Le temps de l’amour

Stanislas COTTON, Léa, l’été, Murmure des soirs, 2022, 286 p., 20 € / ePub : 12,99 €, ISBN : 978-2-930657-83-7

cotton léa l'étéLe dernier livre de Stanislas Cotton, Léa, l’été, c’est comme avoir de l’eau jusqu’aux coudes, à chercher un galet « rond, pas trop grand, pas trop lourd » et le faire presque s’envoler tout tout juste au-dessus de l’Ambrée, la rivière qui faisait tourner l’aube du vieux moulin dans lequel vit Melvil Tournel, le narrateur de ce récit. Une histoire en quatre mouvements, l’été.

Quand l’histoire commence, Melvil a 12 ans. Il raconte son ennui de l’école et comment il déjoue les attaques du gros lourd de Gabriel Maussin qui passe son temps à le harceler. Les assauts de Maussin n’empêchent pourtant pas Melvil d’investir la rivière, son domaine, pour y pêcher des truites arc-en-ciel, en explorer l’autre rive, véritable jungle aux trésors.

L’été, Melvil doit s’occuper seul vu que ses parents, négociants en vin, travaillent en ville toute la journée, mais il sait s’y prendre en matière de monde intérieur. Jusqu’à ce que débarque Léa.

Léa vient passer les vacances chez sa grand-mère et, avec ses longs cheveux blonds, ses gestes légers, sa peau parfumée, elle enivre Melvil. D’un coup, l’été prend une tout autre tournure. Pour la première fois, il devient le temps de l’amour, le temps des copains et de l’aventure. Parce que si Melvil passe ses matinées seul avec la nouvelle venue, il la partage, les après-midis, avec Luisa-y’a-du-monde-au-balcon, Lorient qui rêve de devenir auteur, Phil dont la mère explore les quatre coins de la planète. Et Gabriel, aussi, dont il faut bien se cogner la présence vu qu’en bon voisin de la grand-mère de Léa, il n’est pas le dernier à aider quand il s’agit de ramener les courses du marché.

Cet été-là, les amis se reniflent, apprivoisent les univers de l’un, de l’autre et saupoudrent leur quotidien de ces formules magiques dont on murmure que c’est ça l’enfance.

Puis, quand vient la fin de l’été, tous retournent à leur réalité. L’entrée dans une nouvelle école pour tous ceux de Pont-sur-Ambrée tandis que Léa, elle, rejoint son sixième continent, l’heptagone aux sept rivages dont elle parlait à Melvil quand il l’emmenait tout en haut de la colline, à cet endroit où la vue coupe le souffle, où la carrière de sable tombe tellement à pic que Melvil en a le vertige.  

S’il était prévu que Léa revienne chaque été, il a fallu revoir la copie avec le décès de la grand-mère. Aussi quatre années séparent-elles le premier mouvement du second. Le temps pour tous de grandir. Le temps pour Melvil de confirmer son dégoût de l’institution scolaire.

Le second mouvement coïncide avec l’été de leurs seize ans et commence au moment où Léa annonce son retour. Avec lui, l’entrée, pour Melvil, dans un autre genre de vertige. Celui du grand chambardement des émotions, du cœur qui bat si fort qu’on en crèverait, de l’attente qui fait s’étirer le temps pire qu’un chewing-gum et du plaisir de rejoindre l’autre d’autant plus immense que cet autre, précisément, se fait désirer.

Melvil quitte définitivement sa peau de gosse. Il laisse la mue derrière lui, de l’autre côté de la rive et teste les sensations, nouvelles, pas toujours agréables qui vont avec le fait de grandir. 

Cet été-là, deux drames confirment la sortie de l’enfance. Deux drames et un mystère qui occupent le troisième mouvement.

Le quatrième mouvement se déroule trente-cinq ans plus tard. Melvil Tournel est devenu un auteur confirmé. Il a eu besoin d’explorer ces souvenirs par le biais du roman pour tenter de comprendre l’envergure de ces drames, ce mystère. Une dernière révélation lui permettra de définitivement clore le dossier Léa, l’été.

Ce roman se lit d’une traite et fait du bien à l’âme avec cette histoire bien ficelée. Stanislas Cotton a cette capacité de convoquer, avec ses mots, ses images, sa langue, tous nos sens pour recréer les galets, les balades sur les murets chauffés à blanc où s’enfuit un lézard, les apéros sur le balcon qui surplombe la rivière, les ronces et le sable dans les sandales. Tout ce qui pourrait bien être l’enfance et les vacances. Et puis il y a aussi les mobylettes, les bières et les joints, la nuit, le long de l’eau, les coups de poings dans l’estomac et les jurons de ces amis avec qui les liens se font, se défont en autant de secrets que de passions. Parce que Léa, l’été est avant tout le récit du passage. Comme juillet-août qui chaque année vient marquer la césure aves tous ses possibles de soleil et de liberté.

Amélie Dewez

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