La sélection du prix des lecteurs des librairies Club

La chaine de librairies Club décerne chaque année un prix littéraire au roman d’un auteur ou d’une autrice belge. Six livres sont en lice pour la la nouvelle édition.

Le prix des lecteurs Club

Mettant à l’honneur les romanciers et romancières belges, le prix des lecteurs des librairies Club est décerné par un jury de lecteurs, sélectionnés sur candidature. Ils élisent le lauréat parmi des ouvrages choisis par les libraires de la chaine.

Initialement, le prix récompensait des premiers et seconds romans. Le choix s’est élargi depuis la dernière édition à des auteurs et autrices confirmé.e.s.

La sélection 2021

Six romans sont en lice pour le prix 2021.

damas jacky

L’année 2021 aura été faste pour Geneviève Damas, lauréate du prix des lycéens de littérature, du prix d’honneur de Filigranes, du prix Sacd-Scam ou encore d’un prix Libbylit. Son dernier roman, Jacky, paru chez Gallimard au printemps, figure désormais aussi dans la sélection du prix des lecteurs des librairies Club.

dourson si les dieux incendiaient le monde

Emmanuelle Dourson a signé, avec Si les dieux incendiaient le monde (Grasset), l’un des premiers romans les plus remarqués de cette année. Sélectionnée notamment pour le prix Orange du livre et le prix Première, elle est aussi toujours en lice pour le prix du Roman de l’Arllfb.

monfils les folles enquetes de magritte et georgette

Nadine Monfils a commencé en 2021 une nouvelle série policière et drôlatique aux éditions Laffont. L’enquête est cette fois menée par Magritte et Georgette. Le premier volume, Les folles enquêtes de Magritte et Georgette. Nom d’une pipe !, est aussi retenu pour le prix Club.

