Archives par étiquette : Jean-Marie Klinkenberg

Un regard neuf dans le miroir au hibou

Jean-Marie KLINKENBERG (dir.), Relire La légende d’Ulenspiegel, Textyles n° 54, Samsa, 2019, 15 €

Durant toute l’année 2017, le sesquicentenaire de La Légende d’Ulenspiegel fut salué par bon nombre de publications d’importance, au premier rang desquelles l’édition définitive du texte, établie par le spécialiste incontesté de la question, Jean-Marie Klinkenberg. Aujourd’hui, le même dirige le dossier de la cinquante-quatrième livraison de la revue Textyles, qui nous invite à relire l’œuvre matricielle de De Coster. L’Académicien (adjectivé « belgique ») y signe une étude exhaustive sur le travail philologique considérable qu’exige ce livre hors-norme, qui est « tout sauf un énoncé consensuel ». Quatre autres contributions substantielles précèdent celle de Klinkenberg, et chacune propose un regard neuf sur des aspects aussi variés que les adaptations, la langue, la réception, enfin la dimension comparative.


Lire aussi : De Coster, entre le rire et le cri (C.I. 198)


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Un quatuor norgien inoubliable

NORGE, Remuer ciel et terre. Poésie, postface de Jean-Marie Klinkenberg, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2019, 320 p., 9,00 €, ISBN : 978-2-87568-414-1

En 1984, voulant remettre à l’honneur l’œuvre de Norge, les responsables de la collection Espace Nord s’adressent à J.M. Klinkenberg, professeur à l’université de Liège, membre du groupe Mu, et dont l’intérêt pour le poète est bien connu. Plutôt que composer une anthologie, l’on s’accorde sur la réédition intégrale de quatre recueils : Les râpes, Famines, Le gros gibier, La langue verte (1949-1954). Il est vrai, les célèbres Oignons datent des mêmes années, mais ils ont fait l’objet de plusieurs réimpressions augmentées. Outre que cette période norgienne est familière à J.M. Klinkenberg et que le volume Poésies 1923-1973 chez Seghers est épuisé depuis belle lurette, le choix des quatre titres est judicieux – il eût d’ailleurs mérité d’être expliqué en introduction. En effet, dès l’entre-deux-guerres, Norge est certes un auteur apprécié, avec des titres comme La belle endormie, Le sourire d’Icare ou Joie aux âmes. Toutefois, que ce soit dans sa thématique, son imaginaire ou sa rhétorique, il ne se démarque pas nettement d’autres contemporains tels que O.V. Milosz, O.J. Périer, R. Mélot du Dy ou J. de Boschère. De 1939 à 1949, il connait d’ailleurs un sérieux passage à vide. La parution des Râpes et de Famines fait donc grand effet : lyrisme et spiritualisme ont totalement disparu, le style est à la fois plus bref, plus saccadé et plus savoureux, l’existence humaine est évoquée sous l’angle de la lutte-pour-la-vie et d’un certain cynisme darwinien. Les connaisseurs ne s’y trompent pas. P. Éluard écrit à Norge pour le féliciter, de même que F. Ponge, Ch. Plisnier, G. Bachelard, F. Hellens, J. Paulhan, R.G. Cadou, etc. ; le vieil A. Gide en parle chaleureusement à ses visiteurs ; plusieurs comptes rendus élogieux paraissent dans la presse. Les oignons et La langue verte, dont la parution suit rapidement, ne font que confirmer le grand virage créatif de Norge et l’engouement consécutif du public. Continuer la lecture

La Belgique, pays d’intersections

Jean-Marie KLINKENBERG, Petites mythologies belges, postface de Jan Baetens, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord » n° 370, 240 p., 8 €, ISBN : 978-2-87568-409-7 

Au terme de « mythologies » employé au pluriel est associé, immanquablement, le nom de Roland Barthes qui, en 1957, s’en servit pour intituler le premier best-seller de la discipline sémiotique. Depuis, établir le catalogue des mythologies d’une société consiste à clicher, non sans distanciation ironique, les signes qui y font sens ainsi que les discours qui les colportent… Et pas seulement dans les arts majeurs, car l’esprit d’une époque se trahit mieux encore dans ses marques publicitaires, ses événement ritualisés, ses jeux populaires, ses stars, ses objets-fétiches, etc. Aujourd’hui, Barthes se délecterait sans aucun doute des performances attendues d’un boutonneux pressenti meilleur pâtissier ou dissèquerait jusqu’en ses plus minuscules fibres dénotatives et connotatives la panoplie de nos appareils portables.

