Bernard QUIRINY, Nouvelles nocturnes, Rivages, 2025, 224 p., 19,50 €, ISBN : 978-2-7436-6618-7
Dans les histoires parfois fort brèves qui constituent ces Nouvelles nocturnes, Bernard Quiriny prend appui sur notre quotidien le plus banal. Au départ, pas de situations étranges, une banalité assumée. Mais par un détail presque insignifiant, il impose un changement apparemment toujours ténu. Proposant alors un développement qui a toutes les apparences de la logique, l’auteur amène cependant à une situation où l’absurde règne en maitre. Les évidences vacillent et l’on entre dans une situation invraisemblable, qui a pourtant toujours l’air si cohérente. Une situation à laquelle les personnages s’adaptent et dont ils tirent parfois profit. Comme dans « Dénigrement », où un voyageur découvre une ville dont le rapport au monde est fait d’autodénigrement. Les plus belles réussites y sont les plus dévalorisées. Le voyageur comprend vite que s’il veut être accepté il doit adhérer à cet état d’esprit ; il est alors grandement apprécié. Et au plus il est critique, au plus il a des chances de se voir offrir une boisson qui sera excellente puisque tant dénigrée. Continuer la lecture
Après
Quand on ouvre un livre de Quiriny, on entre, à la suite de ses personnages, dans un monde à part. Parfois, ce monde clos est joyeusement cauchemardesque ; parfois c’est un délice hors du temps.
Voici un demi-siècle, le Traité du savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Folio éd.) de Raoul Vaneigem en même temps que La société du spectacle (Folio éd.) de Guy Debord marquaient l’irruption fracassante du situationnisme dans la pensée contemporaine. À la fois radicales (anticapitalistes et anticommunistes), prémonitoires (de Mai 68), banalisées (et impuissantes : la dénonciation de la « société du spectacle » est devenue un poncif de toute déclaration « culturelle », mais qu’un Jacques Rancière permet de dépasser), critiquées (même par un Claude Lefort : « parade », « passion du mot d’ordre », « logique de l’affect » égale à celle « du concept ») et pourtant intactes, ces publications peuvent-elles devenir un événement pour une pensée (in)actuelle ? 
« Je rêve d’une subversion généralisée, d’une révolution universelle contre le béton. » Cette affirmation de Braque, un des protagonistes du roman, « sensible à la laideur du monde, et à la beauté des destructions », résume le propos de Bernard Quiriny : le béton, compris comme l’archétype des moyens de constructions modernes, défigure le paysage urbain à tel point qu’on peut, plus ou moins raisonnablement, lui prêter des intentions malveillantes. Le roman est une dénonciation de l’architecture et de l’urbanisme contemporains ainsi qu’une réflexion sur le rapport des humains à leur habitat. 