Un coup de cœur du Carnet
Sophie PODOLSKI, Le Pays où tout est permis, Ed. Montfaucon Research Center, 2017, 26 €
Artiste belge visionnaire, auteure d’une œuvre graphique et littéraire fulgurante, Sophie Podolski (1953-1974) a porté la littérature, le dessin, la gravure, la vie dans des zones de convulsion, d’alchimie tellurique dont l’intensité est sœur de celle d’Artaud. En quelques années qui valent à elles seules des années-lumières, elle a déplacé les frontières du réel, du pensable, du visible, poussant des portes qui mènent à l’infini. L’infini de la défonce, de l’exploration des gouffres, de ce qu’on nomme schizophrénie, l’infini de la souffrance et de l’extase, l’infini des galaxies qui tournoient dans le corps et que la société broie. Entre 16 et 21 ans, elle s’adonne à un travail créateur intense qui, s’il s’inscrit dans les avant-gardes libertaires, dans le souffle de la révolte, de l’aventure freak, excède de toutes parts l’ancrage dans une liberté underground. En 1972, paraît l’ovni Le Pays où tout est permis, grâce à Joëlle de La Casinière qui avait fondé une communauté d’artistes, le Mautfaucon Research Center. Alliance d’une écriture laissée à sa forme manuscrite et de dessins, Le Pays où tout est permis est un montage inouï de flux de conscience, d’interrogations sur l’urgence de questionner l’inquestionnable et de collages, d’interventions graphiques où un monde alternatif se met en place. Exit l’étroitesse de la logique conceptuelle, de la bonne conscience littéraire, des principes d’identité, de non-contradiction. Place à un geste scriptural et graphique métamorphique. L’humain est trop étriqué. Sophie Podolski fore des brèches de sang et de nerfs dans l’enclos du verbe. À la syntaxe cérébrale normée, à la pesanteur narcoleptique du réel, elle oppose un monologue extime, un régime narcotique du penser. Continuer la lecture →