Archives par étiquette : journal

Responsable ou coupable?

Charles BERTIN, Journal d’un crime, postface de Laurence Pieropan, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2022, 238 p., 8,50 €, ISBN : 9782875685629

bertin journal d'un crime« Quand le timbre de la porte d’entrée retentit ce matin à sept heures, je sus qu’Elio était mort ». C’est la première phrase du premier roman de Charles Bertin. Lors de sa publication en 1962, l’écrivain a déjà produit une œuvre importante et reconnue depuis ses premiers poèmes, remarqués par Marcel Thiry, en 1939, avant de bifurquer vers la littérature dramatique avec son Don Juan publié en 1946 et couronné par le prix triennal de Littérature en 1948. 

Ainsi donc, Elio est mort.  Qui est Elio ? Qui est le narrateur ?  Que s’est-il passé entre eux? Continuer la lecture

Marcher sur son père

Marc MEGANCK, Marcher Noir, Chroniques du monde confiné, 180° éditions, 2021, 118 p., 17 € / ePub : 7,99 €, ISBN : 978-2-940721-01-6
Marc MEGANCK, Le jour où mon père n’a plus eu le dernier mot, F. Deville, 2021, 282 p., 20 €, ISBN : 978-2-875990-51-8

meganck marcher noir

Avec un mois d’écart, Marc Meganck publie deux titres qui partagent des thèmes devenus propres, ayant développé pour lui-même toutes les qualités d’un anti-héros : un beau quadra inquiet du temps qui passe dans une société qui le dépasse à grande vitesse. Or cet état lui permet de parfaire son art subtil de la dépression tranquille, animée d’une passive lucidité souffrant, oui, souffrant, de sympathie et d’empathie pour le monde qui l’entoure directement. Continuer la lecture

Raconter hier pour patienter jusqu’à demain

Claire BORTOLIN, Moi, Roberta, Préface d’Alice on the Roof, Lamiroy, 2021, 114 p., 12 €, ISBN : 978-2-87595-538-8

bortolin moi robertaRoberta s’est fracturé le bassin sur le chemin menant à son jardin. La voilà immobilisée et, faute de pouvoir se débrouiller seule chez elle, pensionnaire de La Cerisaie, cette maison de repos dont le nom lui rappelle Tchekhov. Le séjour sera temporaire : trois semaines. Vingt-et-un jours. Assez pour avoir à tromper l’ennui, entre lecture et écriture.

 J’écrirai un peu chaque jour pour mieux traverser ce temps immobile, et mon carnet se refermera au jour 21.  Continuer la lecture

Hier au cœur d’aujourd’hui

Yves-William DELZENNE, Journal de printemps, Samsa, 2020, 72 p., 16 €, ISBN : 978-2875933263

delzenne journal de printemps« Il m’arrive de croire que tout a été mis en péril du jour où l’on coupa les grands beaux arbres qui formaient une promenade devant la villa de mon enfance. »

C’est par ce « saccage » du paysage familier, destiné à faire place à une route élargie (« la folie de l’automobile » s’imposait dès la fin des années cinquante), qui est aussi un « saccage » de sa petite enfance, qu’Yves-William Delzenne ouvre son Journal de printemps. Continuer la lecture

Les carnets et les moments

Les moments littéraires, n°45 : Diaristes belges, Préface de Marc Quaghebeur, 2021

les moments litterairesDepuis une vingtaine d’années, la revue Les moments littéraires mène un remarquable travail d’exploration des écrits de l’intime, en se concentrant sur des figures qui illustrent, ou des thèmes qui traversent, cette veine de création. À parcourir son riche catalogue (dont certains numéros sont épuisés), on y croise des personnalités aussi diverses que Roland Jaccard, Annie Ernaux, Marcel Conche, Camille Laurens, Boris Cyrulnik, Gabriel Matzneff, Fred Deux, Emmanuel Carrère, Lydia Flem, tant d’autres… Continuer la lecture

Petit manuel pour procrastiner sa fugue

Un coup de cœur du Carnet

Charly DELWART et Ronan BADEL, Les aventures de moi-même. Journal de ma fugue, Flammarion Jeunesse, 2021, 144 p., 11,50 € / ePub : 8,49 €, ISBN : 9782080205957

delwart badel les aventures de moi meme journal de ma fugueC’est décidé : Gaspard, (presque) dix ans, va fuguer. Parce qu’il a le temps, parce qu’il a l’âge, pour prendre son indépendance, pour voir le monde tout seul comme un grand, car oui, il est grand, maintenant. Ah, et aussi parce que ses parents et lui ne sont pas, mais alors pas du tout d’accord : ils ont décidé de l’inscrire dans un autre collège que celui où iront ses deux meilleurs copains. Une seule solution : quitter la maison. Continuer la lecture

« Écrire doit être une nécessité, tout comme la mer a besoin des tempêtes, et j’appelle cela respirer… »

Un coup de cœur du Carnet

Léonie BISCHOFF, Anaïs Nin sur la mer des mensonges, Casterman, 2020, 192 p., 23.50 €, ISBN : 978-2203161917

léonie bishoff anais ninIl lui aura fallu huit ans pour transposer en images des passages du récit qu’Anaïs Nin fit de sa propre vie dans les différentes versions parfois contradictoires du Journal. Dans un roman graphique de 190 pages paru en août 2020 chez Casterman, Léonie Bischoff a choisi de raconter son Anaïs, celle qui l’inspira durablement lorsque étudiante, elle découvrit son œuvre.


