Ont encore recommencé

Pascal VREBOS, La chair déchirée d’une petite griotte noire, M.E.O., 2022, 64 p., 10 € / ePub : 6,49 €, ISBN : 2807003532

vrebos la chair dechiree de la petite griotte noireAvec La chair déchirée d’une petite griotte noire, Pascal Vrebos propose, aux éditions M.E.O., un court roman portant sur la thématique du viol et du traumatisme qui en découle, de la difficile et douloureuse reconstruction de l’individu.

Tout au long du roman, une jeune femme du nom de Mariama conte son histoire au lecteur. Personnage qui se veut universel, elle a ses racines sur le continent africain. Un jour, un projet d’étude l’a menée quelque part en Europe où elle a posé ses valises. Là, elle a fait l’expérience de la haine raciale et de la cruauté. Sa chair, nous apprendra-t-elle, y a été déchirée.

Dès lors, Mariama n’y va pas par quatre chemins. Dès les premières lignes, elle épingle, elle accuse : les hommes de son récit ont figure d’antagonistes. En effet, que ce soit au travers de son expérience en Europe ou par l’intermédiaire des contes que son grand-père lui récitait durant ses nuits d’enfance, les hommes usent du viol comme d’une arme de guerre. Ils profanent pour mieux punir ou soumettre puis ils oublient et retournent à leurs familles.

Mariama, elle, n’oublie pas. Elle raconte son combat de tous les instants et son cheminement en quête de l’étincelle qui réanimera sa chair.

Pour donner corps au témoignage de son personnage conteur, Pascal Vrebos use de phrases aux tours oralisant dans un style direct, parfois cru, fragmentaire. Il s’agit de plonger au cœur du drame et de dire la déconstruction de la griotte qui a pourtant la force de ne pas se taire :

En moi plus de trous
plus rien senti
plus de viande
plus rien
plus rien senti
crucifiée
ont recommencé,
plus rien senti
ont encore recommencé

Plus que de chercher à choquer et à émouvoir, l’ouvrage veut avant tout informer son lecteur et l’ouvrir à l’existence d’une réalité honteuse. L’introduction du roman, signée Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix, abonde en ce sens. Décryptant l’évolution psychologique du personnage de Mariama, il souligne que la prise de parole contre le viol est un combat qui « doit s’accompagner de pédagogie et de conscientisation ». Un rôle qu’il confie à l’art, à la littérature et au théâtre et duquel s’empare Pascale Vrebos pour mettre en relief le témoignage de son personnage et pour lui donner sens.

La dénonciation des actes barbares des hommes et la gravité du propos n’empêchent cependant pas la plus brave humanité de se frayer un chemin entre les pages du livre. Sur sa route, Mariama croise aussi de la douceur, de la bienveillance et de l’empathie bien qu’un fossé les empêche de se rencontrer totalement : il s’agit de l’incompréhension de l’expérience vécue. Faisant témoigner son personnage, Pascal Vrebos y remédie.

Camille Tonelli

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