« Un mot main / dans la main »

Véronique WAUTIER, Ton nom maintenant, Préface de Marc Dugardin, Peintures d’Alain Dulac, Herbe qui tremble, 2022, 90 p., 15 €, ISBN : 978-2-491462-42-0

wautier ton nom maintenant« parfois on écrit
et les mots ne sont pas vérifiés
ils jaillissent d’une ancienne forêt
d’une future nudité 
»

D’une simplicité désarmante, le recueil Ton nom maintenant de Véronique Wautier, publié à titre posthume, se déploie sur un nuancier bleu. Du « bleu matisse » au vague à l’âme qui s’empare du lecteur dès l’exergue (deux sublimes vers séléniens de Wautier), le recueil tient du champ chromatique et sémantique de cette couleur qui rappelle celle du ciel (« cette immense page bleue ») ou de la mer, avec sa longueur d’onde voilée.

À l’instar d’autres recueils de la poétesse, parmi lesquels Continuo, Traverso ou d’autres repris dans l’anthologie Allegretto Quieto (L’Arbre à paroles), Ton nom maintenant explore « notre frémissante sensibilité de vivants » comme l’écrit Marc Dugardin dans la préface au présent livre. Six cycles de poèmes, intitulés « Bleu Matisse », « Un hameau », « Petit tambour sur les pierres »,… se lisent presque comme des contes songeurs ou des songes contemplatifs, s’aventurent sur les sentiers du « tremblement » et de la « blessure », parfois non exempts de leurs corollaires plus rudes, mais toujours taillés dans cette douceur si caractéristique de l’écriture de Véronique Wautier. Celle-ci donne au ténu et à la ténacité, au frêle et à la fêlure, leurs lettres de grâce.

Dès l’entame du premier cycle de poèmes, celle qui confiait que « [les mots] sont notre seul moyen » nous invite à prendre acte qu’ « écrire ce n’est pas savoir / c’est tactile » – prolongeant par-là même le titre d’un de ses précédents recueils illustré par Pierre Tréfois, Dans nos mains silencieuses. La poétesse donne au motif de la « main » ses lignes de vie et d’écriture : tentatives d’approcher le mot comme les paumes plongent dans l’eau sans la saisir, sans l’enclore. Ainsi de la voie fragile et courageuse du partage, de l’ouverture à l’autre et du dialogue – comme le figure l’adresse au poète Ossip Mandelstam dans le cycle intitulé « La rivière » – que la poétesse a choisie. Ce que met admirablement en lumière cette édition composée par les quatre filles de Véronique Wautier, avec la complicité de Marc Dugardin. Trois peintures d’Alain Dulac viennent ponctuer ce recueil depuis la couverture qui adresse à la poétesse un « cygne d’amitié ».

Écoutons-la encore, dans « La bienvenue » : « J’entends le commencement des oiseaux, le bruit que fait un arbre la nuit (ça, je le sais), j’entends – dans je ne sais quel monde des sons et des sens – la lune, et sa façon de transporter la lumière. J’entends / je sens l’immense masse du ciel, et ici, l’herbe. Je suis dedans, je suis dans tout cela qui me fait une place. »

Charline Lambert

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