Archives par étiquette : génocide

Le mal comme absence d’empathie

François DE SMET, Hannah Arendt ou le mal comme absence de pensée, Midis de la Poésie, 2021, 42 p., 8 €, ISBN : 978-2-931054-04-8

de smet hannah arendtIl est courant d’entendre que depuis Platon, la philosophie occidentale n’ajoute que des notes de bas de page à ses dialogues socratiques. Du moins jusqu’à la Shoah. Alors, la pensée est devenue plus que vertigineuse : il ne s’agit plus de prendre conscience de la mort à un degré humain et/ou divin, mais d’appréhender la fin de l’humanité à un niveau commun, proche ou lointain. Soit dans son ensemble à tout moment atomique, climatique, soit dans son esprit-même : que reste-t-il d’âme, d’espérance, de poésie, bref d’humain dans le cœur de l’humanité depuis la Shoah ? Continuer la lecture

Tenaces amitiés d’enfance au pays des mille collines

Monique BERNIER, Les hibiscus sont toujours en fleurs, MEO, 2020, 192 p., 17 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 978-2-8070-0236-4

Le génocide rwandais restera un fait majeur de la fin du 20e siècle. L’ampleur du nombre de victimes en regard de la population, la rapidité méthodique des massacres et l’absence d’intervention de la communauté internationale ont donné à ce drame une dimension tragique qui ne cesse d’interpeller. De nombreux écrivains ont puisé leur inspiration dans ces faits, qu’ils les aient vécus ou non en tant que Rwandais. Si le sujet est loin d’avoir été épuisé, plus le temps passe, plus il impose d’apporter une contribution originale, d’autant que Monique Bernier a déjà abordé cette thématique dans La honte (Les Éperonniers, 1999), Le silence des collines (Les Éperonniers, 2001), ou encore La magie du frangipanier, roman paru en 2016 aux éditions Academia.


Lire aussi : le génocide des Tutsi au Rwanda dans la littérature belge 


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La poésie est-elle possible après le génocide ?

Nicolas GRÉGOIRE, Travail de dire, Rougerie, 2019, 62 p., 12 €, ISBN : 978-2-85668-406-1

« Écrire un poème après Auschwitz est barbare, et de ce fait affecte même la connaissance qui explique pourquoi il est devenu impossible d’écrire aujourd’hui des poèmes » (Theodor Adorno, Prismes). Bientôt célèbre, cette affirmation de 1955 donna lieu à de virulentes discussions où s’illustra notamment un Paul Celan. L’effroi suscité par la découverte de la barbarie nazie rendait en effet inacceptable la réactivation de l’activité culturelle et artistique antérieure, laquelle n’avait pu empêcher quoi que ce soit. Ainsi, écrit encore Adorno, « les artistes authentiques du présent sont ceux dont les œuvres font écho à l’horreur extrême » (Modèles critiques). Or, voici que le génocide rwandais de 1994 a eu pour effet d’engendrer avec acuité – le public étant informé quasi en direct – des réactions analogues : sidération muette, choc émotif, recours à des formules stéréotypées (« sauvagerie », « folie meutrière », « cruauté », etc.), honte envers les rescapés, sentiment de culpabilité. Vint ensuite le vouloir-comprendre, qui se nourrit de témoignages, de reportages, de travaux historiens, d’enquêtes judiciaires : sursaut rationaliste honorable qui n’en étouffe pas moins les émotions initiales, porteuses d’une certaine vérité autant que d’une évidente impuissance. Mais, devant des dévoiements aussi terrifiants, existe-t-il une « bonne » attitude ? Continuer la lecture

Il y a 25 ans au Rwanda…

Martin BUYSSE, Muzungu, Zellige, 2019, 333 p., 22 €, ISBN : 978-2-914773-89-8

En avril 1994, le Rwanda basculait dans l’horreur et l’Occident restait prisonnier de ses intérêts pour ne pas réagir, ou réagir bien trop tard.

Comment comprendre l’enchaînement des événements qui ont mené au génocide ? Martin Buysse propose des éléments de réponse par le biais d’une fiction, fondée sur une documentation rigoureuse.

Le roman Muzungu est centré sur le personnage de François et pose la question de savoir pourquoi on s’engage, pour quelle cause et pour quel camp. Continuer la lecture

Le pays qu’on ne retrouve jamais

Joseph NDWANIYE, La promesse faite à ma sœur, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2019, 240 p., 8.5 € / ePub : 6.99 €, ISBN : 978-2-87568-412-7
Un carnet pédagogique téléchargeable gratuitement accompagne le livre

Voici que la collection Espace Nord réédite le roman de Joseph Ndwaniye, La promesse faite à ma sœur, qui était paru en 2007. L’auteur né au Rwanda et vivant en Belgique depuis plus de 30 ans y aborde de façon intimiste le génocide qui a touché le pays en 1994. Fondé tout à la fois sur des souvenirs personnels (ceux du village quitté en 1986) et sur une fiction (le retour au pays de Jean, lui aussi établi en Belgique), le récit débute par celui d’une enfance dans une famille unie, profondément ancrée dans les traditions paysannes. Écrit à la première personne, et sans doute très proche de ce qu’a vécu l’auteur lui-même, il est centré sur la vie familiale et villageoise dont les liens bienveillants sécurisent la vie des enfants. Ici, le temps s’écoule avec douceur dans une vie simple qui a le goût du bonheur. Dans le Rwanda des années 1960, l’accès à la scolarité permet aux enfants de grandir en paix et aux plus chanceux d’entre eux d’espérer faire des études supérieures, pourquoi pas à l’étranger, comme ce sera le cas de Jean qui étudiera en Belgique et s’y installera.

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Vivre le génocide des Tutsi… et revivre

Félicité LYAMUKURU et Nathalie CAPRIOLI, L’ouragan a frappé Nyundo, Cerisier, coll. « Quotidiennes », 2018, 296 p., 14,50 €, ISBN : 9782872672097

lyamukuru_l ouragan a frappe nyundo.jpgFélicité Lyamukuru était adolescente lorsque, le 7 avril 1994, se déclencha le carnage. « Le génocide m’a trouvée en troisième secondaire. J’avais seize ans, j’étais vieille. »

Presque toute sa famille fut anéantie dans le cataclysme qui ensevelit au Rwanda un million de Tutsis.

Elle voulut d’abord oublier ces mois d’épouvante, d’arrachements, d’insoutenable douleur, terminer ses études, vivre « normalement ». « J’ai mis du temps à entrer dans la grotte de mes souvenirs », écrit-elle aux premières pages de son récit poignant L’ouragan a frappé Nyundo. Continuer la lecture

Art de vivre en période mortifère

Marc DUGARDIN, Table simple, Rougerie, 2015, 76 p., 13 €

dugardin_tholoméDisons-le d’emblée : Marc Dugardin n’écrit pas. Marc Dugardin vit. Marc Dugardin rencontre, partage, s’interroge, s’angoisse, rêve, s’offusque, regarde, ose un mot ou deux, se fait des amis, admire, écoute, goûte, apprécie, se désespère, fait découvrir, s’adoucit. Continuer la lecture