Archives par étiquette : Harry Szpilmann

Excavation du verbe

Un coup de cœur du Carnet

Harry SZPILMANN, Fulgor, Cormier, 2022, 72 p., 14 €, ISBN : 978-2-87598-033-5

szpilmann fulgor« Souffle », « désastre » et « embrasements » – nous sommes d’emblée, dès les premiers mots, en terre szpilmanienne. D’un livre à l’autre du poète, le même noyau, les mêmes champs lexicaux, le même labour du verbe, le même refus de l’enclos… et des firmaments, jusque-là demeurés inconnus, éclosent. Chaque livre de Szpilmann est un réseau vasculaire de mots et un cristal d’images toujours appréhendés sous un nouveau prisme. Publié au Cormier, Fulgor, dont le titre condense tant la fulgurance de l’éclair que l’or du feu, est une suite, désertique autant que magmatique, de courts fragments denses, densifiés par l’ « Obscur ».

À nos genèses en l’instant glorifié, en l’instant glorifiant, ont présidé d’innombrables eaux et d’innommables astres. En remonter le cours, en décliner la source, voilà la tâche génératrice qui nous requiert, et nous exauce.  Continuer la lecture

« Fugue, hysope et carmin »

Un coup de cœur du Carnet

Harry SZPILMANN, Écarts ou Les esquives du désir, Taillis Pré, 2022, 85 p., 14 €, ISBN : 978-2-87450-198-2

szpilmann ecarts ou les esquives du desir« Car ce dont la parole s’éprend, et qu’elle amène au feu fébrile, implante en nous sa magie blanche. »

Harry Szpilmann continue de mener son esquif sur les terres les plus désertiques et les plus enflammées de la poésie. Écarts ou Les esquives du désir ne dévie nullement du sillon qu’a tracé Szpilmann depuis son premier recueil, Sable d’aphasie (Le Taillis Pré, 2011), jusqu’à ses livres plus récents, Genèses et Magmas (Le Cormier, 2019) et Approches de la lumière (Le Taillis Pré, 2019). Il s’inscrit pleinement dans le planisphère, dans la mappemonde de la parole szpilmannienne ; il accentue, aggrave les filons d’une géologie singulière. Continuer la lecture

De l’aphorisme au fragment

Harry SZPILMANN, À propos de tout et surtout de rien, Lettre volée, coll. « Poiesis », 2019, 123 p., 18 €, ISBN 978-2-87317-545-0

Il existe dans l’ensemble des littératures une tradition de l’écrit aphoristique qui traverse les temps et les modes. Les théoriciens sont nombreux à s’être penchés sur ce genre, cherchant à en délimiter les contours, en définir les caractéristiques, à clarifier les termes en distinguant notamment maxime, sentence, pensée ou aphorisme. Blanchot, Barthes ou Valéry par exemples ont interrogé les œuvres de Joubert, de La Rochefoucauld, de Lichtenberg, de Schlegel. Sans évoquer ici les différents enjeux terminologiques qui ont pu animer ces débats, il est bon de rappeler néanmoins l’intérêt accru, depuis plusieurs décennies, pour l’écriture du fragment comme genre ayant ses propres codes. Continuer la lecture

Trois saignées

Un coup de cœur du Carnet

Harry SZPILMANN, Approches de la lumière, Taillis pré, 2019, 18 €, ISBN : 978-2-87450-155-5 ; Genèses et Magmas I, Cormier, 2019, 18 €, ISBN : 978-2-87598-020-5 ; Genèses et Magmas II, Cormier, 2019, 14 €, ISBN : 978-2-87598-021-2

« C’est mal connaître la poésie que de la taxer d’inutile. La poésie, par excellence, sert à localiser la Terre. » (GM II, p. 9)

Trois recueils sortis de presse simultanément, une rencontre du troisième type : Harry Spzilmann délivre ses Approches de la lumière (Le Taillis Pré) et deux volumes de Genèses et Magmas (Le Cormier), pour le plus grand bonheur des aficionados de la poésie szpilmannienne comme pour ceux qui la découvriront. Continuer la lecture

Où l’on marque un temps d’arrêt juste avant de s’ébattre

Un coup de cœur du Carnet

Harry SZPILMANN, Liminaire l’ombre, Taillis Pré, 2017, 104 p., 12 €, ISBN :  978-2-87450-106-7

szpilmann

À la lecture de Liminaire l’ombre, me revient en tête une image, elle inaugure la scène première d’un western fabuleux, La prisonnière du désert. L’écran est d’abord noir puis quelqu’un, une femme, ouvre une porte et l’on devine que l’on était dans une cabane, et l’on voit ce que la femme voit, le monde lumineux des prairies, des ciels bleus, des espaces ouverts battus par les vents, et l’action peut commencer. Liminaire l’ombre n’a rien d’un western, bien sûr, et Harry Szpilmann n’a que faire de « mettre en scène » un héros à la John Wayne. Mais comme cette femme ouvrant littéralement une porte sur le monde, Harry Szpilmann et son livre se tiennent comme qui dirait au bord, au seuil, juste avant la plongée dans le monde, juste avant le grouillement lumineux, aveuglant, des crapauds et des eaux qui miroitent, juste avant l’éblouissement. Dans cette espèce d’entre-deux que la langue poétique, une certaine langue poétique, entre ombre et lumière, tente, quelquefois, comme elle peut, de capter. Vous savez, cet élan qu’on ressent parfois, cette poussée, si peu dicible ou explicable, qui nous pousse à aller, pan !, de l’avant, à sauter dans le grand vide grisant et vogue la galère. Cette poussée qu’aucun mot, aucune parole, n’arrivent à dire vraiment. Cette espèce de petit bouillon, petit bouillonnement, qu’on ressent parfois au fond de soi et qui, allez savoir pourquoi, nous incite à franchir le pas. À passer le seuil. À franchir la clôture. À courir comme des fous, comme des folles, dans les prés. À enfin nous ébattre et nous réjouir. Continuer la lecture

Labeurs

Harry SZPILMANN, Les rudérales, Bruxelles, Le Cormier, 2015, 85 p.

szpilmannQue signifie le mot « livre » ? À cette interrogation partagée par tous ceux qui s’intéressent aux mots, le nouveau livre de Szpilmann égrène plusieurs réponses. La première apparaît dès la deuxième page, comme dans un dictionnaire : « Livre : creuset, claque-nerfs, noir almanach. Dépositaire de l’errance abrasive, des déserts au crochet, du sans-fond. » Continuer la lecture