Un coup de cœur du Carnet
Sarah GRÉSELLE, Le sourire d’Yvon Quokka, Versant Sud, 2023, 32 p., 15,50 €, ISBN : 9782930938738
Il faut manger équilibré (cinq fruits et légumes par jour), faire du sport (au moins marcher ses dix mille pas quotidiens), mener une vie saine (sans excès), prendre soin de soi (physiquement et émotionnellement), être heureux (et toujours voir le bon côté des choses), voyager (c’est formateur), être performant (« toujours plus loin, plus fort, plus vite »), développer sa créativité (et son imagination, et son intuition, et…), sortir de sa zone de confort (et dépasser ses limites), innover (mais respecter les règles), être poli (et dire bonjour à la dame), etc. Et il faut sourire, aussi, d’après ce qu’on répète aux personnes qui n’activent pas leurs zygomatiques : « Allez, fais pas cette tête-là, souris un peu ! » Continuer la lecture



Délicat, drôle et sincère en diable au corps, voici un carnet intime aéré, illustré avec tact de nombreux dessins aux crayons et collages. Véritable écrin de traits légers pour de petits objets littéraires très personnels, ouvrir ce livre revient à regarder par le trou de la serrure ou bien l’œilleton caché donnant sur la chambre d’une jeune fille en fleur. Elle y est seule au monde et s’expose au voyeurisme des lecteurs avec finesse et sans minauderies.
Selon certaines croyances et traditions, tout humain est lié à un animal-totem (parfois même à plusieurs) dont il peut percevoir des signes dans la réalité visible, mais qu’il ne peut rencontrer que dans le monde invisible, celui des rêves, des voyages chamaniques et autres méditations de l’inconscient. L’artiste Sara Gréselle a peut-être trouvé le sien au détour d’un songe prémonitoire, flottant autour d’elle après son réveil et évoqué à son comparse Ludovic Flamant : elle illustrait un album intitulé Bastien, ours de la nuit. Ce titre, oniriquement puissant, n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd et son écho persistant a mené à une merveilleuse réalisation graphico-textuelle éponyme. 
Il était une fois la Bryone, une plante toxique et magique aussi appelée navet du diable. Est-ce celle-ci qui donne son nom à cette jeune princesse et à la légende qui lui est attachée ? Une légende que revisite pour nous Ludovic Flamant sous la forme sombre du conte. Et comme dans tous les contes, il y a la princesse, le roi autoritaire et surtout la forêt obscure et tentatrice. Il y a aussi l’ombre de la folie qui plane sur les protagonistes. Une démence, une obsession attisées par le secret sylvestre que Bryone cherche à percer. C’est que Bryone se sent à l’étroit dans ce château, dans ce village où les cloches de l’église, lancinantes, résonnent en elle comme un chœur :