Alain VAN CRUGTEN, La dictature des ignares, M.E.O., 2023, 270 p., 21 € / ePub : 12,99 €, ISBN : 9782807003712
Sous un titre tranchant, La dictature des ignares, Alain van Crugten a composé un livre historique, politique et romanesque, qui nous mène au printemps 1968 à Varsovie.
Dès le début, on rencontre des personnages attachants. Jean Artigues, étudiant à l’université d’Aix-en-Provence, nanti d’une bourse de recherche du gouvernement polonais. Jean, incertain, hésitant, toujours partagé entre doutes et réflexions. Son inséparable ami Julien, chaleureux et expansif. La belle et ardente Hania… Continuer la lecture →
Charline VANHOENACKER, Aux vannes, citoyens ! Petit essai d’humour politique, Denoël, 2022, 151 p., 16 € / ePub : 11,99 €, ISBN : 978-2-207-16520-1
Figure (re)connue du paysage radiophonique et télévisuel public français, la journaliste-devenue-humoriste belge Charline Vanhoenacker publie Aux vannes, citoyens !, aux éditions Denoël.
Le sous-titre, « Essai d’humour politique », annonce le caractère hybride de l’entreprise. Il s’agit bien d’un essai sur l’humour politique, mais aussi d’une mise en pratique directe de cet humour. Jupitérienne, Charline Vanhoenacker ? Elle pratique en tout cas l’« en même temps » : son propos est sérieux et en même temps la vanne surgit à chaque ligne ou presque. Continuer la lecture →
Daniel SOIL, Agdez, dernière page, M.E.O., 2022, 124 p., 15 € / ePub : 8,99 €, ISBN : 978-2-8070-0323-1
Lorsque l’on retrouve le corps lacéré de Johannes V, expert des Nations Unies au Maroc, ses instances décident de charger Jean, un attaché culturel belge, de recueillir des informations sur les circonstances de son meurtre. Des hypothèses circulent qui mettent en évidence les positions progressistes de la victime, fervent défenseur des droits humains et de la diversité culturelle, posture passant pour audacieuse à l’heure où d’autres resserrent les mailles de la pensée. Continuer la lecture →
Francis DELPÉRÉE, Les crises de gouvernement, Académie royale de Belgique, coll. « L’Académie en poche », 2020, 150 p., 7 € / ePub : 3.99 €, ISBN : 978-2-8031-0762-9
Dans le paysage des études juridiques, le nom de Delpérée sonne comme une antonomase pour le terme « constitutionnaliste », tant son expertise dans ce domaine est chevillée à sa personnalité. À défaut d’être médiatique, l’homme est médiatisé : combien de fois n’est-il pas apparu au JT, afin d’évaluer un point de realpolitik à l’aune du texte fondateur de notre État ? Mais Francis Delpérée s’exprime davantage encore à l’écrit. La bibliographie qu’il a la modestie d’afficher ne reprend que ses principaux ouvrages, publiés ici dans la collection « Que sais-je ? » des Presses Universitaires de France, là chez Bruylant ou Racine. Prise dans son exhaustivité, elle est considérable. Continuer la lecture →
Simon LEYS, La mort de Napoléon : roman, Postface de Françoise Châtelain, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2021, 160 p., 8,50 €, ISBN : 978-2-87568-556-8
La mort de Napoléon est le seul roman écrit par Simon Leys, pseudonyme du grand sinologue et essayiste belge Pierre Ryckmans (Bruxelles, 1935 – Sydney, 2014). Il offre de multiples bonheurs de lecture : un sens éblouissant de la langue française ; une grande maîtrise des termes de marine –la mer étant une des passions de l’écrivain, qui lui consacra une anthologie de référence ; une poéticité inspirée dans ses descriptions de la Nature ; un humour ravageur ; un condensé de procédés littéraires empruntés à la fable, au conte philosophique, à la littérature populaire, dans les deux branches de son développement : le roman historique et le roman d’aventure ; la maîtrise du récit uchronique. Toujours en prenant le contre-pied du genre et en faisant d’Eugène Lenormand/Napoléon un exemple-type du anti-héros. Continuer la lecture →
La machine nous plonge dans une ville fictive espagnole, Panîm, devenue récemment une république suite à la fuite du Roi. Le récit s’ouvre sur le discours de la figure de proue de la Machine, un parti qui envisage chaque citoyen comme une pièce indispensable au système et qui prône une redistribution équitable des richesses. Continuer la lecture →
Joe PINELLI, Marguerite, Martin de Halleux, 2020, 22 €, ISBN : 9782490393206
Avec Marguerite, Joe Pinelli signe le second titre de la collection « 25 images » des Éditions Martin de Halleux. Le livre est une invitation à la promenade menée par deux personnages à la complicité amoureuse naissante dans un Paris en pleine ébullition. Composé de 25 images en noir et blanc, une par page, et sans textes, « tel qu’il a été défini en 1918 par Frans Masereel pour son livre 25 images de la passion d’un homme », l’album montre la relation tout intime d’une fleuriste et d’un peintre qui se croisent le 12 février 1934 lors d’une journée de contestation politique massive en faveur de la démocratie. Continuer la lecture →
Frank ANDRIAT, Les politichats, Ker, coll. « Belgiques », 2019, 120 p., 12 €, ISBN : 978-2-87586-244-0
Il a beau dire, l’ami Frank, que ces nouvelles « ne sont en rien un portrait exact de leur personnalité » (Celle de ces « stars politiques qui lui (en) ont donné l’idée »)… Pas d’exactitude au sens propre, d’accord, dans ces Politichats signés Frank Andriat mais, à travers neuf textes zoomorphiques, une évocation piquante – et miaulante – des travers et caractéristiques des hommes et femmes publics qui président aujourd’hui aux destinées, certes problématiques, de cette Belgique qui donne son nom à la collection publiée par Ker. Collection qui se veut « un portrait mosaïque » du pays dont la complication est, par confort, par tradition et faute de mieux, happée par l’increvable cliché du « surréalisme ». Continuer la lecture →
Véronique DE KEYSER, Une démocratie approximative L’Europe face à ses démons, CAL, coll.
