Archives par étiquette : architecture

Espace urbain et innovations technologiques

Tyler REIGELUTH, L’intelligence des villes. Critique d’une transparence sans fin, Météores, 2023, 144 p., 16 €, ISBN : 2960288726

reigeluth l'intelligence des villesDocteur en philosophie, maître de conférences à l’Université catholique de Lille, Tyler Reigeluth questionne les projets de « villes intelligentes », de « smart cities » qu’on nous impose de manière écrasante à travers le monde depuis les années 2000. Publié aux Éditions Météores dont on soulignera la force de la ligne éditoriale, L’intelligence des villes. Critique d’une transparence sans fin sonde les enjeux explicites et cachés, les fantasmes, la vision de l’urbanisation et du vivre ensemble que mobilise le « solutionnisme technologique » (Evgeny Morozov), la gestion technologique de l’espace urbain. Que recouvre le mot d’ordre actuel d’une intelligence artificielle censée  « sauver » les villes des impasses écologiques, sociales qu’elles génèrent ?   Continuer la lecture

La maison de Maurice Carême classée

maison maurice careme

La Maison de Maurice Carême – © Fondation Maurice Carême

Le gouvernement bruxellois vient de classer la maison de Maurice Carême à Anderlecht ainsi que son jardin comme monument. Elle abrite un musée dédié au poète. Continuer la lecture

Un architecte oublié 

Françoise LEVIE, L’architecte fantôme. À la recherche d’Octave Van Rysselberghe, Impressions nouvelles, 2023, 328 p., 29,50 € / ePub : 15,99 €, ISBN : 9782390700821

levie l'architecte fantomeRéalisatrice de documentaires, biographe, Françoise Levie construit une œuvre à la croisée de l’enquête et de l’imaginaire, de la veine biographique et du récit qui donne voix à des figures captives de l’ombre. Non pas des inconnus, des météores que la capricieuse déesse Postérité a condamnés à l’oubli, mais des créateurs qui, ayant parfois œuvré à l’effacement de leur nom, végètent dans une région de clair-obscur. Après ses livres sur Étienne-Gaspard Robertson (Étienne-Gaspard Robertson, la vie d’un fantasmagore), sur l’utopiste Paul Otlet (L’homme qui voulait classer le mondePaul Otlet et le Mundaneum), ses films sur la peintre Anna Boch (Anna et Vincent), sur le nationaliste congolais Panda Farnana, la peintre Évelyne Axell, le peintre Alfred Stevens, Françoise Levie nous livre une monographie inspirée d’un architecture-clé de l’Art nouveau, Octave Van Rysselberghe. Continuer la lecture

Désormais sans Paul

Nadine EGHELS, Avec Paul, Arléa, coll. « La rencontre », 2023, 185 p., 19 €, ISBN : 9782363083289

eghels avec paul

« Sept heures du matin donc. Le 10 octobre. Le jour se lève. Le réveil sonne. Le réveil sonne. Le réveil sonne. Et Paul ne l’éteint pas. Le réveil sonne. Je maugrée. Pourquoi ne l’éteint-il pas ? » Ce jour définitif d’automne de 2018, dans leur lit plus petit que la moyenne pour « sentir l’autre, dans la profondeur des limbes », Nadine Eghels ouvre les paupières sur un monde différent, celui où son amour n’est plus. Le sommeil l’a englouti. 17, Samu, hôpital, réparer les vivants et laisser partir les morts ; telle est la fin de sa vie avec Paul Andreu et le début de son récit Avec Paul. Continuer la lecture

Des lieux et des habitants

Pierre BLONDEL, Anderlecht-Molenbeek, L’un et l’autre suivi de Sur la route de Lennik, Préface de François Chaslin, Fourre-tout, coll. « Fonds de tiroirs », 2022, 150 p., 18 €, ISBN : 9782930525259

