Archives par étiquette : Isabelle Stengers

Les enjeux vitaux de la biodiversité

Un coup de cœur du Carnet

Marc SCHMITZ (coordination), Le souffleur de feuilles. La biodiversité n’est pas un luxe, elle est vitale, Préface de Vinciane Despret, Couleur livres, 2022, 128 p., 12 €, ISBN : 9782870039342

collectif le souffleur de feuillesC’est à partir d’un lieu bien précis, de la réserve naturelle du Kinsendael située dans le sud de Bruxelles que l’ouvrage collectif Le souffleur de feuilles. La biodiversité n’est pas un luxe, elle est vitale interroge les ressources conceptuelles et les scénarios à mettre en œuvre sur le terrain afin de fabriquer « des mondes encore habitables » (Vinciane Despret) où se nouent des liens harmonieux entre humains et non-humains. Composé d’acteurs issus de diverses disciplines, un collectif de contributeurs (Isabelle Stengers, Serge Gutwirth, Vinciane Despret qui signe la préface, Marc Schmitz qui coordonne l’ouvrage, Martine De Becker, Thérèse Verteneuil, Benoît Dumont, Olivier De Schutter, Jean-Claude Grégoire, Paul De Gobert, Amaury Vanlaer) s’empare des questions des territoires de vie où se déploient des mondes sauvages, semi-sauvages, de l’érosion catastrophique de la biodiversité, de la fragmentation de l’habitat, de la spatiophagie, de l’urbanisation galopante qui menacent la survie d’innombrables espèces animales et végétales pour penser un changement de paradigme qui en passe par le local. Continuer la lecture

Isabelle Stengers. Activer les possibles

Un coup de cœur du Carnet

Isabelle STENGERS, Cosmopolitiques, La découverte/ Les empêcheurs de penser en rond, 2022, 628 p., 26 €, ISBN : 978-2-35925-222-4

stengers cosmopolitiquesAccompagnée d’une préface, « Vingt-cinq ans après », la nouvelle édition de Cosmopolitiques réunit en un seul volume les sept ouvrages publiés en 1997. Dans ces sept ouvrages devenus sept parties (La guerre des sciences ; L’invention de la mécanique : Pouvoir et raison ; Thermodynamique : la réalité physique en crise ; Mécanique quantique : la fin du rêve ; Au nom de la flèche du temps : le défi de Prigogine ; La vie et l’artifice : visages de l’émergence ;  Pour en finir avec la tolérance), Isabelle Stengers déplie les « chemins d’une pensée spéculative ». Questionnant la modalité « guerrière » de l’avancée des sciences modernes qui se positionnent en discréditant les discours des concurrents, en dressant la scène d’une opposition entre « ceux qui savent » et la doxa, elle propose une mise en récit de l’histoire des sciences modernes, une perspective dynamique et historique problématisant le rôle politique des savoirs, leurs conséquences pragmatiques. Continuer la lecture

Roman noir haut en couleur

Ziska LAROUGE, L’affaire Octavia Effe, Academia, 2022, 173 p., 17 € / ePub : 12,99 €, ISBN : 978-2-8061-0674-2

larouge l'affaire octavia effeLe 8 juillet 2018 dans le Gers, la gendarmerie de Telloure est informée qu’un motard a été renversé par une voiture rouge qui a pris la fuite. Inconsciente, la victime pourrait bien être le mari d’Octavia Effe, la romancière à succès. Mais celle-ci manie si bien le mystère qu’elle est introuvable et que l’on ne sait à peu près rien de l’homme qui partagerait sa vie. Dans ce brouillard de conditionnels, une évidence se détache : c’est bien sur une tentative de meurtre qu’il va falloir enquêter.

Chargés de l’affaire, le lieutenant Joy Froissart et son mari, le sous-lieutenant Michaël Cornillac, devront mettre leurs problèmes de famille de côté pour démêler les fils de la trame des événements. Pour Joy, l’enquête est une échappatoire toute trouvée à ses angoisses post-partum : plutôt se plonger dans une analyse poussée de chaque élément que de s’interroger sur ses difficultés à se sentir mère. Et avec l’œuvre d’Octavia Effe, il y a de la matière pour s’évader. D’ailleurs, en son absence, ses livres pourraient-ils parler pour elle ? Pour Michaël, il s’agit de trouver comment aider sa supérieure et ménager son épouse, tout en préservant sa famille. Mais Joy n’est décidément pas facile à suivre… ni à supporter. Continuer la lecture

