Marc MEGANCK, Bruxelles en cheminant sur la ligne du temps, 180°éditions, 2020, 268 p., 19 €, ISBN : 978-2-931008-34-8
L’histoire de Bruxelles déroulée en chapitres courts, depuis 4000 avant notre ère, sous la forme d’un site néolithique en forêt de Soignes, jusqu’à nos jours.
Un voyage au long cours, signé Marc Meganck, qui, tour à tour nous ouvrant des horizons, nous révélant des pans cachés, ravivant des souvenirs, nous fait habiter la ville plus intensément.
Une traversée des âges, jalonnée de dates. « Des dates, écrit l’auteur en préambule, qui se sont offertes à moi au fil d’années de recherches et de lectures, en tant qu’historien et écrivain, en tant qu’observateur du patrimoine culturel, en tant qu’habitant de cette ville. »
Parmi les plus anciennes, 1121, première citation du château du Coudenberg ; 1226, où commence la construction de la collégiale Sainte-Gudule, qui deviendrait au début des années 1960 la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule ; ou encore 1348, qui nous reporte aux origines de l’Ommegang.
Chemin faisant, on retrouve de grands événements gravés dans la mémoire de Bruxelles. Tel le bombardement de 1695, effrayant « coup d’éclat » du maréchal de Villeroy, sous l’égide de Louis XIV : un déluge de feu s’abat sur la ville et la laisse en ruines. La Révolution de 1830 contre le roi des Pays-Bas Guillaume Ier, dont le récit nous enthousiasmait sur les bancs de l’école. Et, un an plus tard, la prestation de serment de Léopold Ier, souverain du nouveau royaume. L’Exposition internationale de 1897, que suivront les Expositions universelles de 1910, marquée par un violent incendie, 1935 et 1958. L’atterrissage à l’aéroport d’Evere en 1927 de Charles Lindbergh à bord de son légendaire Spirit of Saint Louis, quelques jours après avoir accompli la première traversée de l’Atlantique en avion, sans escale et en solitaire. Une prouesse, qui lui vaut d’être reçu en héros et acclamé. L’installation de l’OTAN, en 1967. La création, en 1989, de la Région de Bruxelles-Capitale, au terme d’un processus lancé dès 1970, quand la Révision de la Constitution définit trois Régions (wallonne, flamande et bruxelloise). L’inauguration en 1993 du dénommé (non sans humour) Caprice des Dieux, lieu de travail du Parlement européen (dont le siège officiel est situé à Strasbourg), officiellement baptisé en 1996 Paul-Henri Spaak, en juste hommage à l’un des pères fondateurs de l’Europe.
Toujours retentissants en nous, les attentats suicides du 22 mars 2016 à l’aéroport de Zaventem et au métro Maelbeek.
Nous revivons des moments clefs galvanisants comme l’exploit mémorable du « faux Soir » en 1943. La bataille de la Marolle (1969), mouvement d’insurrection des habitants contre des projets urbanistiques aberrants. Mouvement gagnant. « Pour la première fois, les pouvoirs publics font marche arrière. » Une belle leçon pour les défaitistes, les pessimistes résignés. Ou, si proche encore, la Marche blanche d’octobre 1996, inoubliable moment d’unisson.
Nous rencontrons l’insolite, le singulier. Ici, un fait divers surprenant : le procès, en 1562, d’un cochon, qui a dévoré un enfant, et que le bourreau exécutera. Là, une attraction, Venise à Bruxelles (1895), reconstitution d’un quartier de la Sérénissime qui, des mois durant, attirera la foule dans la plaine de Tour et Taxis, à hauteur du pont de Laeken.
Nous saluons d’éminentes personnalités qui ont vécu à Bruxelles, Erasme, « le prince des humanistes », qui séjourna à Anderlecht l’an 1521. Karl Marx, expulsé par le gouvernement français, qui s’y fixe en 1845 et y demeurera plus de trois ans. Victor Hugo, qui y trouve refuge en 1851-1852, et s’exalte : « J’aime la proscription, j’aime l’exil, j’aime mon galetas de la grande place, j’aime la pauvreté, j’aime l’adversité, j’aime tout ce que je souffre pour la liberté, pour la patrie et pour le droit». Baudelaire, son visiteur le plus férocement critique, en 1864. La même année, le célèbre photographe Nadar, venu présenter, à l’invitation de Léopold Ier, son énorme montgolfière appelée Géant. Verlaine et Rimbaud, lors d’un passage orageux en 1873.
Si les imprécations de Baudelaire sont bien connues, on découvre avec jubilation les fougueux emportements de James Ensor, vent debout face aux destructions que commence à subir la ville. « Sus aux démolisseurs, aux ruineurs imprévoyants de nos sites les plus beaux. Sauvons Bruxelles l’admirable, toujours menacé hélas ! Par des embelliseurs donquichottés, démoulinés, démuselés, désordonnés, désaxés, américanisés. Au pilori ! »
Marc Meganck retrace des épisodes sensibles de la vie artistique. Dans le sillage de la création du Sacre du Printemps, l’an 1959, la fondation par Maurice Béjart du Ballet du XXe siècle, début de la magnifique aventure bruxelloise de la Compagnie, qui s’arrêtera malheureusement en 1987. La première exposition de René Magritte, au printemps 1927, dans la galerie Le Centaure. Mais aussi, faute impardonnable, la démolition en 1965 de la Maison du Peuple, chef-d’œuvre Art nouveau de Victor Horta, qui avait été inaugurée en 1899 en présence de Jean Jaurès.
Il revoit des temps forts dans le monde du sport. L’un tragique : le drame du Heysel en 1985. D’autres réjouissants, comme, l’année suivante, la folle liesse Grand-Place autour des Diables Rouges qui ont atteint la demi-finale de la Coupe du Monde de football. Ou l’hommage à Eddy Merckx, l’été 2019, quand Bruxelles accueille dans l’allégresse le départ du Tour de France, avec des décors colorés où éclate le jaune ! Au grand plaisir de légions de visiteurs…
Sur ses pas, nous nous remémorons des dates frappantes dans le domaine des transports publics. De la ligne de chemin de fer Bruxelles-Malines en 1835, première d’Europe continentale, à l’inauguration de la Jonction Nord-Midi, par le roi Baudouin, le 5 octobre 1952, après des décennies de travaux ; à celle du métro, le 20 septembre 1976.
Le passé, rendu présent, nous accompagne. Et donne à nos chemins dans la ville un arrière-plan éclairant, un goût et des accents nouveaux.
Francine Ghysen