blondel anderlecht molenbeekArchitecte, ayant à son actif de nombreux logements sociaux à Bruxelles, enseignant à l’École d’Architecture de La Cambre, Pierre Blondel agence deux nouvelles qui, réunies sous le titre Anderlecht-Molenbeek, interrogent son métier, les intrications sociales qui nouent architecture, urbanisme, politique, économie, gestion de l’espace et poésie urbaine. Articulées autour de deux projets immobiliers réalisés par l’auteur et ses collaborateurs dans ces deux communes de Bruxelles (la maison communale à Molenbeek, le complexe de logements, de crèche, de restaurant social à Anderlecht), les nouvelles L’un et l’autre et Sur la route de Lennik interrogent l’imaginaire des lieux, l’évolution des paysages, des styles, des populations à travers le temps, l’arc-de-cercle qui relie l’architecture au passé, au présent et la donne visionnaire qui la projette dans l’avenir. Au travers de personnages que tout oppose — habitants des quartiers, acteurs des projets de construction, pouvoirs publics, spéculateurs immobiliers, comités de quartier…. —, Pierre Blondel retrace des trajectoires humaines et des trajectoires de pierres, des drames sociaux et les nouveaux visages que prend l’urbanisme. Des nouveaux visages architecturaux tantôt accueillis avec confiance, tantôt boudés par les habitants. Continuer la lecture

Splendeur et fragilité de la marge

Véronique BERGEN, Marolles. La cour des chats, CFC, coll. « La ville écrite », 2022, 178 p., 18 €, ISBN : 978-2-87572-054-2

bergen marollesAlbums pour la jeunesse, livres d’art ou d’histoire : le catalogue des éditions CFC regorge de volumes somptueux, richement illustrés. Sous sa mise plus modeste, l’élégante sobriété de Marolles. La cour des chats confirme le souci de la maison pour l’objet-livre. De sobriété, il n’est pourtant guère question dans le propos de Véronique Bergen. Les Marolles sont en effet pour elle surtout bigarrure, diversité de population…, bref : « bifurcations  » et « fantaisie ». 

Un tel objet échappe forcément à toute tentative de le circonvenir, et l’essayiste privilégie une approche par éclairages successifs. D’un chapitre à l’autre, elle évoque tour à tour le brusseleer, la zwanze, la toponymie, l’urbanisation, les artistes et habitants notables, l’hospitalité, la solidarité, les chats… Continuer la lecture

La fièvre révolutionnaire

Philippe BRANDES,En ce qui concerne Alexandre, Accro, 2022, 361 p., 22 €, ISBN : 9782931137048

brandes en ce qui concerne alexandreAlexandre Moreau est un jeune homme qui désire effectuer des études d’architecture à l’académie de l’Ouvroir. Malgré la désapprobation de son père, inquiet de la réputation libertaire de l’école, le héros se lance à cœur perdu dans son cursus, porté par des professeurs passionnants et les manifestations estudiantines de gauche qui ont ponctué les années 1970 à Bruxelles.

Alexandre est un passionné : il met en place des projets avant-gardistes et provocateurs afin de lutter contre l’urbanisation inquiétante de la capitale dictée par les intérêts politiques et financiers. Il entre dans la vie active en devenant assistant à l’académie et en s’installant avec sa copine Véronique, mais il prend rapidement conscience de son malaise dans une vie rangée : l’amour libre marquera désormais sa vie affective, au point que le compte de ses conquêtes devient difficile. Continuer la lecture

Schuiten et Peeters : lettre à Bruxelles, la survivante

Un coup de cœur du Carnet

François SCHUITEN, Benoît PEETERS, Bruxelles. Un rêve capital, Casterman, 2021, 128 p., 29 €, ISBN : 978-2-203-22977-8

schuiten peeters bruxelles un reve capitalQuand l’hommage à une ville jaillit de l’imaginaire, de la sensibilité d’un duo de créateurs ayant marqué le neuvième art de leur empreinte, l’enchantement est au rendez-vous. Dans le somptueux ouvrage Bruxelles. Un rêve capital, François Schuiten et Benoît Peeters opèrent un glissando de Brüsel des Cités obscures à la capitale Bruxelles approchée sous la forme d’une balade architecturale, historique et onirique. Au fil d’une promenade résolument subjective, les auteurs nous entraînent dans un récit construit sur des portraits de lieux (la Grand-Place, le Palais de Justice, la Porte de Hal, le Palais Stoclet, le Musée Wiertz, la Maison Autrique…), de personnages (les architectes Joseph Poelaert, Victor Horta, Henry Van de Velde, l’archiviste Paul Otlet et son Mundaneum…) et d’événements (ponctuels et irréversibles : le voûtement de la Senne, la Jonction Nord-Midi, choix de Bruxelles comme capitale de l’Europe…). Continuer la lecture