Isabelle Stengers et la création de possibles

Un coup de cœur du Carnet

Isabelle STENGERS, Réactiver le sens commun. Lecture de Whitehead en temps de débâcle, Découverte / Empêcheurs de penser en rond, 2020, 202 p., 18 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 9782359251685

L’attention à l’aventure des idées et des actes qu’elles engagent questionne l’articulation intime entre pensée et vie, double expression d’un même plan. Pensant avec et depuis Whitehead, Réactiver le sens commun remet en chantier, réagence l’essai Whitehead et les ruminations du sens commun (Les Presses du réel, 2017) au sens où il le fait bégayer et le relance. Là où Whitehead caractérisait la civilisation moderne par son déclin, nous vivons sa débâcle. Nous sommes à un point de bifurcation : rien ne nous dit si nous allons pouvoir civiliser la modernité ou si nous nous engageons dans sa pure débâcle. Un des noms majeurs que Whitehead donna à ce déclin est bifurcation de la nature, à savoir la séparation entre qualités objectives et qualités subjectives. Une séparation qui a signé la défaite du sens commun.


Lire aussi : Isabelle Stengers. Philosophie activiste, récits spéculatifs et ouverture des possibles (C.I. n° 198)


Continuer la lecture

Isabelle Stengers, Frédérique Dolphijn : tissage d’un dialogue

Isabelle STENGERS, Activer les possibles, dialogue avec Frédérique Dolphijn, Esperluète, coll. « Orbe », 2018, 144 p., 13.80 €, ISBN : 978-2-35984-101-5

La pratique du dialogue peut revêtir différents visages. Si Platon en a fait une des modalités de l’exercice philosophique, il peut privilégier l’échange exploratoire au fil d’une rencontre laissant place à l’aléatoire, au tracé d’une pensée qui rebondit, qui ricoche, sans jamais refermer en réponses les événements qui lui arrivent. Le jeu que l’on pourrait dire lewiscarrollien qui préside au recueil Activer les possibles a pris la forme de notions tendues par Frédérique Dolphijn à la philosophe Isabelle Stengers. « Singulier  singulière », « sève », « Starhawk », « perception », « contrainte », « résister », « nommer », « fiction », « tissu », « intriquer » pour n’en convoquer qu’une poignée… Autant de mots au plus loin de mots d’ordre que les deux interlocutrices activent en suivant des « lignes de sorcière », des lignes qui bifurquent dirait Deleuze. « Dans « étonnement«  il y a « tonnerre«  » énonce Isabelle Stengers. Cette puissance d’étonnement, d’ouverture au monde place la pensée, l’action, le sentir, le percevoir sous le signe de la rencontre avec ce qui nous transforme. Continuer la lecture

Le top 3 de Véronique Bergen

La suite de notre rétrospective de l’année. Aujourd’hui : le choix de Véronique Bergen.


Lire aussi : la fiche de Véronique Bergen


Continuer la lecture

Isabelle Stengers. Activer l’héritage de Whitehead et nos puissances d’exister

Un coup de cœur du Carnet

Isabelle STENGERS, Civiliser la modernité ? Whitehead et les ruminations du sens commun, Les Presses du réel, coll. « Drama », 2017, 208 p., 19 €/ePub : 6.99 €, ISBN : 978-2-84066-741-4

stengers civiliser la modernité.jpgDans cet essai, Isabelle Stengers poursuit une œuvre qui construit la philosophie comme insoumission, comme problématisation. Comment prolonger, relancer l’héritage de Whitehead dans une époque plongée dans l’ère de l’Anthropocène (plus exactement Capitalocène), marquée par des ravages écologiques menaçant la survie des écosystèmes, de l’homme lui-même ? Stengers et Whitehead rejettent la scène platonicienne inaugurale qui sous-tend la philosophie : la séparation entre vérité et opinion reléguée dans l’ignorance, entre ceux qui savent et citoyens prisonniers de la doxa. À rebours de cette disqualification du sens commun, de la guerre que livrent à ce dernier une certaine science, une certaine philosophie, Whitehead en appelle à souder  l’imagination au sens commun. Le rejet du mépris du sens commun a un corrélat : l’abandon de la bifurcation de la nature entre réalité objective et réalité subjective, entre faits et valeurs. La bifurcation de la nature a en effet entraîné une bifurcation des savoirs qui, opposant objectivité des faits et jugements de valeur, s’avance comme une arme d’autorité permettant de faire taire les opinions des acteurs sociaux. Questionner les manières d’activer les savoirs des citoyens, leurs expériences face aux experts, c’est faire importer ce que les experts négligent, mais aussi veiller à ne pas reproduire de disqualifications, à ne pas ressembler à l’ennemi. Continuer la lecture