Un buste du poète belge Emile Verhaeren orne le square André Lefèvre, dans le 5e arrondissement de Paris. Dû au sculpteur César Schroevens, il a, comme d’autres monuments, subi les ravages du temps. Continuer la lecture
Archives par étiquette : Paris
Christian Dotremont et Régine Raufast, « jockey du vent »
Un coup de cœur du Carnet
Christian DOTREMONT, La reine des murs suivi de Lettres de Christian Dotremont à Régine Raufast, Illustrations de Pierre Alechinsky, Postface de Stéphane Massonet, Fata Morgana, 2022, 88 p., 15 €, ISBN : 978-2-37792-117-1
Les éditions Fata Morgana nous donnent à lire ou à redécouvrir une pépite poétique et amoureuse sculptée par Christian Dotremont au début des années 1940. Alors qu’âgé de dix-neuf ans, il gagne Paris afin de rejoindre les surréalistes, il fait en 1941 la rencontre fracassante de la poétesse Régine Raufast qui deviendra sa « Nadja ». L’amour incandescent, illimité, explosif a pour nom Régine, à l’époque amante de Raoul Ubac, qu’il fréquentera durant deux ans sous la lumière du paroxysme. Dans le poème La reine des murs, tout n’est qu’élan, vibrations d’un feu intérieur plus âpre que celui courtisé par Breton. Davantage qu’une muse inspiratrice, la jeune femme est une révélation existentielle, l’incarnation d’un amour impossible placé sous la magie du chiffre 23. « Je l’ai rencontrée le 23 avril 1941, à 5 heures, je l’ai quittée le 23 mars 1943, à 5 heures : 23 mois avaient passé. C’est à cause d’elle que je ne fais plus de poésies » écrit-il après le suicide en 1946 de celle qu’il surnommait, entre autres dénominations saisissantes, la reine des murs. Continuer la lecture
Récupérer ses vaches
Nicolas HANOT, Les vaches de monsieur Burbur, Editions du Sablon, 2022, 304 p., 20 € / ePub : 15,99 €, ISBN : 9782931112250
C’est un projet de haute tenue que celui des éditions du Sablon. Quand Olivier Weyrich s’est lancé dans l’aventure, pour republier des ouvrages menacés de disparition et proposer de nouveaux titres qui lui semblaient cohérents, il prenait le genre de risques qu’on aime voir prendre aujourd’hui, à une époque où l’on consacre la toute-puissance de l’écran et de la vitesse : faire de livres pour lier les gens. Les éditions du Sablon ont cette ambition : mettre en avant des plumes belges originales et faire voyager les lecteurs en Europe à travers des textes forts. Après Sempoux, Deutsch, Basile et Wijckaert notamment, les éditions du Sablon publient un premier roman haut en couleurs : Les vaches de monsieur Burbur, de Nicolas Hanot. Continuer la lecture
Déplacements et floraison
Un coup de cœur du Carnet
Christine GUINARD, Autour de B., avec des photographies de France Dubois, Unicité, 2021, 13 €, ISBN : 978-2-37355-580-6
« […] et rien ne pourrait rivaliser malgré le poids du ciel et le chaos des routes, avec l’aptitude singulière à creuser insensiblement le sillon du renouveau – la fraîcheur de l’eau du nord et l’entrebâillement des langues, des esprits et des corps traversés même loin des côtes par l’eau salée. »
Après son dernier recueil poétique, le merveilleux Sténopé (éditions Unicité), Christine Guinard nous revient avec un autre tout aussi merveilleux (et très différent) recueil, Autour de B., paru aux mêmes éditions. La quatrième de couverture développe le contexte de l’écriture : « Autour de B. évoque le retrait inquiétant mais splendide dans Bruxelles au printemps 2020, entre déambulation intérieure et avènement d’une floraison luxuriante. » Si le recueil est donc pleinement contextualisé, il acquiert pourtant, comme toujours chez Christine Guinard, une dimension intemporelle. Continuer la lecture
Une rue à soi
Lydia FLEM, Paris Fantasme, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2021, 544 p., 24 €/ ePub : 16.99 €, ISBN : 9782021470031
La rue Férou est une petite rue parisienne, d’une dizaine d’immeubles à peine. Elle va de la Place Saint-Sulpice au Jardin du Luxembourg. Sise aux confins de Saint-Germain-des-Prés métamorphosé en marché du luxe, elle échappe à la marchandisation et au tourisme international, bien que les roulettes des valises des voyageurs Airbnb y résonnent parfois. Travaillée par des questions existentielles (« Qu’est-ce qui donne le sentiment d’être chez soi quelque part ? D’habiter tout à la fois son corps, sa maison et le monde ? »), Lydia Flem, auteure de l’inoubliable Comment j’ai vidé la maison de mes parents, dans son dernier livre, Paris Fantasme, consacre à cette venelle une réflexive et inventive promenade historico-littéraire. Continuer la lecture
Marguerite : un moment suspendu dans le Paris des années 30
Joe PINELLI, Marguerite, Martin de Halleux, 2020, 22 €, ISBN : 9782490393206
Avec Marguerite, Joe Pinelli signe le second titre de la collection « 25 images » des Éditions Martin de Halleux. Le livre est une invitation à la promenade menée par deux personnages à la complicité amoureuse naissante dans un Paris en pleine ébullition. Composé de 25 images en noir et blanc, une par page, et sans textes, « tel qu’il a été défini en 1918 par Frans Masereel pour son livre 25 images de la passion d’un homme », l’album montre la relation tout intime d’une fleuriste et d’un peintre qui se croisent le 12 février 1934 lors d’une journée de contestation politique massive en faveur de la démocratie. Continuer la lecture
