Catherine BARREAU, Tes cendres, Arbre de Diane, coll. « Les deux sœurs », 2023, 81 p., 15 €, ISBN : 978-2-9300822-27-3
L’écriture intensément poétique de Catherine Barreau s’affranchit du romanesque. Après quatre romans – dont La confiture de morts primé par le Rossel en 2020 –, l’autrice publie, dans la collection « Les deux sœurs », aux éditions L’arbre de Diane, son premier recueil de poèmes, d’une incandescence qui ressuscite d’entre les mots.
Ta
Mort
Pendant
le Grand
Confinement
À bout de souffle court
Pas de visite Pas de virus Pas d’emmerdeur […]
La mort du père devient la voie ouverte, passage à l’acte poétique, un agir d’écriture brûlant. Un déploiement de l’octogénèse d’un « je » sous la loi d’une figure paternelle despotique, destructrice et omnipotente. L’emmerdeuse, celle du milieu, entre la Grande et la Petite, celle qui essayait le « Bonjour », dit et écrit sans point d’arrêt, ni pause virgulante, dans une lisibilité où les capitales structurent, saisissent, achoppent, fixent l’image. Au fil du recueil, un équilibre du rythme, des répétitions, des images ; une charge poétique jaillit de ces cendres.
Tes cendres met en lumière la soumission à l’arbitraire d’une loi paternelle inextinguible et scande sa reconfiguration ; une refiguration narrative qui est vecteur de métamorphose, une émergence subjective.
Les mots Les mots Les mots peuvent tromper Les mots des morts peuvent traîner Moi-je Ça suffit Pas un bon jour Pour qui tu te prends C’est chez moi Imbécile Pas question Fous le camp C’est pas parfait Recommence Ramasse Fais le tour trois fois sur la pointe des pieds Silence Je les rends Moi je Moi je Moi je veux les changer Je n’ai Je n’ai-je n’ai Pas reçu mieux De mon père Moi je voudrais recommencer Tout ramasser Un bon jour Me prendre pour ce que je suis Faire le tour du silence Chez moi Poser les questions qui suffisent Et foutre le camp à pied Choisir mon camp Trois fois Recommencer Rêver Lire Écrire Décrire l’odeur du schiste L’odeur de l’ombre derrière la fenêtre Consoler les fantômes Les sorcières Délivrer mes mots Explorer les épaves Exposer mon sourire imbécile
Filiation, souffrance de transmission, blessures embrasantes composent ce recueil – dont les compositions aux lignes abstraites de l’illustratrice Larissa Viane accompagnent les quatre parties, scansions.
Une force de vie qui cherche à dire et s’écrit. Renaître avec « Tes cendres », un recueil qui métabolise les effractions agressives de la loi du père et offre de l’intime et du politique par sublimation.
Sarah Bearelle