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Poker menteur

Stanislas-André STEEMAN, Légitime défense (Quai des Orfèvres), postface de Jean-Marie Klinkenberg, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2018, 249 p., 8,50 €, ISBN : 978-2-87568-425-7

On ne l’a pas assez souligné, le roman Légitime défense est truffé de mentions relatives au jeu et au théâtre, en particulier aux jeux de cartes. Ces mentions sont purement incidentes et très disparates, de sorte qu’elles peuvent aisément passer inaperçues. Qu’on en juge. Les deux héros, l’artiste-peintre Noël et son épouse Belle habitent à l’arrière d’un magasin de jouets, dont la réserve se trouve au rez de leur logement. Les fenêtres de celui-ci donnent sur un jardin où jouent et chantent de jeunes pensionnaires. Le riche collectionneur Weyl, qui réside avenue Sémiramis – titre d’un opéra de Rossini – les reçoit deux fois par semaine pour une partie de cartes. Si Mme Weyl est absente le soir du crime, c’est pour cause de bridge chez des amis. Ayant organisé son alibi, Noël pense avoir mis « tous les atouts dans son jeu », mais éprouve « la certitude d’avoir été joué » par la mystérieuse fuyarde. À la première visite du commissaire Maria, il a juste le temps « d’escamoter son jeu de cartes ». L’arrestation erronée du pauvre Klein « brouille les cartes, fausse les règles du jeu ». En pleine enquête, le policier est surpris achetant un petit polichinelle. L’alibi de Noël s’affaiblit à cause d’un dessin animé. Tout près d’être arrêté, il éprouve « l’irrésistible et absurde envie de faire une patience »…

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Prix du livre politique 2016

klinkenbergChaque année, le Prix du livre politique est décerné dans le cadre de la Foire du livre politique à Liège. Le Prix 2016 récompense Jean-Marie Klinkenberg pour son essai La langue dans la cité. Vivre et penser l’équité culturelle (Les Impressions nouvelles).  Continuer la lecture

Le degré zéro du Liégeois

Laurent DEMOULIN et Jean-Marie KLINKENBERG, Petites mythologies liégeoises, Tétras Lyre, coll. « Hors chant », 2016

demoulinDans son introduction aux petites mythologies liégeoises, Jan Baetens souligne que « faire et défaire les mythes » est la marque de fabrique du Liégeois. Les auteurs de cet ouvrage, Laurent Demoulin et Jean-Marie Klinkenberg, sont indéniablement de marque liégeoise. Dans cet abécédaire à l’ordre alphabétique chamboulé, dans ce bestiaire n’abordant pas que la thématique animalière, ils décrivent avec poésie, bonhomie, sociologie, sémiologie (on ne se refait pas), subjectivité et bienveillance divers aspects qui font et défont Liège. Son fleuve, ses inondations, ses bus, sa gare, son C.H.U., sa foire d’octobre… Continuer la lecture

De l’équité de la langue française

Jean-Marie KLINKENBERG, La Langue dans la cité. Vivre et penser l’équité culturelle, Bruxelles, Impressions Nouvelles, 320 p., 21 €/ePub : 13.99 €

klinkenberg_saenenIls sont légion, les « – isme » malmenés par Jean-Marie Klinkenberg dans un essai qui a tout d’une somme et vient couronner un brillant parcours de passeur de savoir et d’agitateur d’idées. « Purisme », « centralisme », « essentialisme », « conservatisme », « communautarisme »… Les voici pointés et dénoncés, les mots / maux qui sclérosent notre rapport à la langue, et plus particulièrement au français. Car si Klinkenberg plaide pour la mise en œuvre globale de politiques linguistiques efficaces, assumées par les États, l’ère culturelle qu’il problématise est bien celle de la francophonie, avec son tropisme hexagonal (sinon parisien), ses périphéries, ses dominions d’Empire et ses reliquats d’Ancien Régime. Continuer la lecture