Mon éditeur et moi : François Emmanuel

« L’éditeur, un autre privilégié »

François Emmanuel

François Emmanuel

Un rapide coup d’œil sur la bibliographie de François Emmanuel, à la fin de son dernier roman, Cheyenn, donne une idée de son parcours éditorial : vingt-deux livres publiés en vingt-deux ans, depuis 1989. Sans compter le premier recueil de poésie, Femmes prodiges, sorti à la Maison internationale de la poésie.

Ce recueil est signé en 1984 par François-Emmanuel Tirtiaux. Par la suite, l’écrivain belge abandonnera le patronyme lors de la présentation d’une pièce de théâtre (La leçon d’anatomie), bâtie à partir d’interventions de médecins dans plusieurs pièces de Molière et constituant une charge (indirecte) contre le monde médical. C’est dans ce contexte que le jeune auteur, alors metteur en scène et adaptateur, a téléphoné à l’imprimeur pour ne garder sur l’affiche que ses deux prénoms. Il a adopté par la suite ce nom de plume.

Un archipel de livres

Ces vingt-deux livres sont sortis à l’enseigne d’éditeurs différents. « Quand j’ai participé à la Chaire de poétique de l’Université de Louvain-la-Neuve, j’ai essayé de voir quelles étaient les lignes de force de cet ensemble. C’est l’image de l’archipel qui m’est venue, car il s’agit de livres assez différents mais que je puis regrouper selon leur tonalité, le monde qu’ils explorent. J’ai intitulé la première conférence ‘L’appel du texte’, centrée sur  La nuit d’obsidienne, qui est le premier livre que j’ai écrit, même s’il a été édité en deuxième lieu. Lors de la conférence suivante (‘La Maison mère’) j’ai tenté de parler des romans familiaux (Retour à Satyah, La passion Savinsen, La chambre voisine et plus tard : Regarde la vague). La troisième conférence s’intitulait « Une presque introuvable chambre d’amour » évoquant notamment les livres d’été (Grain de peau, Le sentiment du fleuve, Bleu de fuite…) et La leçon de chant. Enfin, sous le titre ‘L’éloignement du monde’, se retrouvaient Le vent dans la maison, La question humaine, Le tueur mélancolique et La partie d’échecs indiens. C’est à ces livres qui portent un certain regard sur le monde que je pourrais accoler aujourd’hui Jours de tremblement et Cheyenn. »

François Emmanuel a toujours plusieurs travaux d’écriture en chantier, de sorte que le parcours éditorial de ses livres ne correspond pas toujours au cheminement de l’écriture. Après avoir écrit et adapté plusieurs pièces de  théâtre, et publié un premier recueil de textes poétiques, il se met à l’écriture romanesque à la suite notamment d’un stage au Teatr Laboratorium de Wroclaw chez Jerzy Grotowski. Le premier roman que découvrent ses lecteurs s’intitule Retour à Satyah, publié chez un éditeur situé à Aix-en-Provence : Alinéa. En couverture, une peinture de Giorgio de Chirico : Nostalgie de l’infini. Tout un programme. Comment s’est déroulée son entrée dans le monde éditorial ?

