Arnaud de la Croix. Les complots dans l’histoire

Arnaud DE LA CROIX, Treize complots qui ont fait l’histoire, préface de Michel Hermans, Racine, 224 p., 19,95 €, ISBN : 9782390250418

de la croix treize complots qui ont fait l histoireAprès La Religion d’Hitler, Treize livres maudits, Degrelle (Racine), dans le sillage des Illuminati (Racine), Arnaud de la Croix questionne treize complots qui ont marqué l’Histoire, de la conjuration de Catilina à l’assassinat de J. F. Kennedy, de l’élimination de César au 11 septembre 2001 en passant par les tueurs du Brabant. Par-delà l’analyse de ces événements porteurs d’une aura de conspiration, il pose les jalons d’une réflexion sur la face occulte, cachée des faits, sur la plurivocité de leurs interprétations, se livrant à une herméneutique de ce qu’on nomme complot. Manœuvre secrète déclenchée par des forces invisibles visant à produire un coup d’état, une révolution ou une guerre d’agression, le complot a ceci de particulier qu’il ne se donne comme tel que lorsqu’il échoue. Les événements traités dans l’ouvrage sont indissociables d’un doute, d’un soupçon quant à leur dimension occulte mise en œuvre par une main de l’ombre : les historiens butent sur des faits que, d’une part, aucune grille interprétative n’épuise et qui, d’autre part, suggèrent l’agissement de projets secrets travaillant à incurver le cours de l’Histoire. S’il est des conjurations réelles, avérées (l’assassinat de César), de nombreuses conspirations divisent les historiens, l’opinion publique quant au sens à leur accorder. L’Histoire abonde en inventions de complots imaginaires qui seraient fomentés par des sorcières ralliées à Satan, par les Illuminati, les francs-maçons, les Juifs : l’imputation d’une conspiration satanique, franc-maçonne, juive, la fabrication de faux (les Protocoles des Sages de Sion) permettent de mettre en œuvre une politique criminelle de persécution.

Alors que dans l’imaginaire collectif, on sépare les complots de la thèse conspirationniste, complotiste disqualifiée a priori, Arnaud de la Croix, en complexifiant la définition du complot, montre que le discrédit porté sur les théories du complot doit être remis en cause. Certes, il existe des pensées complotistes qui pèchent par l’extrapolation d’une piste au détriment d’un faisceau de conjonctures, qui simplifient à outrance. Mais assimiler toute théorie du complot à une thèse paranoïaque comme le veut l’époque permet de façon commode d’étouffer les dénonciations, les lectures politiques dissidentes en renvoyant au rang de chimères ce qui ne se conforme pas à la vulgate officielle défendue par les gouvernants, les medias. Ridiculiser le complotisme sert à conforter la seule version autorisée de faits pourtant nimbés de flou. En fin limier, Arnaud de la Croix distille l’esprit de l’enquête policière dans la pâte de l’Histoire, rouvre des dossiers non élucidés, dissèque, passe au crible critique des événements obscurs qui ont d’autant plus réorienté le cours de l’Histoire que leur intelligibilité demeure incertaine, oscillante. Appuyé sur un important travail d’archives, l’essai se tient là où l’épaisseur des faits historiques cède la pente à une nébuleuse d’interprétations dès lors qu’il n’existe de fait nu, brut. Souvent, le temps qui s’écoule ne fait qu’épaissir la chape de mystère, qu’il s’agisse de l’incendie de Rome imputé à Néron ou aux chrétiens (alors qu’il est probable qu’il soit le fruit accidentel d’un été particulièrement chaud) ou qu’il s’agisse de la mort de Kennedy, abattu par une balle isolée ou pris en tenaille au milieu de plusieurs tirs, un assassinat qui impliquerait, au nombre des suspects, des commanditaires, le futur président Johnson, le FBI, Hoover, la mafia ou la CIA.

Véronique Bergen