Archives par étiquette : Ginette Michaux

Dans les pas d’André Sempoux

André SEMPOUX, Dévoration et Torquato, Lectures par Ginette Michaux, Sablon, 2020, 206 p., 13 €, ISBN : 978-2-931112-04-5

Double réédition bienvenue de deux textes du poète et romancier André Sempoux qui nous a quittés voici un an et demi : Dévoration et Torquato… Si les deux romans procèdent d’une époque et d’une inspiration bien différentes, un élément commun pourrait les relier : l’empreinte majuscule et possiblement castratrice du père sur la destinée du fils. Dans Dévoration, au cours d’un voyage et au fil de deux lettres adressées à son amant, un homme, tout en évoquant leurs souvenirs, lui révèle enfin ce que fut le poids sur sa vie, comme sur leur vie commune, d’un secret toujours bien gardé en lui. Celui d’un père collaborateur des nazis durant la Seconde Guerre et promis à un poste ministériel dont la Libération devait forcément l’éloigner sans ruiner ses convictions délétères. Réfugié en Normandie avec Ingrid, sa jeune maîtresse, il vit des retraits opérés sur un capital placé en Suisse. Retraits assurés chaque année par son fils, empoisonné par cette mission clandestine qui le « dévore » à l’égal du secret honteux dont elle est indissociable. Tout comme de la soumission imposée par la fatalité à l’emprise létale d’un père dont le sang bat dans ses propres veines et qui, pour l’heure, est tout proche de la mort. Continuer la lecture

Une voix qu’on entend de loin et si près

Laurent DEMOULIN et Pierre PIRET (dir.), Nicole Malinconi, Textyles n°55, Samsa, 2019, 217 p., 15 €, ISBN : 978-2-87593-232-7

C’est la voix de Nicole Malinconi, traversée de toutes les voix du monde.

Il fallait bien tout un volume de la revue Textyles, dirigé par Laurent Demoulin et Pierre Piret, pour considérer l’ampleur et la diversité d’une œuvre singulière et plurielle comme la sienne. C’est dire que tous les articles portent un éclairage nouveau et un regard différent quel que soit l’aspect envisagé. Ils recouvrent la presque totalité des textes publiés jusqu’alors. D’Hôpital silence à l’Abécédaire des mots détournés, ils relatent l’expérience intime comme dans Nous deux ou détachent un pan de l’histoire sociale comme dans De fer et de verre. Continuer la lecture

Une monographie exemplaire

Ginette MICHAUX, André Sempoux. L’écrit bref : comme givre au soleil, Avin, Luce Wilquin, coll. « L’œuvre en lumière », 2015, 158 p.

510blogAndré Sempoux est un écrivain doublement discret : il investit peu d’énergie dans son image publique et son écriture très concise convient mal aux lecteurs pressés. Poète, nouvelliste et romancier – mais aussi spécialiste renommé de la littérature italienne –, il a pourtant produit en quelques décennies une œuvre sensible, exigeante, profondément originale, saluée par de nombreux critiques et plusieurs prix littéraires. Âgé de 80 ans, il reçoit aujourd’hui un hommage insigne : la monographie que vient de lui consacrer Ginette Michaux, naguère professeure de littérature à l’U.C.L., directrice de la Chaire de Poétique, auteure de nombreuses publications scientifiques dont la postface de Moi aussi je suis peintre, réédité avec d’autres nouvelles dans la collection « Espace Nord » en 1999. Au vu de telles compétences, on aurait pu craindre un ouvrage rébarbatif ou jargonnant. Il n’en est rien. Sans jamais sacrifier au simplisme ou à la facilité, G. Michaux réussit à mettre en lumière les rouages textuels les plus fins, sinon les plus imperceptibles. Quoique psychanalyste, elle ne succombe pas, d’autre part, à la tentation d’expliquer l’œuvre par la vie de l’écrivain, fût-elle inconsciente ; simplement, elle montre en prélude que l’acte d’écrire a pris son départ dans « le sentiment de la faute d’exister », dont il constitue une tentative de résolution. Continuer la lecture