La vie (près de) chez soi
William CLIFF, Le temps suivi de Notre-Dame, Table ronde, 2020, 128 p., 15 €, ISBN : 979-10-371-0650-6
Il est une des modalités de la lecture qu’Umberco Eco regrettait mais estimait inévitable : le titre d’un livre s’avère presque toujours déjà une clef interprétative. Ainsi se prépare-t-on, peut-être, à lire LE TEMPS suivi de NOTRE-DAME comme une réflexion philosophique versifiée (au regard de l’indication générique : Poésie) prolongé d’un hommage à la cathédrale parisienne dont la flèche et une partie du toit ont été détruits il y a un an. Une fois le livre ouvert et six pages tournées, en découvrant que le titre dédié à la première et principale partie du recueil a perdu ses capitales (même à l’initiale) pour devenir le temps, on recadre. Continuer la lecture
Swinging Belleville rendez-vous
Ivan ALECHINE et Pierre ALECHINSKY, Belleville sur un nuage, Yellow Now, coll. « Les carnets », 2019, 114 p., 14 €, ISBN : 9782873404451
En photo de couverture, une Pontiac Parisienne quatre portes défraîchie, modèle fin des années 50, exhibe sa carrosserie de paquebot, salement amochée aux ailes avant-arrière. Un immeuble tout aussi décati, les fenêtres murées de béton, se maintient comme il peut en arrière-plan. On ne voit pas le mot « Hôtel », mais la suite du lettrage donne son nom : « de l’Avenir ». Visiblement, ça ne lui a pas trop réussi. Mais il n’y a pas que ce bâtiment ni la lourde Américaine qui en ont pris un coup. Au milieu des années 60, tout le haut quartier de Belleville, dans le 20e arrondissement de Paris, se trouve entre deux eaux : une longue rénovation urbaine a commencé par la démolition d’ilots abandonnés ou insalubres, mais une grande partie du quartier est toujours constituée d’habitations aux loyers guère coûteux, de cabanons branlants, de petites rues, d’impasses, de cours et courettes, de jardinets imbriqués les uns dans les autres. « Paris était encore provincial, chaleureux et doux », écrit Ivan Alechine qui y a passé son enfance. « Les petits commerces, l’artisanat populaire nous nourrissaient, une certaine idée de l’entraide entre gens d’une même rue subsistait. Il y avait des ponts entre le passé et le présent. Nous avions les pieds dans le XIXe siècle, le nez au vent du XXe. » Continuer la lecture
Un cœlacanthe devenu Orphée
Amélie NOTHOMB, Les prénoms épicènes, Albin Michel, 2018, 154 p., 17.50 € / ePub : 11.99 €, ISBN : 978-2-226-43734-1
Prétextat, Astrolabe, Textor, Déodat… : Amélie Nothomb soigne toujours les prénoms de ses personnages. Et les choisit en général rares et signifiants. On ne s’étonnera donc qu’à moitié que son nouveau roman s’intitule Les prénoms épicènes. Pour celles et ceux qui sont fâché-e-s avec les notions de grammaire, « épicène » signifie « qui a la même forme au masculin et au féminin ». Claude et Dominique, par exemple, sont des prénoms épicènes. Continuer la lecture
L’amour au temps des attentats
Marc MEGANCK, Après nous les nuages, 180°, 2017, 124 p., 14 €, ISBN : 9782930427829
« J’ai eu peur. Pas pour moi. Simplement peur de ne pas te revoir, de ne plus jamais humer ta part intime, ton île secrète – mourir en insulaire est un projet qui me correspond. » De sa petite capitale désenchantée – entendez Bruxelles –, le narrateur s’adresse à sa belle qui vit dans la ville de toutes les lumières – Paris bien sûr. La jonction est douloureuse entre les deux grandes villes : les attentats qui les ont marquées fin 2015 et début 2016, battant le tambour en marge de leur passion. Continuer la lecture
Paris-Simenon : tout un roman
Jean-Baptiste BARONIAN, Le Paris de Simenon, Paris, Ed. Alexandrines, collection « Le Paris des écrivains », 2016, 102 p., 8,90 € ISBN : 978-2-37108-904-4
Qui, mieux que Jean-Baptiste Baronian, pouvait écrire Le Paris de Simenon ? Président de l’association internationale « Les Amis de Georges Simenon », il sait aussi ce qu’écrire veut dire, comme auteur de plusieurs ouvrages et articles sur ce monstre sacré, comme biographe intéressé par Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, mais aussi comme romancier dont l’œuvre n’est pas sans rappeler par certains aspects celle de Simenon, notamment à travers le souci de construire une intrigue narrative soutenue. Continuer la lecture
Paris en toutes lettres : des Belges au programme
Le Festival Paris en toutes lettres se tient du 10 au 21 novembre . Il est fondé sur les hybridations entre les genres littéraires et les formes artistiques ainsi que sur les résonances entre la géographie parisienne et sa vie littéraire. Il se déploie dans une vingtaine de lieux. À travers ce foisonnement de propositions, c’est à un Paris résolument vivant et traversé de littérature que le festival donne voix. Plusieurs Belges apparaissent dans une programmation foisonnante. Continuer la lecture
Tenret la nuit
Yves TENRET, Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles, Paris, la Différence, coll. « Noire », 190 p., 16 €
Parce qu’il aura fallu attendre ses 56 ans pour que son nom apparaisse sur la couverture d’un roman, les mauvaises langues qualifieront le Bruxellois Yves Tenret de « tard venu » à la littérature. Disons plutôt que l’homme est arrivé à point, ainsi qu’une viande rouge qui, après cuisson longue, perlerait d’un savoureux exsudat. Continuer la lecture