Archives par étiquette : Philippe Lekeuche

Gribouille en Morticolie ?

Littérature et Médecine. Deux arts du regard. Autour de Jean-Christophe Rufin, Jean-Baptiste Baronian, Georges Casimir, Bernard Dan, François Emmanuel, Philippe Lekeuche, Pierre Mertens, Yves Namur et Raymond Reding, ARLLF, 2023, 130 p., 15 €, ISBN : 9782803200696

litterature et medecine deux arts du regardLittérature et Médecine… L’ordre des mots adopté dès le titre se soumet-il simplement à celui de l’alphabet, ou bien est-ce que, fussent-elles toutes deux affublées d’une majuscule et érigées en « arts du regard » la seconde reste un corollaire de la première ? Il fallait trancher, bien sûr, et ce livre parle davantage en termes de « roman », « fiction », « auteurs », que de « pathologie », « traitement » ou « praticien ».

Il n’empêche : l’historiographie littéraire (francophone mais pour tout dire, mondiale) a beau regorger de figures d’« écrivains-médecins », il serait peut-être plus juste de les qualifier de « médecins-écrivains », puisque l’exercice de l’art d’Esculape précéda parfois de loin la fréquentation des Muses… Prenons le cas le plus célèbre en littérature française du XXe siècle, Louis-Ferdinand Céline. Il découvre sa vocation au Cameroun, en 1916, en soignant vaille que vaille les populations indigènes. Sa thèse de médecine, consacrée à un chirurgien hongrois du siècle précédent, est considérée, à raison, comme son premier texte littéraire… mais il faudra attendre les années 1926-1927 pour qu’il se mette à la rédaction de ce qui allait devenir Voyage au bout de la nuit. Combien sont-ils, parmi ses détracteurs, à regretter que le Docteur Destouches ait lâché son carnet d’ordonnances pour devenir le paradigme de l’écrivain collabo et antisémite ? Continuer la lecture

Bilans 2022 : nos livres de l’année

Tout au long du mois de décembre, nous avons présenté les sélections 2022 des chroniqueurs et chroniqueuses du Carnet. Voici les livres qui ont été le plus souvent cités. Continuer la lecture

Le Top 2022 de Francine Ghysen

Le Carnet et les Instants revisite l’année littéraire 2022 avec le Top 3 de ses chroniqueurs et chroniqueuses. La sélection de Francine Ghysen.  Continuer la lecture

Le Top 2022 d’Éric Brogniet

Le Carnet et les Instants revisite l’année littéraire 2022 avec le Top 3 de ses chroniqueurs et chroniqueuses. La sélection d’Éric Brogniet. Continuer la lecture

Philippe Lekeuche : la poésie et le sacrifice

Philippe LEKEUCHE, L’épreuve, Ill. Isabelle Nouwynck, Herbe qui tremble, 2022, 94 p., 14 €, ISBN : 9782491462185

lekeuche l epreuveLa poésie est sacrifice – sacrifice pour quoi ? – nul ne le sait, mais sacrifice indubitable. L’idée surgit dès le préambule de L’épreuve de Philippe Lekeuche et traverse ses trois mouvements. Le recueil est en effet construit en forme de sonate et sa partition est rythmée par les peintures d’Isabelle Nouwynck. Au fil de ses développements, les thèmes s’introduisent, sont repris, modulés, croisés en contre-chant, mais jamais résolus. Continuer la lecture

François Emmanuel, à tu et à nous…

Un coup de cœur du Carnet

Christophe MEURÉE (dir.), Le monde de François Emmanuel, A.M.L., coll. « Archives du futur », 2022, 492 p., 28 €, ISBN : 978-2-87168-089-5

meuree le monde de francois emmanuelSi on ne présente plus François Emmanuel, on peut sans fin le redécouvrir, à l’exemple de Jean-Luc Outers qui confie s’emparer régulièrement, au hasard, de l’un de ses romans – et l’étagère qu’ils peuvent occuper dans une bibliothèque est longue – pour y picorer une page, un bref extrait, une ligne. Le volume Le monde de François Emmanuel permettra, à celles et ceux qui ont trop longtemps ajourné le bonheur de faire sa rencontre, de l’approcher cette fois en exhaustivité comme en intimité. Continuer la lecture

Vincent Poth : la force de l’intranquillité

Vincent POTH, À l’abri de l’abîme, Préface de Philippe Lekeuche, Frontispice d’Yvon Goossens, Taillis Pré, 2019, 98 p., 12 €, ISBN : 978-2-87450-150-0