« Liberté, j’écris ton nom », 2018, 100 p., 10 €, ISBN : 978-2-87504-030-5
Plus de soixante ans après le Traité de Rome, peut-on dire que l’Europe est démocratique ? C’est l’une des questions que pose Véronique De Keyser, ancienne députée socialiste européenne (de 2001 à 2014) et professeure émérite de psychologie à l’ULiège, dans son livre Une démocratie approximative. L’Europe face à ses démons, lauréat du Prix du livre politique 2018.
La création de l’Europe après la Deuxième guerre mondiale symbolisait la réconciliation des peuples sur un champ de ruines. Jusqu’au début des années 2000, les crises qu’elle a traversées ont été surmontées et son existence n’a jamais été vraiment questionnée. Il n’en est plus de même aujourd’hui (…) L’Europe a encore ses défenseurs, mais ses détracteurs se font de plus en plus nombreux.
François GEMENNE et Pierre VERBEEREN, Au-delà des frontières. Pour une politique migratoire, CAL, coll. « Liberté, j’écris ton nom », 2018, 124 p., 10 €, ISBN : 978-2-87504-031-2
Saluons l’essai de François Gemenne, chercheur qualifié du FRS-FNRS et Pierre Verbeeren, directeur général de Médecins du Monde, d’avancer dix propositions pratiques à l’attention de la Belgique mais surtout de l’Europe, sur la question des politiques migratoires. Face à la terrifiante montée des extrêmes droites, aux menaces qu’elles font peser sur la démocratie, les libertés, la question environnementale, cet essai fait bloc contre les populismes et leur fabrication de boucs émissaires (migrants, Rroms, pauvres, chômeurs…). Continuer la lecture →
Raoul VANEIGEM, Contribution à l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande. Réflexion sur l’autogestion de la vie quotidienne, Bibliothèque Rivages, 2018, 185 p., 15.90 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 978-2-7436-4536-6
L’effondrement des valeurs anciennes – patriarcat, autorité, discipline militaire, célébration du sacrifice – a permis que se dégage de la nuit et du brouillard suscités par leur chute une reviviscence de ces aspirations humaines que les assauts de la barbarie n’ont jamais entamées durablement : solidarité, entraide, alliance avec la nature, autonomie, gynocentrisme.
Voici un demi-siècle, le Traité du savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Folio éd.) de Raoul Vaneigem en même temps que La société du spectacle (Folio éd.) de Guy Debord marquaient l’irruption fracassante du situationnisme dans la pensée contemporaine. À la fois radicales (anticapitalistes et anticommunistes), prémonitoires (de Mai 68), banalisées (et impuissantes : la dénonciation de la « société du spectacle » est devenue un poncif de toute déclaration « culturelle », mais qu’un Jacques Rancière permet de dépasser), critiquées (même par un Claude Lefort : « parade », « passion du mot d’ordre », « logique de l’affect » égale à celle « du concept ») et pourtant intactes, ces publications peuvent-elles devenir un événement pour une pensée (in)actuelle ? Continuer la lecture →
Giuseppe SANTOLIQUIDO, L’Audition du docteur Fernando Gasparri, postface de Joseph Duhamel, Espace Nord, 2018, 265 p., 8,50€ / ePub : 6.99 €, ISBN : 2875682679
« Mais bon sang, Docteur, dans quel monde vivez-vous ? […] » En juillet 1932, Fernando Gasparri, citoyen belge dont les primes années se sont déroulées dans un petit village niché dans les montagnes du Latium, est établi à Ixelles. Son existence est régulée par la simplicité, son univers s’ancre dans la proximité. Depuis le décès de son épouse Louisa, l’absente adorée avec qui il s’entretient lors de visites régulières au cimetière, Gasparri habite avec sa vieille sœur invalide dont il s’occupe loyalement. Le médecin généraliste, quinquagénaire tout de tranquillité, se tient éloigné des questions et des tourments : il multiplie ses heures au travail, se dévoue à ses patients, s’assure du bien-être de l’unique membre de sa famille, mange bien, dort suffisamment et va à la messe le dimanche. Il se fond dans une routine absorbante et satisfaisante, et se révèle rétif à tout changement même lorsque celui-ci prend la forme stimulante d’une étude sanitaire à mener avec un ami confrère. Son âme s’aspire vers le passé, s’engloutit dans le présent et ignore le futur. Continuer la lecture →
