Plusieurs cordes à leur arc (ter) : six écrivains traducteurs

La résidence de traduction du château de Seneffe

À l’heure où de nombreux traducteurs venus de toute l’Europe sont réunis pour un mois de résidence estivale à Seneffe, l’occasion est belle de nous arrêter un instant sur ces professionnels incontournables de la chaine du livre : les traducteurs. D’eux, on attend à la fois la fidélité au texte source et la créativité littéraire susceptible de rendre dans la langue cible tous les agréments du texte initial. D’où un travail toujours sur le fil du rasoir, dans le souci de faire mentir l’adage Traduttore, traditore, sans entrer pour autant dans une traduction servile et plate.


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Le traducteur, co-auteur du texte? On ne s’étonnera pas que plusieurs d’entre eux soient aussi des écrivains. Voici d’ailleurs une sélection de six écrivains belges oeuvrant également comme traducteurs.

1 – Jacques De Decker

Homme de théâtre, romancier, biographie, scénariste de cinéma, critique littéraire, Jacques De Decker est un auteur à multiples facettes. Fin connaisseur des Lettres belges francophones, passeur par excellence, il oeuvre inlassablement à leur rayonnement et à leur (re)connaissance, en particulier dans sa fonction de Secrétaire perpétuel de l’Académie royale. Ce germaniste s’exprime en outre couramment dans les trois langues nationales et en anglais.

Son profil le destinait assez naturellement à la traduction. Dans ce domaine, son travail s’est essentiellement concentré sur le théâtre. Il a traduit en français et adapté pour la scène des oeuvres en allemand (Kleist entre autres), en néerlandais (notamment le Thyl Ulenspiegel d’Hugo Claus, lui-même adapté du livre de De Coster) et en anglais (dont plusieurs pièces de Shakespeare : Richard III, Antoine et Cléopâtre ou Jules César).

2 – Rose-Marie François

Rose-Marie François est une autrice multiple : écrivant en français et en picard, romancière et poète, elle a reçu des prix littéraires saluant la diversité de ses talents. Le prix Louis Guillaume a ainsi récompensé les poèmes en prose du recueil Répéter sa mort, tandis que sa poésie en picard lui a valu le prix triennal de poésie en langue régionale de la Fédération Wallonie Bruxelles (recueil Lès chènes. La cendre).


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Parlant de nombreuses langues outre le picard et le français, Rose-Marie François a fait de son polyglottisme un métier en devenant traductrice – de poésie essentiellement. On lui doit ainsi, pour différentes revues, des traductions de poètes germanophones en français (Hilde Domin, Gerhard Fritsch, Kristine Koschel…) ; elle traduit aussi du néerlandais vers le français (des poèmes de Hans van Waarsenburg), du français vers le picard (le recueil Épiderme de Christine Van Acker, traduit sous le titre Plôc des piôs). Plus surprenant : Rose-Marie François a traduit en français plusieurs poètes lettons (Māra Zālīte notamment) et suédois (Tomas Tranströmer).

3 – Maurice Maeterlinck

Maurice Maeterlinck

Septante ans après sa mort, le symboliste Maurice Maeterlinck est l’indéboulonnable gagnant des listes estivales du Carnet. Multi-adapté au cinéma, en musique, seul lauréat belge du Nobel de littérature, membre fondateur de l’Académie royale, il aura été de (presque) toutes nos sélections – signe du rayonnement toujours considérable de son oeuvre.

Auteur de théâtre, poète, essayiste, Maeterlinck était aussi… un traducteur. Il était même d’abord un traducteur, puisque sa traduction du Livre des XII béguines de Ruysbroeck (14e siècle) paraît en 1885, quatre ans avant Serres chaudes, son premier recueil poétique. Maeterlinck traduira un autre livre du mystique flamand, L’ornement des noces spirituelles. Si Maeterlinck traduisait toujours vers le français (la langue dans laquelle il a écrit ses propres livres), il ne traduisait pas seulement le flamand. On lui doit en effet une traduction du romantique allemand Novalis (Les disciples à Saïs et Fragments) et une traduction-adaptation du Macbeth de Shakespeare.

4 – Diane Meur

Diane Meur

Diane Meur publie son premier roman, Vie de Mardochée de Löwenfels, écrite par lui-même en 2002 aux éditions Sabine Wespieser. Une maison d’édition à laquelle elle reste fidèle par la suite et où elle publiera notamment le livre qui lui vaudra le prix Rossel 2007 : Les vivants et les ombres.

Titulaire d’une maîtrise de littérature comparée, elle a été traductrice avant d’être écrivaine. Elle traduit d’abord des essais depuis l’allemand, dont plusieurs livres d’Erich Auerbach. Plus tard, elle traduit aussi de la fiction, depuis l’allemand – on lui doit la traduction de plusieurs livres du Suisse allemand Paul Nizon pour Actes Sud (La fourrure de la truiteLes premières éditions des sentiments) – et depuis l’anglais : elle traduit les livres de l’écrivain britannique Tariq Ali (Un sultan à PalermeLe livre de Saladin) pour les éditions Sabine Wespieser.

Cet automne, Diane Meur publie aux éditions La contre-allée un livre de réflexion sur le travail de la traduction et ses rapports avec l’écriture littéraire. Le titre est évocateur : Entre les rives.

5 – Emmanuèle Sandron

Emmanuèle Sandron

En tant qu’autrice, Emmanuèle Sandron a publié l’essentiel de son oeuvre – romans et recueils de nouvelles – aux éditions Luce Wilquin. Le dernier en date, un recueil de nouvelles, a été publié en 2015 sous un titre qui donne déjà le ton : Je ne te mangerai pas tout de suite.


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Son travail de traductrice porte sur des livres écrits en néerlandais, qu’elle traduit vers le français. Une originalité : elle travaille aussi bien en littérature jeunesse qu’en littérature générale. Pour les éditions Albin Michel, elle est la traductrice attitrée du Flamand Peter Aspe et de ses romans policiers  à succès mettant en scène le commissaire Van In. Pour la littérature jeunesse, elle collabore avec plusieurs maisons d’édition. Récemment, on lui doit notamment la traduction d’Eléphant a une question de Leen Van den Berg pour CotCotCot, du Banc au milieu du monde de Paul Verrept pour Alice ou encore d’Hôtel grand amour de Sjoerd Kuyper pour Didier jeunesse.

6 – Alain Van Crugten

Alain Van Crugten

Alain Van Crugten est l’auteur de plusieurs romans, parus chez Luce Wilquin (Principessa, Korsakoff) puis à L’âge d’homme (Spa si beauDes fleuves impassibles). On lui doit aussi plusieurs recueils de nouvelles et des pièces de théâtre.

Comme plusieurs auteurs de cette liste, il traduit du néerlandais vers le français. C’est par ses traductions que le public francophone découvre quelques-uns des auteurs flamands les plus connus. Il est en particulier le traducteur attitré de Tom Lanoye – des traductions qui ont été publiées aux éditions de La différence, à l’exception de la dernière en date, Décombres flamboyants, parue au Castor astral au début de cette année. Alain Van Crugten a aussi traduit plusieurs livres d’Hugo Claus, dont Le chagrin des Belges. Plus récemment, on lui doit la version française d’un livre de… Guy Verhofstadt, Le mal européen, pour les éditions Plon.