Archives par étiquette : collaboration

De la littérature comme miroir

Un coup de cœur du Carnet

Daniel CHARNEUX, Claude DURAY, Léon FOURMANOIT, Pierre Hubermont (1903-1989) : écrivain prolétarien, de l’ascension à la chute, M.E.O., 2021, 232 p., 18 € / ePub : 11.99 €, ISBN : 978-2-8070-0280-7

charneux et alii pierre hubermontLa littérature prolétarienne belge a peut-être été moins scrutée que celle des écrivains régionalistes. La question de la collaboration culturelle durant la Seconde guerre mondiale n’a que rarement fait l’objet d’une vulgarisation ; des études, des mémoires, des ouvrages universitaires lui ont été consacrée : les auteurs du présent volume en mentionnent quelques-uns. L’épuration des écrivains ayant collaboré avec l’occupant n’a pas donné lieu à un débat public retentissant et à des condamnations fracassantes comme ce fut le cas en France. Un certain nombre d’écrivains aujourd’hui connus passèrent entre les mailles d’un filet institutionnel et judiciaire somme toute assez complaisant. Certains s’exilèrent. D’autres furent condamnés à mort ou à des peines de prison. Continuer la lecture

Dans les pas d’André Sempoux

André SEMPOUX, Dévoration et Torquato, Lectures par Ginette Michaux, Sablon, 2020, 206 p., 13 €, ISBN : 978-2-931112-04-5

Double réédition bienvenue de deux textes du poète et romancier André Sempoux qui nous a quittés voici un an et demi : Dévoration et Torquato… Si les deux romans procèdent d’une époque et d’une inspiration bien différentes, un élément commun pourrait les relier : l’empreinte majuscule et possiblement castratrice du père sur la destinée du fils. Dans Dévoration, au cours d’un voyage et au fil de deux lettres adressées à son amant, un homme, tout en évoquant leurs souvenirs, lui révèle enfin ce que fut le poids sur sa vie, comme sur leur vie commune, d’un secret toujours bien gardé en lui. Celui d’un père collaborateur des nazis durant la Seconde Guerre et promis à un poste ministériel dont la Libération devait forcément l’éloigner sans ruiner ses convictions délétères. Réfugié en Normandie avec Ingrid, sa jeune maîtresse, il vit des retraits opérés sur un capital placé en Suisse. Retraits assurés chaque année par son fils, empoisonné par cette mission clandestine qui le « dévore » à l’égal du secret honteux dont elle est indissociable. Tout comme de la soumission imposée par la fatalité à l’emprise létale d’un père dont le sang bat dans ses propres veines et qui, pour l’heure, est tout proche de la mort. Continuer la lecture

Lettres d’un siècle

Lucie TESNIÈRE, Madame, vous allez m’émouvoir : une famille française à travers deux guerres mondiales, Flammarion, 2018, 320 p.,19.90 €/ ePub : 13.99 €, ISBN : 978-2-08-143759-3

Lucie Tesnière, Madame vous allez m'émouvoirRien d’étonnant à ce que l’on trouve mention sur le site officiel français « Mission centenaire » du récit que Lucie Tesnière consacre à la vie de sa famille à partir des lettres de Paul Cabouat, son arrière-grand-père. Ce fut le point de départ de cette quête qui a poussé une femme d’aujourd’hui à « tout arrêter » à l’âge de trente-trois ans – à Bruxelles, elle s’occupait alors de faciliter le développement des énergies durables au niveau européen – pour se lancer dans des recherches à travers le siècle et à travers la France. Continuer la lecture

Un amour interdit

François EMMANUEL, La Passion Savinsen, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2016, 189 p., 8,5 €

Si la passion n’est pas héréditaire et semble due à quelque fatum, elle peut se transmettre de génération en génération. Chez les Savinsen, le modèle passionnel va de la nostalgie hallucinée du grand-père Tobias à sa petite-fille Jeanne en passant par la mère qui vivra un amour interdit et en mourra. L’histoire présente se déroule pendant la deuxième guerre mondiale. Jeanne, l’héroïne, restée seule responsable du château familial depuis la mort de sa mère et la déportation de son père, doit affronter la réquisition du domaine par les Allemands. Cette intrusion subite entraîne un désordre matériel mais surtout un bouleversement des sentiments et déclenche un afflux de souvenirs chez la jeune fille : l’officier occupe la bibliothèque où son père entomologiste classait ses collections ; l’installation des soldats dans une aile du bâtiment fait qu’elle rouvre la chambre de sa mère pleine encore de sa présence. Et surtout, se développe progressivement entre Jeanne et l’officier Matthäus Hiele une passion dont ils paieront le prix « réel et symbolique » : il sera envoyé sur le front de l’Est et elle sera tondue à la libération. Continuer la lecture