvre du poète. Vie et œuvre ; reflet ou miroir l’une de l’autre.
Avec Verlaine, il n’y a guère moyen d’échapper à la biographie. Sauf à se perdre dans l’étude et l’analyse de textes. Tâche souvent desséchante, surtout dans le cas d’un poète aussi souple, limpide et musical que lui.
Avec des mots doux, il dresse le portrait du mauvais gueux, de l’homme simple et bon, du poète génial ; il rappelle ses errances, la complexité, les dérives de sa vie, « à double ou triple fond », pleine de contradictions. Verlaine, dès sa toute petite enfance, a beaucoup changé de logis, comme s’il était voué à vivre sans domicile fixe. Après sa naissance à Metz, les affectations de son père l’emmènent à Montpellier, Sète, Béziers, Nîmes ; il y aura plus tard Paris, Londres, Rethel, Fampoux, les routes de France et de Navarre, la prison de Mons, l’hôpital Broussais… Mais comme l’auteur ne manque pas de le rappeler, le paradis de Verlaine a été un petit village belge où il a passé nombre d’étés de son enfance : Paliseul. Là, où ses sens se sont éveillés, il tentera toujours de revenir, même interdit de séjour belge. Comme l’écrit avec profondeur et justesse Guy Goffette : « Pays qu’on est, pays qu’on reste ».
Les amours de Verlaine ont été ce que l’on sait, tumultueuses, perdues avec sa femme (Mathilde Mauté), fulgurantes, infernales avec Rimbaud ; ajoutons-y son affection pour les prostituées et d’autres anonymes. Son goût orgiaque de l’alcool n’a rien arrangé. Rien apaisé. Où pouvait-il alors se réfugier ? Dans le giron fidèle de sa mère (qu’il a tenté tout de même d’étrangler à plus d’une reprise) et dans l’amitié de poètes, comme Mallarmé, fidèle parmi les fidèles. Grâce à eux, jamais il n’a abandonné ce pourquoi (but et cause mêlés) il a vécu sa vie de cette façon-là : la poésie. Qu’il n’aura de cesse de nourrir aux rencontres, aux amours, aux chutes et aux rebonds de la vie. De renouveler dans la forme et le fond, en vers et parfois en prose. Et toujours dans la grâce.
Michel Zumkir