Que feriez-vous à sa place ?

Charly DELWART, Que ferais-je à ma place ?, Flammarion, 2023, 207 p., 20 € / ePub : 14,99 €, ISBN : 978-2-0804-2914-8

delwart qe ferais je a ma placeVoici un livre atypique, hors du commun, comme Charly Delwart nous en a déjà proposé, en particulier avec Databiographie (Flammarion, 2019). Après une biographie chiffrée, voici une biographie en « soixante-dix questions ».

Après quatre romans aux éditions du Seuil, dans la collection « Fiction & Cie », où il a abordé des thèmes aussi divers que le monde de l’entreprise et des médias, une parodie du régime nord-coréen, la crise économique en Grèce…, Charly Delwart débarque chez Flammarion avec Databiographie, un roman hors normes, suivi d’un deuxième, Le grand lézard, où il était question de la crise de la quarantaine. Charly Delwart a également publié plusieurs albums pour la jeunesse aux éditions Marcel et Joachim, dont Tu préfères quoi ?, illustré par Camille de Cussac (2018), suivi par Tu crois quoi ? (2020) et Tu connais quoi à la vie ? (2021), trois livres entre humour, absurde et philosophie qui interpellent les jeunes lectrices et lecteurs par un jeu de questions simples et parfois inattendues sur l’existence. Surprise : c’est précisément sur un mode similaire que l’auteur belge vivant en France a construit son dernier livre en s’adressant cette fois aux adultes. Si on ajoute que Charly Delwart a également écrit deux romans pour la jeunesse intitulés Les aventures de moi-même, on devine que les affres existentielles, l’autobiographie déguisée et la dictature du moi sont au cœur de son œuvre.

Dans Que ferais-je à ma place ?, l’auteur et scénariste belge propose septante (soixante-dix) questions suivies de quatre cadres avec des réponses potentielles. Une fois sur deux suit un développement sur l’origine de la question et ce qu’elle a pu lui inspirer. Car « tous les jours, des faits ou des événements nous interrogent, parce qu’ils nous percutent directement ou nous interpellent par empathie avec la personne concernée – que ferais-je à sa place ? – ou par autocentrage – que ferais-je si ça m’arrivait ? Même si au fond la principale question qui se pose globalement à nous est : que ferais-je à ma place ? » Le principe du livre étant posé, Charly le quinqua enfile les situations, qui sonnent trop vrai pour avoir été inventées, et les interrogations ou réflexions qu’elles inspirent. Sont ainsi abordées des réalités aussi diverses que l’enfantement, se couper les ongles dans le métro, la dictature des émojis face aux mots, les addictions, la fête de Kippour et la notion du pardon, le taï-chi, le surf, la survie mentale, etc., etc. La mort est très présente dans ces pages, que ce soit celle du père claustrophobe qui fait la demande à son fils de ne pas être enterré, les morts absurdes comme les selficides, le memento mori et les coachs en mortalité, la dernière phrase avant de mourir, la vasectomie qui est une forme de petite mort, etc. On ne s’étonne guère que le narrateur (l’auteur ?) ait été victime d’attaques de panique fortes et invalidantes durant une dizaine d’années et on ne sait pas trop s’il en est vraiment guéri vu le nombre de questions qu’il se pose, malgré la pratique de la méditation et les séances de psychanalyse qu’il a suivies. Celle avec le psychanalyste qui s’endort vaut son pesant d’or. La vie conjugale est aussi présente avec cette question notamment : « Je songe à me séparer de ma femme. Le plus dur, ce serait pour : Moi/Ma femme/Mes enfants/Ma mère », sans autre forme de commentaire. Également au programme : sa vie de père et un passage attendrissant sur les conversations échangées avec sa fille de trois ans.

On imagine donc Charly Delwart en angoissé permanent, hypocondriaque, pour avoir imaginé pareil livre dans lequel l’humour omniprésent sert d’antidote. On se surprend en effet à rire à de multiples reprises. Mais aussi à s’interroger sur sa propre vie, par exemple quand Charly Delwart propose de résumer son existence en huit mots-clés ou quand il imagine un parc d’attraction inspiré par sa personnalité, une sorte de Delwart World ou Delwart Land. Rien que ça. Imperceptiblement, il se sert de son ego pour venir titiller le nôtre. Souvent les questions posées nous renvoient à nous-mêmes et le livre de Charly Delwart en devient un petit manuel de savoir-vivre, au sens existentiel du terme, habité par l’humour d’un Woody Allen à la belge.

Michel Torrekens

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Un extrait de Que ferais-je à ma place?

Extrait proposé par les Éditions Flammarion