Que l’aventure poétique ne fasse qu’un avec un enjeu vital, une urgence existentielle, À l’abri de l’abîme, le premier recueil du jeune poète Vincent Poth en témoigne. La force inventive qui sourd de ces textes trempés dans la nécessité du vers provient tout à la fois de leur intranquillité native et de leur soif d’un Ailleurs. Questionnant l’advenue du poème, la matière des mots, À l’abri de l’abîme accorde sa descente dans les abysses au rythme du « vers à venir », au sens où Blanchot parlait du « livre à venir ». S’ouvrant sur une citation de Charles Péguy, deux parties composent le recueil, « Lettre à la mort » et « Transe canadienne ». Les noms des poètes et penseurs tutélaires — Baudelaire, Verlaine, Péguy, Nietzsche — creusent une poésie qui se tient face à la mort, aux puissances du Mal, aux déceptions de la chair, à la trouée de Dieu. Comme l’analyse Philippe Lekeuche dans sa préface, « le poème raconte sa genèse, son origine », son surgissement. Des motifs récurrents — la cendre, les anges, les démons… — convergent vers une possible définition du poète : Continuer la lecture

S’ouvrir à l’essence de la vie

Philippe LEKEUCHE, Poème à l’impossible, Peintures de Jean Dalemans, Taillis pré, 2018, 74 p., 10 €, ISBN : 978-2-87450-125-8
lekeuche poeme a l impossible

Tu retournais le Bonheur
Le mettais à l’envers
Et tu voyais ce qu’il recouvre
Un gouffre caché
Ton cœur trembla
L’espérance fut brin d’herbe au fond du désert
Ne mourut point 

De ce Poème à l’impossible, grave et beau comme son titre, Philippe Lekeuche dit à mi-voix qu’il lui est venu, un jour de mai, le visitant sans qu’il s’y attendît, et est reparti, tout aussi mystérieusement, à la fin de l’automne, le laissant plus ouvert à « l’essence de la vie ». Écrivant comme sous sa dictée. Continuer la lecture

De la brisure à la réconciliation : le poème témoigne

Fabien ABRASSART, Si je t’oublie : poème, préface de Philippe Lekeuche, peintures de Marie Alloy, L’Herbe qui tremble, 2017, 64 p., 13 €, ISBN : 9782918220442

abrassart si je t oublie.gif« S’il n’émeut le salaud à quoi bon le poète » : Fabien Abrassart résume ici le dilemme qu’Adorno formulait ainsi : « Comment encore écrire de la poésie après Auschwitz ? ». Auschwitz a en effet prouvé l’échec de la culture allemande, européenne, occidentale : après Auschwitz et dans cette culture, il ne peut y avoir d’art que selon Auschwitz, en fonction d’Auschwitz. Aucune image ne peut masquer Auschwitz. Après le nazisme, tout langage est devenu problématique. L’autre pôle dialectique du livre d’Abrassart, c’est la référence à Jérusalem, nom qui évoque le culte du dieu des Cananéens, Shalem, divinité de la création, de l’exhaustivité et du soleil couchant. L’étymologie de la ville repose sur deux racines chaldéennes : YeRu (la demeure, la ville) et ShLM (qui a donné les mots, en hébreu et en arabe, shalom et salaam, dont la signification actuelle est « paix », mais dont le sens originel était la complétude, l’achèvement). Continuer la lecture

« La Poésie, à l’arraché »

Philippe LEKEUCHE, L’éclat noir du désir. Poèmes 1988-1998, Châtelineau, Le Taillis Pré, 2015, 250 p., 20 €

Sous le beau titre L’éclat noir du désir, qui ressemble à sa poésie même, tissée de lumière et de nuit, d’ardeur et de désespérance, d’appels vibrants et de silence, Philippe Lekeuche nous livre une nouvelle édition, revue et corrigée, de trois recueils parus en l’espace de dix ans : Si je vis (1988), Celui de rien (1993), L’état rebelle (1998). Trois titres qui composaient une trilogie, dans la bien nommée collection Feux, créée par Liliane Wouters aux éditions Les Éperonniers. Continuer la lecture

« La poésie est le réel absolu »

Francine GHYSEN

lekeucheS’entretenant avec Myriam Watthee-Delmotte, en ouverture du numéro de la revue Nu(e) qui lui est dédié, Philippe Lekeuche embrasse ainsi sa conception de la poésie, ancrée au plus profond de son être, de sa vie :

Pas de poésie sans amour (donc sans solitude), sans art et sans folie. Et la poésie doit aussi perpétuellement se débrouiller avec ce reste de sexualité qui échappe à toute sublimation. Pour moi, je le dis humblement, la poésie est mon risque suprême, elle me pose la question qui me taraude douloureusement : « Qu’est-ce que l’amour, lui-même divisé en ses multiples figures ? ». Continuer la lecture