Kate MILIE, L’assassin aime l’Art déco, 180°, 2025, 163 p., 18 € / ePub : 7,99 €, ISBN : 978-2-9407-2172-6
L’assassin aime l’Art déco, « troisième édition, revue et améliorée » d’un polar publié une première fois en 2012, jouit d’un bel écho médiatique en cette année anniversaire d’un mouvement né il y a cent ans.
L’autrice ? Kate Milie nous a déjà plus d’une fois régalés, avec ses romans, ses guides de balades, ses plongées dans des vies d’artistes (Spilliaert, Toulouse-Lautrec). Continuer la lecture




Le récit de Sophie Wouters débute sur un procès en cour d’assises : Célestine est accusée d’un crime grave et ne souhaite rien dire à ce sujet. C’est une belle occasion de découvrir l’enfance peu banale de l’héroïne. Et pour cause, elle est née le jour où ses parents sont décédés dans un accident de voiture. Élevée par Berthe (une tante éloignée) et son mari, la jeune fille vit une enfance douce bercée par les émissions de Denise Fabre et les épisodes de Ma sorcière bien aimée, dans un foyer où l’on prend soin d’elle sans lui donner une réelle affection. 
Le titre pilote vers le policier, une page de garde annonce un roman, le texte échappe aux étiquettes et conjugue les registres : journal de bord de l’autrice autour d’un projet d’écriture, documents qui le fondent (lettres de protagonistes ou de témoins, liste de lieux à visiter), fragments d’une rêverie biographique à partir des points d’acmé d’une existence.
L’histoire de Bruxelles déroulée en chapitres courts, depuis 4000 avant notre ère, sous la forme d’un site néolithique en forêt de Soignes, jusqu’à nos jours.
L’auteur, Maurice Martin, s’ébroue dans des eaux familières en tant qu’ancien commissaire de police retraité de la brigade anticorruption, même grade, même service que ceux de Martin de Landsheer, personnage central de cette « affaire de Bruxelles » dont les prolégomènes nous ramènent au 19e siècle, à deux poètes dits « maudits » et à un fait-divers fameux qui vit (ou crut voir ?) Paul jouer du revolver contre son ami Arthur.
Le premier chapitre est savoureux. Quelques pages, à peine, et le narrateur/héros, son microcosme (familial et professionnel) sont campés. Mieux : la crise (qui génère le fil centripète de tout thriller) est amorcée, intrigante. Cerise sur le gâteau : un deuxième fil narratif se dessine et démultiplie la tension, le suspense.
Floreffe, juin 2006 : Simon Voinet, le grand-père de Marylou, est renversé par une voiture, qui disparaît dans la nature, et meurt sur le coup. Est-ce un accident ou un meurtre ? L’inspecteur Gleizner mène l’enquête et bouscule rapidement Marylou qui garde en elle de terribles secrets.
« On peut faire un homme n’importe où, le plus étourdiment du monde et sans motif raisonnable ; un passeport, jamais. Aussi reconnaît-on la valeur d’un bon passeport, tandis que la valeur d’un homme, si grande qu’elle soit, n’est pas forcément reconnue. » Ces mots de Bertolt Brecht (Dialogues d’exilés, 1941) ouvrent le récit de Marie Doutrepont, Moria. Chroniques des limbes de l’Europe. Ils résonnent encore cruellement aujourd’hui. La valeur de l’être humain, sa liberté de déplacement ne se décident que par le lieu qui le voit naître.
Les fêtes traditionnelles ont ce quelque chose de particulier qui échappe à tout non-« natif » de la commune en fête. Se plonger au cœur de l’une d’entre elles, à savoir le fameux Doudou de Mons – reconnu, depuis 2005, au Patrimoine oral et immatériel de l’Humanité par l’UNESCO – fut pour nous savoureux. Apprendre ses rouages, ses enjeux locaux et politiques, son histoire – son origine remonte au XIVe siècle – et surtout la fierté que ce folklore provoque chez ses protagonistes. Le Doudou commence officiellement un jeudi (en mai ou juin, selon l’année) et se termine le Dimanche de la Trinité avec comme point d’orgue le Combat sur la Grand-Place, appelé le « Lumeçon », qui oppose Saint Georges au Dragon. Le destin de la Cité n’est pérennisé qu’avec la victoire de Saint Georges. L’enjeu est donc de taille.
Déjà Jacqueline Harpman vomissait la qualification de “pisseuse” décernée par son père à sa naissance, fût-ce dans un roman comme La Fille démantelée. Pour elle, refuser l’assimilation à la flaccidité ou à l’étron, c’est exister et le dire.
« J’ai eu peur. Pas pour moi. Simplement peur de ne pas te revoir, de ne plus jamais humer ta part intime, ton île secrète – mourir en insulaire est un projet qui me correspond. » De sa petite capitale désenchantée – entendez Bruxelles –, le narrateur s’adresse à sa belle qui vit dans la ville de toutes les lumières – Paris bien sûr. La jonction est douloureuse entre les deux grandes villes : les attentats qui les ont marquées fin 2015 et début 2016, battant le tambour en marge de leur passion.