Archives par étiquette : Ivan Alechine

Alechine face à ce qui se dérobe

Ivan ALECHINE, Divinités, Galilée, 2021, 128 p., 11 €, ISBN : 978-2-7186-1018-4

alechine divinitesPour une fois, commençons par la fin. En guise de terminus à Divinités, cette nouvelle échappée d’Ivan Alechine dans la Sierra Madre mexicaine et au-delà, l’auteur d’Enterrement du Mexique (Galilée, 2016), par ailleurs excellent photographe, clôture son récit par une de ses images en noir et blanc : une vue de toits pointus, faits de tôles ondulées qui se chevauchent, maintenues par des blocs de pierre. Il n’y a pas si longtemps, dans les hameaux et villages de Tuxpan de Bolanos, au pays des Indiens Huichols, où Alechine s’immerge régulièrement depuis plus d’une vingtaine d’années, les petites pièces d’habitat disposaient d’un toit de chaume. Aujourd’hui, constate Alechine, « tous les toits sont en tôle ondulée. Il n’y a pas à les renouveler. Ça renouvelle la paresse. Là où il y avait de l’espace, des habitations isolées les unes des autres, chacune sous leur toit de chaume, les enclos de pierre se sont transformés en murs. » Continuer la lecture

Swinging Belleville rendez-vous

Ivan ALECHINE et Pierre ALECHINSKY, Belleville sur un nuage, Yellow Now, coll. « Les carnets », 2019, 114 p., 14 €, ISBN : 9782873404451

Alechine Alechinsky Belleville Yellow NowEn photo de couverture, une Pontiac Parisienne quatre portes défraîchie, modèle fin des années 50, exhibe sa carrosserie de paquebot, salement amochée aux ailes avant-arrière. Un immeuble tout aussi décati, les fenêtres murées de béton, se maintient comme il peut en arrière-plan. On ne voit pas le mot « Hôtel », mais la suite du lettrage donne son nom : « de l’Avenir ». Visiblement, ça ne lui a pas trop réussi. Mais il n’y a pas que ce bâtiment ni la lourde Américaine qui en ont pris un coup. Au milieu des années 60, tout le haut quartier de Belleville, dans le 20e arrondissement de Paris, se trouve entre deux eaux : une longue rénovation urbaine a commencé par la démolition d’ilots abandonnés ou insalubres, mais une grande partie du quartier est toujours constituée d’habitations aux loyers guère coûteux, de cabanons branlants, de petites rues, d’impasses, de cours et courettes, de jardinets imbriqués les uns dans les autres. « Paris était encore provincial, chaleureux et doux », écrit Ivan Alechine qui y a passé son enfance. « Les petits commerces, l’artisanat populaire nous nourrissaient, une certaine idée de l’entraide entre gens d’une même rue subsistait. Il y avait des ponts entre le passé et le présent. Nous avions les pieds dans le XIXe siècle, le nez au vent du XXe. » Continuer la lecture

Au Mexique, « sur la route », avec Alechine

Un coup de coeur du Carnet

Ivan ALECHINE, Enterrement du Mexique, avec des dessins d’Eduardo ARROYO, Galilée, 2016, 96 p., 16 €   ISBN : 9782718609492

alechineIl est toujours en marche, à pied, à cheval, dans un autocar surchargé, une voiture que conduit un adolescent pauvre imbibé de substances frelatées et de mauvaise bière. On the road. Il est sonné, « moitié éveillé, marchant dans la plaine », groggy, allongé dans une miteuse chambre d’hôtel, parfois avec une femme fourmi, indienne ou japonaise  – mais on ne sait lequel soutient l’autre. Ou au contraire il est d’une lente patience, les sens en alerte, et guette d’un œil l’instant décisif où l’image, qu’elle soit poétique ou photographique, prendra place dans son champ de vision. « Un poète prépare le terrain, certes, écrit Ivan Alechine dans Enterrement du Mexique, son nouveau recueil, mais le pouvoir de la poésie écrite tient à ce que des phrases entières s’imposent à soi et qu’il faut capturer sur le champ. » Continuer la lecture

L’itinéraire d’Ivan Alechine au pays des Indiens Huichols

Pierre MALHERBE

alechine_delaunoisDans Oldies (Galilée, 2012), Ivan Alechine était remonté à la source de ses années d’enfance, à Sauvagemont en Brabant wallon, puis nous avait entraînés à sa suite dans un voyage souvent tumultueux, celui de son adolescence et de son entrée dans un monde adulte où il peinait à trouver sa place. Proche par ses parents, Pierre et Micky Alechinsky, de toute une communauté intellectuelle et artistique extrêmement vivifiante, curieuse de tout, Ivan Alechine a raconté dans Oldies combien il lui avait été difficile de prendre ses propres marques. Tardivement, il s’était aperçu qu’il lui fallait absolument aborder un nouveau continent, un territoire mental et émotionnel qui lui appartienne en propre, où il allait lui aussi pouvoir expérimenter, tracer des lignes, dessiner des cercles, danser et sautiller autour d’un feu central, sans crainte de lâcher des mains. Continuer la lecture