Urbicande. Le cube ne meurt jamais

Un coup de cœur du Carnet

François SCHUITEN, Benoît PEETERS, Jack DURIEUX, La fièvre d’Urbicande, Casterman, 2020, 106 p., 24 € / ePub : 15.99 €, ISBN : 9782203202924

schuiten peeters durieux la fievre d'urbicandeAprès une existence en noir et blanc, La fièvre d’Urbicande, le deuxième album des mythiques Cités obscures de François Schuiten et Benoît Peeters, couronné par le Prix du Meilleur album d’Angoulême en 1985, connaît une nouvelle vie. Une résurrection-recréation placée sous le signe de la couleur souverainement déployée par Jack Durieux. Après Les murailles de Samaris, un premier album en couleur qui révolutionna le langage de la bande dessinée, La fièvre d’Urbicande est sorti en noir et blanc alors qu’initialement il avait été conçu pour la couleur et qu’un tiers des planches de l’album ont été colorisées. Dès l’origine, la logique du mystérieux Réseau qui colonise Urbicande appelait la fièvre de la couleur. Continuer la lecture

La biographie de la Maison du Peuple

Un coup de cœur du Carnet

Nicole MALINCONI, De fer et de verre. La Maison du Peuple de Victor Horta, Impressions nouvelles, 2017, 177 p., 16 €/ ePub : 9.99€, ISBN : 978-2-87449-543-4

malinconi de fer et de verrePour les Bruxellois branchés du vingt-et-unième siècle, la Maison du Peuple est un bar ouvert sur le Parvis Saint Gilles ; pour les aînés, un édifice du quartier de La Chapelle qu’ils ont peut-être fréquenté, une Maison rouge ; pour les amateurs et les férus d’architecture, un bâtiment public, chef-d’œuvre de l’Art nouveau, né du talent Victor Horta à la demande du Parti Ouvrier Belge à la fin du dix-neuvième siècle et l’exemple type de la brutalité des spéculations immobilières, de la mémoire défaillante des hommes et de l’inconséquente bruxellisation. Pour beaucoup, elle n’est pas même un souvenir. Continuer la lecture

Lucien François, un architecte bruxellois au pays du Guépard

Coup de coeur du Carnet

Lettres de Sicile. Un architecte belge à Palerme, 1919-1921, enquête et récit d’Alice VERLAINE-CORBION, AAM Éditions, 2017, 228 p., 24 €, ISBN : 978-2871433248

verlaine corbion« Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change. » Cette phrase tirée du Guépard, le film que Luchino Visconti réalisa en 1963 d’après le roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, conviendrait bien en sous-titre à l’étonnante aventure vécue en Sicile par un jeune architecte bruxellois, Lucien François, au tournant des années 1920.

Certes, l’époque n’est plus celle des révolutionnaires de Garibaldi, mais l’île que découvrent Lucien François (1894-1983) et son épouse Lia Heylighen (1886-1970), connaît à nouveau des soubresauts, préludes à de grands changements. Le couple, qui séjourne à Palerme d’août 1919 à septembre 1921, n’est pas en Sicile à l’occasion d’un « Grand Tour » artistique de l’Italie, ce qui aurait pourtant beaucoup plu à l’artiste peintre qu’était Lia, et au dessinateur, architecte autodidacte, qu’est le jeune Lucien François. Il a 25 ans, elle est de huit ans son aînée. Il vient de signer un contrat avec la Société belge des Tramways de Palerme, comme architecte et chef des constructions immobilières, pour un projet d’une envergure colossale : développer un réseau de lignes de tramways entre Palerme et sa périphérie. Et en même temps, assurer la construction d’une cité balnéaire haut-de-gamme dans la baie de Mondello, à douze kilomètres de là : Grand Hôtel, kursaal, établissement de bains, terrain de golf, et des dizaines de villas individuelles… Continuer la lecture