Amateur de défis littéraires, Grégoire Polet nous a habitués aux récits polyphoniques et aux fictions à entrées multiples. Cette fois, il a décidé de rembobiner le film des dernières années et de réécrire l’histoire en imposant des variantes aux faits tels qu’ils nous sont connus. Pour ce faire, il se déplace aux côtés de protagonistes du mouvement des Indignés par la voix de Carolina Gracq, une Liégeoise d’origine qui nous dévoile dans ses mémoires les sources de son engagement. Infirmière partie en mission avec Médecins Sans Frontières, elle y rencontre Romuald Salis, médecin, et entre eux s’amorce une indéfectible complicité. Revenus en Europe, ils sillonnent les villes et rejoignent les mouvements sociaux qui suivent le crash boursier de 2008. Cette militance urbaine trouve à s’exprimer dans des manifestes et se sent vite à l’étroit dans les habits d’un simple groupe de pression. C’est pourquoi la participation aux élections législatives s’impose d’évidence comme la continuité de cette lame de fond qui ne cesse de recruter des émules partout en Europe. L’altermondialisme, la démocratie directe, la non-violence, le refus des privilèges et l’écologie sont au menu d’un raz-de-marée électoral qui ouvre les portes du pouvoir, fermant la voie au vieux monde contesté. Continuer la lecture →
Michel ROSTEN, Le temps des nervis, L’Âge d’Homme, 2015, 312 p., 25 €
Jean Guillemin, à l’entame de son récit, se confie à nous : en démissionnant de son poste de ministre des affaires étrangères, il a ressenti le besoin de raconter ses souvenirs. Les mémoires d’hommes politiques, s’ils nous captivent ou nous intriguent parfois par la truculence des détails et l’importance des enjeux, peuvent aussi nous aider à comprendre le fonctionnement de la chose publique, c’est-à-dire former le citoyen qui est en nous. C’est plus vrai encore dans le cas de mémoires d’un homme politique fictif, personnage signifiant plus que lui-même, essence même de dizaines d’années d’observation journalistique de l’auteur. Le roman est une des manières de sortir du registre de l’anecdote et, paradoxalement, d’atteindre la vérité. Continuer la lecture →
Éric CLÉMENS, De l’égalité à la liberté. En passant par le Revenu de Base Inconditionnel, Saint-Pierre, Le Corridor bleu, 2015, 140 p.
Le demi-siècle 1965-2015 fut marqué par une série de crises ou de mutations profondes, dont notre vision du monde occidentale ne pouvait sortir intacte : révélation accrue des crimes nazis et staliniens, conséquences de la décolonisation, contestation de mai 68 et maoïsme, chocs pétroliers, fin de l’U.R.S.S. et déclin du communisme, croissance des pays émergents, etc. Telles sont les turbulences historiques devant lesquelles Éric Clémens, philosophe de formation, a tenté de repenser les bases de la politique et de l’éthique – rappelons notamment son essai Le même entre démocratie et philosophie (Lebeer-Hossman, 1987) –, mais sans éluder la nécessité de l’action concrète, puisqu’il a notamment organisé ou participé à de nombreux débats publics et qu’il milite pour l’attribution à chaque citoyen d’un « revenu de base inconditionnel ». Le livre qui parait aujourd’hui rassemble des textes publiés tout au long de ces années, jalons d’une recherche exigeante et rigoureuse entre interrogation philosophique et écriture poétique ; son titre l’indique, égalité et liberté sont deux préoccupations – éminemment républicaines – qui dominent, ou plutôt arriment le questionnement auquel s’astreint l’auteur. Continuer la lecture →
Jacques DE DECKER, Le ventre de la baleine, Weyrich, coll. « Plumes du coq », 2015, 192 p.
La collection Plumes du Coq, aux éditions Weyrich, propose au lecteur des ouvrages, inédits ou en réédition, d’écrivains belges francophones, principalement wallons. Forte de plus d’une vingtaine de titres à l’heure actuelle, elle présente des titres d’Armel Job, Alain Bertrand, Christian Libens, André-Marcel Adamek et André-Joseph Dubois, entre autres. Tous ces romans sont rattachés à la Wallonie, que ce soit par l’auteur, le terrain du récit, le langage, l’histoire ou les personnages. À cet égard, le roman de Jacques De Decker Le ventre de la baleine, paru initialement en 1996 aux éditions Labor, trouve assurément sa place dans cette collection. Les lecteurs belges se souviennent sûrement de ce roman « à clés », inspiré par l’affaire André Cools, du nom du Ministre d’État et ancien président du Parti socialiste, assassiné en juillet 1991, le procès des assassins ayant eu lieu en 1998. Le premier procès du moins car, du côté judiciaire de l’affaire, un scénariste pourrait trouver la matière d’un feuilleton. Continuer la lecture →