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C’est un arbre, une forêt

Sara GRÉSELLE, Silva, Esperluète, coll. « Cahiers », 2023, 20 p., 11,90 €, ISBN : 9782359841688

greselle silvaEn latin, Silva désigne le bois, le bosquet et, au figuré, une grande quantité, une matière abondante. Dans la langue de Sara Gréselle, le concret et l’imagé fusionnent, et Silva évoque ainsi à la fois la femme-arbre et la femme-forêt. En termes éditoriaux, Silva se concentre en une plaquette, mince et allongée : 20 pages, seulement, à la sève épaisse et collante qui circule irrésistiblement, irrigue profondément. Silva, pluriellement singulière et singulièrement plurielle.

Dans ce texte puissant, Gréselle s’arrête sur une expérience intime, qu’une femme sur quatre connaîtrait, ce qui d’ailleurs « […] ne chang[e] rien à la solitude de l’expérience ». Un jour de Vénus pas très lointain donc, « une de [s]es branche a été arrachées. Non, ce n’est pas ça : une de [s]es branche est tombée. Ça n’a pas fait le bruit qu[’elle] avai[t] imaginé ». Les mots posés soulignent la délicatesse du moment et trahissent un mouvement qui ne souffre aucun retour en arrière : une fois que la branche, qui partage le flux vivant, les terminaisons nerveuses et la pulsation intérieure, se détache, elle retourne à la terre, qui accueille en silence. Il faut ensuite cautériser l’écorce blessée, accepter le temps de la cicatrisation et « faire confiance aux racines, au réveil du printemps, le temps que revienne, un jour, le chant des oiseaux ». Car le cycle, immuable, suivra son cours. Continuer la lecture

Cernes de famille

Chantal DELTENRE, La Forêt Mémoire, maelstrÖm, 2016, 110 p., 12 €

deltenreComment imbrique-t-on dans sa mémoire les souvenirs, doux ou douloureux ? Comment faire pour qu’ils se transfigurent, se floutent et ne nous digèrent pas tout cru ?
Dans La Forêt-Mémoire, la narratrice, encore enfant, a planté à son seul usage une canopée sensible imaginaire. Au plus profond, comme dans autant de boules à neige, elle peut à loisir éteindre ou animer les scènes qu’elle a vécues : Grande, la mamy aimante, en train de raccommoder un chandail. Grand, le pépé communiste, feuilletant Le Drapeau Rouge en quête d’une nouvelle manif où il l’emmènerait. La Ducasse d’Ath et ses Géants au dernier week-end d’août, les bords de la Dendre et la statue de Saint Antoine, qui veille sur la plus jeune occupante de la maisonnée. Il reste malgré tout des paysages qui grésillent bien trop à son goût, sous tension ou au mieux, vidés de tout lien. Des moments qu’elle ne maîtrise guère: tous ceux où apparaissaient ses parents, mariés très jeunes et comme encombrés de leur progéniture. Continuer la lecture