« Comme tout le monde, j’ai envoyé Retour à Satyah à une dizaine de grandes maisons d’édition parisiennes et je n’ai eu que des refus, dont un circonstancié par un lecteur de chez GrassetDans un deuxième temps, j’ai envoyé mon texte à des éditeurs moyens de l’espace francophone. Parmi de nouveaux refus, j’ai reçu alors une assez longue lettre manuscrite de Diane Kolnikoff, qui commençait par ces mots : ‘Vous avez pris un risque en écrivant ce livre, nous prenons un risque en vous répondant.’ L’éditrice m’a invité à Aix-en-Provence pour discuter du livre. J’y suis descendu en juillet 1988 pour la rencontrer avec son époux, Jacques, qui gérait la maison Alinéa avec elle. Ils m’ont fait part de leurs remarques, j’ai retravaillé mon manuscrit en août et le livre est sorti en janvier 1989. En général je suis très à l’écoute des remarques. J’aime quand on me fait retravailler, parce que je suis un peu moins seul avec le texte et qu’au fond je ne suis jamais  totalement sûr de moi. Si la remarque de l’éditeur, du premier lecteur, est bonne, elle fait son cheminSi elle n’est pas pertinente, je l’oublie ». Au moment de cette première rencontre, nous sommes en pleine rentrée littéraire, période où plus que jamais on parle de ces premiers romans qui tentent de faire leur place au milieu de l’avalanche de publications automnales. Une expérience parfois difficile. «  Alinéa était un éditeur de qualité, mais de taille moyenne. J’étais très heureux d’être publié, mais il y a eu  relativement peu d’échos : un entrefilet dans Le Monde, un article dans Le Soir… Une rencontre au Théâtre-Poème, une nomination aussi au prix Rossel, qui m’a surpris et fait plaisir.ʺ À partir de là, François Emmanuel écrira désormais roman sur roman, avec des incursions du côté de la nouvelle, de la poésie, du théâtre. « Je redoutais beaucoup le cap du deuxième roman. Au premier, on livre beaucoup de soi. Au deuxième, on montre l’écrivain que l’on est, on affirme un style. J’avais écrit une première version de La nuit d’obsidienne, qui s’appelait à l’époque Archipel. Je m’y suis remis en même temps que j’écrivais les nouvelles de Grain de peau. La nuit d’obsidienne a donc mis longtemps à mûrir, c’est un texte difficile, très travaillé, sans doute ambitieux. Curieusement, Alinéa a beaucoup aimé les nouvelles et pas le roman. Ce n’est pas un texte très français, je crois, dans son ton et son univers. Les nouvelles étaient elles plus légères, ludiques, malicieuses. »

Un parcours semé d’embûches

La nuit d’obsidienne ayant été refusée par son éditeur, François Emmanuel reprend son bâton de pèlerin. Il envoie le texte chez différents éditeurs. « Je reçois à nouveau une lettre d’une éditrice de Grasset qui voulait me rencontrer pour remanier le texte afin de le présenter au comité de lecture. Ses indications étaient intéressantes mais assez générales. J’ai néanmoins revu le texte. Le comité ne l’a pas pris mais ils m’ont signé un contrat pour le prochain. Entre-temps, Lysiane d’Hayères, qui dirigeait la maison d’édition bruxelloise Les Éperonniers, m’a approché. Elle voulait publier ce texte que nous avons retravaillé pendant une matinée entière. Le roman est sorti très vite, en même temps que Grain de peau, chez Alinéa.» Belle surprise : La nuit d’obsidienne reçoit le prix triennal de la ville de Tournai. Quelques mois plus tard, Alinéa fait faillite. François Emmanuel retourne alors vers Grasset avec un manuscrit intitulé La partie d’échecs indiens. Dans un premier temps, la prestigieuse maison parisienne donne une réponse négative, mais reporte le contrat avec à-valoir accordé à l’écrivain belge. Du coup, il cherche ailleurs, et notamment à La Différence qui accepte le texte. « Deux semaines après la signature avec La Différence, Grasset est revenu sur son refus. Je leur avais entretemps fait parvenir Le tueur mélancolique, auquel ils m’avaient demandé d’ajouter cinquante pages. Ce que j’avais fait, au bénéfice du roman d’ailleurs. Je me souviens que lorsque l’éditrice de Grasset m’a téléphoné pour me dire qu’ils acceptaient le manuscrit, je lui ai demandé lequel, puisqu’ils en avaient deux en leur possession ! Il s’agissait en fait de La partie d’échecs indiens. J’ai dû malheureusement décliner. » François Emmanuel est donc publié à La Différence, enseigne créée en 1976 et par une Belge installée à Paris, Colette Lambrichs, elle-même auteur, de nouvelles et d’un roman, La guerre, publié dans sa maison. « C’est une dame avec une certaine élégance, un certain recul, qui a constitué un très bon fonds éditorial, notamment en poésie. Sa maison continue d’ailleurs sa route avec des choix assez pointus, littéraires. » Plusieurs auteurs belges sont à leur catalogue comme Jacques Izoard, William Cliff, Marcel Moreau, Jean-Pierre Verheggen, Philippe Robert, Jean-Luc Outers, prix Rossel 1992 avec Corps de métier, Serge Delaive, prix Rossel 2009 avec Argentine. Pour cette rentrée littéraire,  Marianne Sluszny vient d’y publier Le frère du pendu, après un premier roman, Toi, Cécile Kovalski. Trois romans de François Emmanuel sont finalement sortis à La Différence : La partie d’échecs indiens, Le tueur mélancolique et  La Leçon de chant.

