Aurélien DONY (texte) et Nina NEURAY (illustrations), Cric ! Crac ! Les taupes passent à l’attaque !, CotCotCot, 2025, 40 p., 16,20 €, ISBN : 978-2-930941-78-3
« Toujours, il fait tout noir. Toujours, on n’entend rien. C’est comme ça, vous savez, sous nos pas, sous nos pieds. C’est comme ça en vérité, sous nos pas, sous nos pieds : du noir partout dedans, silence partout autour. » L’incipit de l’album se détache par son blanc lumineux sur une double page noire. Mais finalement pas si noire que cela, des ombres s’y distinguant, comme quand après quelques secondes dans l’obscurité on perçoit différentes textures obscures. Et n’entendrait-on pas aussi des bruits dans ce calme prétendument opaque ? En effet, « ça gratte, ça griffe, ça chante, ça siffle, ça creuse, ça fouille, ça trépigne et ça grouille ». Des créatures qui s’affairent sous terre… Serait-ce des lombrics, des gerbilles, des limaces ? Non, des taupes creusant des terriers avec un zèle méticuleux. L’une d’entre elles s’avère « espiègle et téméraire, amuse la galerie, travaille avec vigueur [et] aux unes, aux autres, sans cesse ouvre son cœur… ». D’emblée, par cette courte description, Mira attire notre sympathie, immédiatement renforcée par l’introduction de couleurs chaudes dans les illustrations. Elle et ses congénères fouisseurs aux pelages uniques (tabac, gris, souris, cognac, bleus et autres) s’agitent tels des nageurs souterrains, et se meuvent joyeusement au cœur d’un sol meuble, racinaire et rhizomique. « Cric ! Crac ! On met la terre en vrac ! » Continuer la lecture








Publié dans le cadre de la Fureur de Lire en 2021, Abel & Nour connaît une seconde vie, amplifiée et sublimée, au sein du catalogue de Versant Sud Jeunesse. C’est une joie de redécouvrir cet album, trois ans plus tard, avec des planches supplémentaires et un réagencement textuel, et surtout sans perte de la densité et du rythme de la version initiale. Comme si l’histoire rencontrait son format mérité, sa forme attendue. Et ce n’est que bonheur car Mathilde Brosset a façonné de ses doigts un livre très réussi.
On le connaît tous, il existe dans nos imaginaires. Il habite loin, très loin, sur un autre continent, ce qui l’auréole de mystère. On ne le voit jamais, parfois pas même une fois dans sa vie. Il doit être libre d’entraves, sans enfant, et il mène une vie aisée. Peut-être qu’il ne nage pas dans ses pièces d’or comme Picsou, mais il possède certainement beaucoup de biens. Son existence est remplie de voyages, de fêtes, d’aventures, de conquêtes. Il est fantasque et original de tempérament, généreux et libre de caractère, détonnant et charmant de personnalité. On rêve de le croiser, un jour, et parfois on s’imagine une adoption transatlantique. Eh bien, Carl Norac, lui, a eu la souriante chance de le rencontrer, son oncle d’Amérique ! Et cet événement a planté en lui une graine de création, qui déploie feuillage et fleur dans L’Oncle Panda.
« Toupie se dit boulboul en syrien, ce qui signifie “rossignol” en arabe littéraire et “zizi” en égyptien ! Toupie se dit nahla en égyptien, ce qui signifie “abeille” en arabe littéraire ainsi que dans la plupart des langues arabes parlées. Toupie se dit trombia en marocain, qui vient probablement de l’espagnol, nous rappelle la tromba – la “trompette” en italien – et tout ce qui arrive “en trombe” dans les langues latines ! Toupie se dit khodhrouf en arabe littéraire, un mot relié à d’autres mots qui évoquent le bois, les jeux d’enfants et le mouvement. Bref ! La traduction du mot toupie en arabe nous donne le tournis ! Golan Haji a choisi le mot boulboul pour le rythme du mot, pour son lien avec la nature, pour l’évocation du chant d’oiseau. » Un mot, un seul, et tant de questions et de positionnements chez le traducteur qui a la tâche-vertige de traduire la poésie d’une autre, d’en garder la saveur et la cadence, d’en pénétrer les sens et explorer les sous-entendus, et de les rendre uniques dans leur pluralité. Un mot, un seul, et nous voilà conquise par l’entreprise, admirative devant le travail, baba face au talent.
Est-ce un livre ? Est-ce jeu ? Est-ce un concentré de poésie ? Oui, oui, et oui ! Miettes, moineau, ribouldingue, la dernière publication d’aNNe herbauts aux éditions Esperluète, est tout ça à la fois, mais est avant tout le prolongement d’une exposition-jeu conçue par l’autrice-illustratrice et son éditrice, Anne Leloup, à l’initiative du Service général des Lettres et du Livre de la Fédération Wallonie-Bruxelles
En mots et en dessins, Mathieu Pierloot et Giulia Vetri ont convoqué la douceur et la magie pour créer un héros des plus attachants : Seymour. Depuis qu’il est louveteau, ce dernier évolue en marge de la meute. Rêveur, paisible, contemplatif, il observe, sous l’œil critique de ses parents, les beautés du monde enneigé qui l’entoure là où ses frères de poils apprennent à se battre : « Pauvre Seymour, se moquent-ils, tu es trop fragile, tu aurais dû naître écureuil ou papillon. » Leurs paroles trouvent écho en lui alors, un matin, sans se retourner, il quitte la grotte familiale et parcourt plaines et forêts à la recherche de son lieu. Son audace se voit récompensée quand, au sommet d’une falaise aux couleurs enrobantes, surplombant une plage tranquille, il aperçoit « une petite chaumière, battue par les vents ». La maison, à l’intérieur douillet, « est un endroit étrange, peuplé de livres, de pièces silencieuses et d’objets bavards ».
Hideki Oki s’exprime en lignes : au feutre, colorées, verticales et horizontales. Ses dessins, essentiellement des portraits, transpirent ses mouvements. Ses œuvres inversent les positions : elles nous regardent, fixement, sans ciller, à travers les yeux des animaux représentés. Ils nous sondent, nous questionnent, nous tiennent en respect. Dans Le sourire du singe, ce sont des chimpanzés, des mandrills, des nasiques, des macaques, des capucins, des bonobos, des gibbons, des gorilles, des orangs-outangs et autres primates qui occupent de pleines pages.
Charlotte Bellière et Ian de Haes ont l’habitude de créer ensemble et de nous inviter dans des univers d’enfant pour des voyages entre onirisme et réalisme. On se souvient notamment du très sensible Cette nuit on part en vacances, déjà chez Alice éditions, qui nous avait replongé dans des souvenirs d’enfance.