L’aventure c’est l’aventure

Henri VERNES, Palomita Paloma, ill. André TAYMANS, Éditions du Tiroir, 2022, 224 p., 18 €, ISBN : 978-2-931027-53-0
Henri VERNES, Les rescapés de l’Eldorado, ill. Vincent GRIMM, Éditions du Tiroir, 2022, 160 p., 18 €, ISBN : 978-2-931027-55-4

vernes palomita palomaDeux collègues de Bob Morane ont été réédités cet été : les gros-bras Luc Dassaut avec Les rescapés de l’Eldorado et Don avec Palomita Paloma. Soit deux romans de pure aventure sortis des Éditions du Tiroir ; bien nommées en l’occurrence. Leur catalogue est de BD et ces deux textes d’Henri Vernes, agrémentés de quelques dessins en pleine page, y trouvent aisément leur place. D’autant qu’André Taymans, co-fondateur des éditions et auteur des illustrations de Palomita Paloma remplit un vœu de collaboration vieux de vingt ans.

Palomita Paloma était l’âme damnée de Carmillo Esperanto. Une seule différence entre les deux : des deux elle était la plus féroce. On la disait belle comme le jour, avec une âme aussi noire que la nuit. Une fanatique. Communista hasta el fondo del vagino, disait-on d’elle.

vernes les rescapés de l'eldoradoLa plume d’Henri Vernes est bien connue, reconnue et renommée. Au total, il est l’auteur de près de 230 titres, totalisant 40 millions d’exemplaires, indique l’excipit. Dans ces deux romans, le point de rupture est le même : la chute d’un avion au cœur de la jungle la plus hostile. La quête de l’un, nous l’avons aperçu, est de désordre politique. La seconde, dans Les rescapés de l’Eldorado, est de découverte ethno-archéologique.

Là, on jetait à l’eau la masse de joyaux et, le génie de Guatabita étant apaisé, le Zipa pouvait alors regagner la berge, acclamé par ses fidèles voyant en lui une nouvelle incarnation du dieu Soleil. Il s’agissait donc sans doute de cet El Dorado dont parle la légende.

Luc et Don, s’ils diffèrent de contexte, sont typiques pour ne pas dire identiques, de véritables caricatures bien dans le jus de leur contemporanéité voulues par l’auteur et son public. On est entre James Don Bond, version petit-fils du capo di tutti de la Mafia tentant de s’en libérer incognito, et Indiana Luc Jones, mouture du reporter habitué à tomber au bon moment au bon endroit ; quoique sans beaucoup d’humour ni l’un ni l’autre.

Don s’attèle à démasquer un livreur d’armes aux insurgés révolutionnaires de la petite république corrompue de Paloma ; où la chaleur et l’érotisme flirtent avec les orages et les vices. De son côté, Luc Dassaut cherche le fabuleux trésor d’une cité perdue, tout en sauvant ses compagnons des tribus et territoires traversés, dont le degré de civilisation balance entre pire ou meilleur que celui des protagonistes.

« Être au pouvoir de ces sauvages et ne pouvoir rien faire, rien ! Nous, des hommes civilisés ! » Sur le front rougeaud de Sylvester, un rictus apparut. « Des civilisés ? Fit-il. Regardons-nous… Dans l’état où nous nous trouvons, nous faisons bien piètre figure à côté de ces “sauvages”, comme vous dites. »

Côté filles, de bombasses à traitresses, elles sont autant de proies faciles et futiles pour la féconde faconde masculine au service de rapports dangereux, rapides et sans suites. Les armes et le sexe sont résolument mâles, dégainant et tirant aussi rapidement que les mots brûlent les pages blanches. La copie s’écrit aussi vite qu’elle se lit dans un esprit jouissif, en un style et une forme continus, ininterrompus ; y compris d’un chapitre à l’autre où l’action peut se poursuivre sans transition. C’est haletant, divertissant ; au roman ce que la série est au cinéma.

Croyant trouver un moyen de détourner son attention, l’hôtesse colla sa croupe au ventre du pirate et se mit à bouger doucement les fesses. Elle en fut pour ses frais. Le canon de l’automatique se colla plus durement à sa tempe.

Telle était l’intention de l’auteur : se libérer de Bob Morane en se lançant sous un autre pseudonyme – Jacques Colombo – dans une cascade d’aventures érotico-policières avec Don ; un projet à placer entre SAS et San Antonio. De 1983 à 1986, il en écrit une petite dizaine. Le héros Luc Dassaut est quant à lui très antérieur, datant de 1957 avec seulement deux titres.

Cependant, la facture et verve de Vernes restent reconnaissables à l’évidence sinon que le plus ancien des deux romans, Les rescapés de l’Eldorado, est tout prêt de monter en qualité grâce à son environnement ethnique et archéologique. Malheureusement, les découvertes architecturales et les mœurs tribales exposées trop succinctement, servent à colorer l’histoire plus qu’à renseigner le lecteur.

Cette fois, Luc, qui possédait quelques notions de mythologie précolombienne, avait identifié le dieu représenté par la statue. Il s’agissait de Bochica, adoré comme fils du soleil par les anciens Chibchas. Sur les frises ornant les murs à hauteur d’homme, Luc reconnaissait à présent d’autres dieux, sculptés en haut-relief.

Nul doute : l’action, la chaleur, le danger, l’exotisme, le sexe, le suspense, l’urgence et la violence, tels sont les ingrédients ramenés du marché de son imaginaire et cuisinés par l’auteur pour servir aux lecteurs d’excellents romans-spaghetti, auxquels on revient toujours et régulièrement car, d’une manière ou d’une autre, ils vous tombent toujours dans les mains et rarement des mains.

Tito Dupret

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