Francis Avoyan, l’auteur inconnu

emmanuel bleu de fuiteLa vie éditoriale n’est pas un long fleuve tranquille. Les éditions de La Différence connaissent quelques difficultés de diffusion. François Emmanuel a deux manuscrits  dans ses cartons : Bleu de fuite et La passion Savinsen. Il voudrait leur trouver une maison d’édition de plus grande envergure. Il décide d’envoyer La passion Savinsen à cinq éditeurs (dont Grasset, où traîne encore le vieux contrat déjà cité), mais pour Bleu de fuite, il s’invente un pseudonyme : Francis Avoyan et requiert la complicité d’un ami. « Nous avons imaginé le profil d’un jeune auteur, sémiologue de son état, d’origine arménienne, auteur d’un premier roman. Le manuscrit a été expédié depuis l’adresse de cet ami (Jean-François Grégoire, grand porteur de chance sous l’éternel, qu’il soit encore ici remercié). Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir un coup de téléphone d’Yves Berger, directeur éditorial de Grasset, trois jours après l’envoi. Sur le coup, j’étais heureux mais embarrassé, ne sachant pas si je devais me tenir à cet hétéronyme ou laisser tomber le masque. Finalement, je lui ai avoué que nous nous connaissions et que, de surcroît, j’avais un contrat avec eux, pour un autre manuscrit toujours en attente de réponse, La passion Savinsen. J’en suis resté là, tout en demandant qu’ils me répondent oui ou non pour les deux livres ou pour aucunCar, à la même époque, les éditions Stock s’étaient manifestées. La lectrice, Catherine Colombani, ainsi que Monique Nemer, la directrice d’alors, se disaient enthousiasmées par La passion Savinsen. Je me suis donc trouvé en quasi situation de choix. Je devais partir en Inde et j’ai pris ma décision en faveur de Stock après mon retour. » La passion Savinsen sort en 1998 et reçoit le prix Rossel. Finalement, Bleu de fuite sera publié beaucoup plus tard, en 2005, avec en page de dédicace : À Francis Avoyan, poète disparu.

Jean-Marc Roberts, affaires éditoriales

François Emmanuel publiera huit livres chez Stock, en comptant la réédition de La partie d’échecs indiens. Entre-temps, Monique Nemer a quitté Stock qui a été repris en 1999 par Jean-Marc Roberts. Un homme au parcours singulier : écrivain à 17 ans, conseiller éditorial aux éditions Julliard à 19 ans et par après au Seuil où il restera seize ans, prix Renaudot à 25 ans pour Affaires étrangères, scénariste. Quand il arrive chez Stock, la plus ancienne maison d’édition française dont la création remonte à… 1708, aujourd’hui entre les mains du groupe Hachette, celle-ci connaît un creux. Jean-Marc Roberts, fort de son expérience dans plusieurs maisons, lui redonne vigueur et devient un acteur incontournable de la vie éditoriale française. « Une amitié est née. On peut appeler Jean-Marc à tout moment. C’est un signe important. C’est par ailleurs un vrai éditeur, qui connaît les écrivains et est très attentif. J’avais déjà reçu un courrier de lui quand il travaillait chez Fayard. C’est un homme public, qui défend ses auteurs, un faiseur de coups aussi. Il est écrivain et éditeur, mais il est clairement éditeur quand on est face à lui. Quand il a lu La Question humaine, il en a été très ébranlé au point de postposer la publication de ce fameux  Bleu de fuite et de rééditer La Partie d’échecs indiens, épuisé à La Différence, ceci en prévision de la sortie de La question humaine. Jean-Marc Roberts voyait dans ce récit, à paraître en janvier 2000, un ouvrage aux enjeux sociétaux  importants dans le sens où il interroge le langage, la technicité contemporaine, la pensée comptable… Il a créé autour de ce petit livre tout un buzz comme on dit maintenant, et, quand le livre est sorti, il était attendu par les libraires et la critique … Je n’ai connu un phénomène de cette ampleur qu’avec ce livre. » Jean-Marc Roberts a la réputation d’intervenir relativement peu sur les manuscrits qui lui sont soumis. François Emmanuel confirme : « La seule remarque qu’il m’ait jamais faite concernait la première phrase de La Question humaine: ‘Cette histoire est maudite, il faut que je m’en délivre.’ Il a demandé de la supprimer car pour lui ce début donnait une coloration inutile au texte qui allait suivre. C’était plus fort de commencer sur le ton sec, factuel, de la chronique : ‘J’ai été pendant sept ans employé d’une multinationale que je désignerai sous le nom de SC Farb….’ Je me rappelle que Jean-Marc voulait aussi changer le titre du livre qu’il trouvait immodeste (‘bon pour  un essai de 7.000 pages’, disait-il) mais chaque fois que nous parlions du manuscrit, nous disions La question humaine. A tel point que c’est ce titre-là qui a fini par s’imposer. Je crois finalement que c’est un bon titre. D’ailleurs pour toutes les traductions qui l’ont maintenu, j’ai l’impression que ça a mieux marché….  J’ajouterai que, pour l’ensemble de mes livres chez Stock, j’ai eu par ailleurs le privilège de travailler les textes avec Catherine Nabokov, une éditrice qui allie ferveur et intelligence et est devenue avec le temps ma lectrice privilégiée en même temps qu’une amie. Même si elle n’est plus aujourd’hui mon éditrice attitrée, je continue de lui envoyer mes manuscrits et son avis compte beaucoup pour moi. »

