Archives par étiquette : François Filleul

World Wide Web

COLLECTIF, WWW, Ker, coll. « Double jeu », 2022, 208 p., 10 € / ePub : 5,99 €, ISBN : 9782875863324

collectif wwwLien après lien, elle se tisse. Gigantesque, de ses fils invisibles, elle nous retient comme d’insignifiants insectes. Une fois pris, impossible de s’y soustraire, la moindre de nos vibrations émettant des multitudes de signaux qui se répercutent sans que nous en ayons le contrôle. Nous nous y empêtrons, assidus et inconscients : nous cliquons sur une publicité, payons notre électricité, stockons nos souvenirs, matons des séries, créons des avatars, commandons notre prochain salon, consultons nos bilans de santé, réservons une place de cinéma, introduisons nos données personnelles, écrivons aux amis de là-bas et aux connaissances d’ici, souscrivons des contrats, communiquons avec des inconnus, apprenons sur la reproduction des invertébrés, mutualisons les ressources, trollons des forums, animons des réunions, exposons notre vie. Lien après lien, nous la tissons. À la fois piège et dépendance, cette Toile. Continuer la lecture

Noir d’Espagne

François FILLEUL, Poissons volants, Ker, 2019, 246 p., 18 €, ISBN : 978-2-87586-248-8

C’est le bout du bout du sud d’une Andalousie qui n’a que peu de rapports avec le « divin paradis que l’on dit frivole » chanté par Luis Mariano. C’est un ruban de ville qui s’étire sur l’isthme méditerranéen reliant la province de Cadix au territoire britannique de Gibraltar, séparé par une frontière devenue poreuse  (jusqu’à nouvel ordre, l’ombre du Brexit planant forcément sur le Rocher…). La ville a pour nom La Linea. On y vit assez pauvrement entre débrouille et magouilles et en faisant face plutôt mal que bien à l’invasion permanente de rats, si catastrophique qu’elle contraint même les hôpitaux publics à fermer boutique. Autre invasion plus saisonnière et mieux acceptée, celle des exocets qui fournissent une nourriture abondante mais de piètre qualité, après séchage de ces « poissons volants » accrochés comme des chaussettes aux réseaux de cordes à linge. C’est dans ce contexte andalou bien connu de lui pour y avoir vécu plusieurs années que François Filleul, Borain d’origine et professeur de français à Bruxelles, situe le polar qui lui a valu le deuxième Prix Fintro voué aux « Écritures noires ». Un cahier des charges qu’il n’a pas boudé en massacrant d’emblée au fusil d’assaut sept personnes : des couples d’amis apparemment sans histoire réunis dans une maison de week-end pour leur traditionnel rendez-vous des fêtes de fin d’année. Seuls rescapés de cette tuerie à priori inexplicable : un Belge, époux d’une fonctionnaire européenne et sa petite fille ainsi qu’une sommelière qui, retenue par son travail, est arrivée trop tard sur les lieux pour grossir le bilan macabre. Continuer la lecture