L’été sans retour est d’abord l’histoire d’un homme, Pasquale Serrai, de sa famille, de la relation proche et riche de silence qu’il a avec Sandro, le fils d’un des ses amis décédé. C’est aussi l’histoire d’un drame dans le beau village de Ravina qui se blottit dans les collines du sud de l’Italie, la disparition d’une adolescente. C’est encore et surtout l’histoire du rapport des hommes avec leur terre, « les hommes sont indissociables de la nature qui les a vus naître et dont ils sont le portrait le plus fidèle, effrayante de beauté et d’âge ». Giuseppe Santoliquido rend bien ce lien fort, quasi irrationnel, à la terre natale qui est pour plusieurs personnages le fondement de leur rapport au monde, leur raison de vivre, avant les relations sociales ou amoureuses. Ainsi, Pasquale Serrai a connu la misère de l’après-guerre et un bref exil pour raisons économiques en Belgique, mais il est revenu très vite chez lui préférant le travail de forçat d’arracher à la terre sa subsistance à la relative aisance d’un travail dans la sidérurgie. Sandro Lucano a vécu longtemps à Ravina, auquel il reste lui aussi viscéralement attaché. Des années plus tard, il raconte le drame qui a secoué le village et ses propres souffrances. Le roman offre de la vie villageoise un portrait complexe et nuancé. Bien sûr, il y a les rancœurs et les tensions entre personnes et familles, l’insatisfaction des jeunes qui pour la plupart n’aspirent qu’à partir, fascinés par la vie dans les villes que leur révèle la télévision. Et il y a ceux qui, victimes des anciennes fractures sociales les condamnant à la misère, ont lutté toute leur vie pour l’amélioration de leur sort et voient leurs efforts presque anéantis. Mais le village, c’est aussi une vie sociale riche et souvent heureuse, rythmée par les moments de fête. Et puis surtout il y a cette terre, difficile à cultiver, mais pas si ingrate puisqu’elle offre sa beauté particulière. G. Santoliquido situe le roman en 2005, à une époque charnière. Celle où les rêves de mieux-être par un travail agricole acharné laissent place aux mirages que proposent la télévision et les moyens modernes de communication. Le drame que vit le village va d’ailleurs être profondément influencé par la couverture télévisuelle tout sauf anodine, les présentateurs de téléréalité dictant les attitudes et les propos des protagonistes décervelés par les mirages de réussite et de visibilité sociales. Fort de sa connaissance des médias italiens, l’auteur décrit à plusieurs reprises pour les dénoncer les procédés du « mécanisme du spectacle » qui n’illustre plus la réalité, mais s’est substitué à elle. Les valeurs auxquelles s’accroche Pasquale peuvent ainsi paraître périmées. Dans le passé, elles ont été nécessaires à la survie des hommes et du village. Elles sont partagées par Sandro. Si le roman est construit autour de la disparition de l’adolescente, il s’agit d’abord de la mise en avant de l’importance des liens : les liens familiaux, ceux fondés sur la complicité et la proximité que donne la vie dans un même petit village, ceux qui fondent la solidarité lorsque frappe le deuil. Mais tous ne sont finalement que des variations de ce lien fondamental à la terre. Cette problématique apparaissait déjà dans les autres romans de l’auteur, mais elle est ici traitée dans toutes ses implications. Entre autre, est abordée la difficulté pour la communauté villageoise de s’ouvrir à d’autres réalités. Comment est-il possible d’être vraiment soi-même là où tout le monde se fait une certaine image de l’autre ? Cela pousse Sandro dans une voie en miroir de celle de Serrai : tout le pousse à partir, mais il choisit de rester, jusqu’au jour où le départ devient inéluctable, suspendant ce lien vital. Et le paradoxe veut que ce soit la ville qui devienne la garante de sa liberté. Giuseppe Santoliquido revient souvent sur la notion de destin, surtout vers la fin du roman, quand Sandro, le narrateur, tire des enseignements de ce à quoi il a été confronté. Il a le sentiment que « le destin est une bête sournoise, il procède par touches légères, infinitésimales, vous laissant accumuler mauvais choix et petites erreurs… ». D’autant plus quand s’y mêle le sentiment d’une faute commise, faute peut-être non définie mais qui pollue le vécu d’un drame ; à l’image du garçon se reprochant la mort accidentelle de sa mère parce qu’il ne s’est pas levé assez tôt. Dans cette loterie du destin, Santoliquido montre sa sympathie pour deux de ses personnages, chez qui se marque le sentiment d’infériorité des laissés-pour-compte acceptant l’injustice « sans jamais se révolter ». Le roman est émaillé de l’adaptation de délicieuses expressions locales, comme « Vouloir discuter avec le gros Dino, cela revenait à creuser un puits avec un doigt ». Ou d’heureuses formules, parfois graves : « Le danger avec les souvenirs, c’est qu’ils sont souvent l’antichambre des remords », parfois drôles : « Les confidences sont la propriété du vent, il vous suffit de tendre l’oreille où que vous soyez pour les entendre roucouler à la cantonade ». Perplexe devant la complexité des situations, Sandro a cette phrase qui peut résumer son récit : « Aucune pensée n’est jamais totalement juste. Totalement pure. Aucun sentiment ». C’est la conclusion que l’on peut tirer à la fin de L’été sans retour, qui laisse ouvertes les interprétations. Joseph Duhamel

Giuseppe Santoliquido complète la présence de Gallimard dans la sélection avec le roman L’été sans retour. Cet ouvrage aux accents de thriller, qui nous emmène dans le Sud de l’Italie, a aussi été finaliste du Rossel.

wouters celestine avec bandeau

Le premier roman de Sophie Wouters, Célestine, est paru aux éditions 180°. Accueilli favorablement par la presse, le livre a par ailleurs reçu le prix Chapel.

dupont sous influences

À noter enfin la présence dans la sélection d’un roman auto-édité : Sous influences de David Dupont.

Le palmarès