À propos de traductions, qui sont aussi une manière de diffuser un texte et de conquérir un nouveau public, où se situe la place de l’écrivain ? : « J’en ai aujourd’hui à peu près vingt-cinq dans une douzaine de langues. On n’est pas toujours associé à la traduction. De plus, je ne connais pas suffisamment les langues pour pouvoir intervenir. J’ai eu des surprises, comme le titre en italien : Le quatrième musicien, mais la traduction est bonne, je crois. J’ai eu aussi cette expérience assez étrange avec l’éditrice anglaise qui, dans une très belle lettre, m’a demandé d’apporter des changements au texte. C’est la seule fois où cela m’est arrivé, j’étais stupéfait.»

Rééditer, réécrire

Phénomène éditorial dont on n’a pas toujours conscience : les rééditions, en poche notamment. François Emmanuel est particulièrement choyé à cet égard puisque Le Livre de Poche a repris cinq de ses romans, Points Seuil a ressorti Regarde la vague et huit autres de ses livres ont été réédités dans la collection patrimoniale « Espace Nord », laquelle a été reprise par le service de la Promotion des lettres de la Communauté française, qui en a confié la gestion aux éditions Les Impressions Nouvelles et Cairn.info. C’est ainsi que son premier roman, Retour à Satyah est paru sous trois formes : chez Alinéa, puis dans une petite maison aujourd’hui disparue, Ancrage, et enfin chez « Espace Nord ». « Généralement, le poche est précieux car c’est une petite garantie de pérennité. C’est parfois l’occasion de se pencher à nouveau sur les textes. Pour les trois premiers romans surtout, j’ai retravaillé le texte pour atténuer les surcharges. Je ne peux pas changer le fond bien sûr. Il s’agit surtout d’épurer. »

De Stock au Seuil

emmanuel regarde la vagueEn pleine rentrée littéraire 2007, à la surprise de ses lecteurs, François Emmanuel publie un nouveau roman, Regarde la vague, sous la célèbre couverture blanche encadrée de rouge des éditions du Seuil. Pourquoi avoir quitté Stock et sa collection Bleue, ses livres au sobre graphisme bleu clair sur fond noir ? A-t-il, comme d’autres, été séduit par les jeux du mercato éditorial ? A-t-il été débauché pour des raisons sonnantes et trébuchantes ? Rien de tout cela. L’explication est ailleurs : « En général, Jean-Marc Roberts acceptait tous mes manuscrits. Quand je lui ai présenté celui de L’enlacement, il n’a pas souhaité le publier. À ma surprise, car je n’avais pas beaucoup de doutes sur ce livre. De plus, il ne me donnait pas d’arguments concrets. Simplement, il disait ne pas bien « sentir » ce livre. Troublé, j’ai fait le mort pendant un certain temps, j’avais besoin de réfléchir. À ce moment-là, le film de La Question humaine sortait sur les écrans et nous avons été amenés à nous revoir en vue de la réédition. Je le sentais embarrassé et il m’a accordé un à-valoir important pour le livre suivant (Regarde la vague), rien qu’à partir de mes premières explications.  Finalement, je ne saurai jamais exactement pourquoi il avait refusé L’enlacement, qui après coup s’est révélé, il me semble, être un texte important » Car, entre-temps, suivant les nombreux mouvements caractéristiques du monde éditorial, Catherine Nabokov a quitté Stock pour Le Seuil. François Emmanuel rembourse alors l’à-valoir à Stock et suit Catherine Nabokov au Seuil, où il est accueilli par la directrice littéraire du moment, Laure Adler, qui accepte tout de suite Regarde la vague et L’Enlacement. Suivront Jours de tremblement et, le dernier en date, Cheyenn. Comment vit-il la sortie d’un livre ? Quelles sont ses attentes en termes de succès et de ventes ? « Je n’ai de regard sur les chiffres qu’après coup. Je ne pose pas la question du nombre de livres mis en place, comme je n’entre pas dans une librairie pour voir si mon livre s’y trouve, parce que je préfère au fond ne pas savoir, c’est le prix de ma tranquillité d’âme. Je sens toutefois quand la maison d’édition est engagée derrière un livre et c’est d’ailleurs le sens de demander un à-valoir. Pour la suite, il y a des livres qui ont de la chance et d’autres qui en ont moins. Cela dépend peut-être de la date de sortie mais je ne suis même pas sûr de cela. Les romans qui sortent en pleine rentrée littéraire doivent difficilement se frayer une place mais bénéficient aussi de tout un contexte où le lectorat comme la presse sont plus attentifs. Ceci dit, La chambre voisine a été noyée dans la rentrée 2001, une rentrée où il n’y en avait que pour Houellebecq. Pour La question humaine, je sais par exemple qu’il y a eu un article dans Die Zeit, qui a lancé formidablement le livre en Allemagne. Mais parfois on peut tapisser une chambre avec un nombre considérable d’articles et le livre ne démarre pas dans les ventes. Il y a surtout le bouche à oreille et les libraires jouent un rôle important pour enclencher celui-ci. Sans doute tous ces  éléments convergent-ils.  Cheyenn aurait pu sortir en janvier, mais ils ont voulu l’inscrire dans la course aux prix. Je les ai laissé faire. Il est possible qu’ils n’aient pas eu tort, c’est leur compétence de toute façon.» Au moment de notre rencontre, François Emmanuel venait d’être sélectionné pour le prix Femina. Devrait suivre un recueil de nouvelles, Amour déesse triste, accepté par le comité de lecture du Seuil et qui paraîtra normalement en début 2013. Aujourd’hui, l’écrivain est en contact avec Frédéric Mora qui a remplacé Martine Saada, éditrice des deux derniers livres. Comme à son habitude, il a plusieurs travaux sous le coude, ainsi que le révèlent les nombreux tiroirs du meuble où, dans son bureau, il range ses projets d’écriture. Des projets dont il espère pouvoir s’entretenir avec Frédéric Mora. « En ce moment par exemple, j’ai deux projets romanesques hors norme, passionnants et difficiles… L’un s’appelle Colony, l’autre Avant le passage. Ce sont des projets qui sont en moi depuis longtemps. Je travaille toujours ainsi par « vagues ». Cheyenn a été commencé en 1997. La passion Savinsen a été écrite en trois fois, interrompue par un autre livre. Pour les deux projets du moment, j’ai déjà écrit deux longs débuts qui font environ soixante pages. Si ces livres tiennent leurs promesses, la suite devrait s’écrire d’elle-même, car tous les choix sont faits dans les premières chapitres, l’univers est mis en place. » Mais pourquoi cette rencontre avec l’éditeur ? « L’éditeur idéal, pour moi qui suis un écrivain très peu mondain, assez centré sur l’écriture, serait quelqu’un de sensible aux aspects liés à la publication, mais aussi quelqu’un qui connaît mon travail, a lu mes précédents livres et peut être un interlocuteur pertinent par rapport au texte. Quelqu’un qui joue à la fois le rôle d’editor et de publisher. Catherine Nabokov remplissait parfaitement ce rôle. Après Martine Saada, j’entame maintenant un nouveau cycle avec Frédéric Mora. J’ai bon espoir que cela se passera bien. A certains égards, que le texte soit abouti ou en devenir,  l’éditeur est un autre privilégié. »

Michel Torrekens


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°169 (2011)