Lire aussi : 1000 raisons d’aimer l’Atelier Mille (C.I. n°195)


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Auprès de mon chêne

Pierre SOMVILLE, Journal de la peste, Taillis pré, 2020, 74 p., 12 €, ISBN : 978-2-87450-167-8

C’est le mystère du mal (…) pour une fois les « politiques », dos au mur, osent enfin agir et faire leur devoir.

Journal de la peste, initié mi-mars 2020, est celui de la COVID-19 entrant sans fracas dans l’intimité de Pierre Somville, confiné entre son jardin et les informations des médias. Continuer la lecture

La petite boule ne l’aura pas…

Anne WOLFERS, Le doute, Esperluète, 2020, 240 p., 22 €, ISBN : 9782359841220

anne wolfers le doute éditions Esperluète (couverture du livre-Lorsque vous prenez le doute entre vos mains – un livre à la jaquette en papier Kraft ordinaire sur lequel vous pouvez lire ce titre laconique sans majuscule et observer un amusant dessin au bic d’un dromadaire, ou plutôt d’un chameau à trois bosses – vous êtes déjà happé par l’univers d’Anne Wolfers.

Quand elle était enfant, Anne Wolfers passait son temps à se fabriquer de petites marionnettes. Elle aurait voulu s’orienter vers l’illustration, mais cette formation n’existait pas à l’époque. Après avoir découvert la gravure au cours d’un stage, elle décide de s’inscrire dans cette section à la Cambre (ENSAV) et cette passion ne l’a plus quittée. Cette graveuse hors pair a été professeure pendant de longues années à l’École des arts d’Uccle. Continuer la lecture

S’approprier son deuil en attendant que la joie revienne

Éric-Emmanuel SCHMITT, Journal d’un amour perdu, Albin Michel, 2019, 251 p., 19,9 € / ePub : 13.99 €, ISBN : 978-2-226-44389-2

Mars 2017, à la veille de son cinquante-septième anniversaire, Éric-Emmanuel Schmitt devient orphelin : cinq ans après son père, sa mère s’éteint. « Un jour comme les autres, tout devient différent. » Comment poursuit-on la route quand on est « plus l’enfant de personne » ? Où trouver la force d’accomplir le « devoir de bonheur » si cher à sa maman quand seul le chagrin semble vouloir de lui ? On lui répète qu’il faut deux ans pour faire son deuil mais à quoi peut bien rimer ce genre de lieux communs ? Continuer la lecture

Tranchées de vie

Marie-Noëlle SCHURMANS, D’un jour à l’autre 1914-1918, Ovadia, 2018, 313 p., 22 €, ISBN : 978-2-36392-277-9

À l’heure où se multiplient les manifestations visant à célébrer le centenaire de l’armistice, voici une initiative littéraire originale qui donne vie à la commémoration en la plaçant dans la perspective des personnes qui l’ont vécue au plus près dans les quatre années qui ont précédé le dénouement, alors que le conflit battait son plein. À l’origine de la démarche, la correspondance tenue par Gustave, lieutenant dans un régiment de cavalerie, à destination de son épouse, Éléonore. Ce matériau originel et authentique est de la plume d’un homme de devoir placé au cœur des événements et qui se soucie des siens, mais dont le temps est rythmé par l’action. Y répondent les propos, imaginés par l’auteure quant à eux, de son épouse esseulée, enceinte de lui, fuyant vers l’Angleterre avec ses parents et dont le temps est celui, atone, de l’attente. Si les missives de l’homme au front sont guidées par la volonté de décrire les faits avec mesure et retenue, le journal tenu par son épouse, qui s’inscrit entre les messages reçus, prend rapidement le parti de l’intime. Privée de son mari, Éléonore est ramenée vers ses père et mère, là où elle était jadis, amputée de sa vie de femme, s’apprêtant à devenir mère alors que sa sécurité est menacée. Continuer la lecture

Henry Bauchau par lui-même

Henry BAUCHAU, Conversation avec le torrent. Journal (1954-1959), Actes Sud, 2018, 288 p., 23 € / ePub : 16.99 €, ISBN : 978-2-330-09252-8

Henry Bauchau Conversations avec le torrentStendhal, Vigny, Gide, Claudel, Anaïs Nin, Kafka, Jünger…. en fonction des diaristes, le genre littéraire du journal dit intime recouvre une multitude de fonctions, de visages, de convocations du lecteur. Confession ou laboratoire littéraire en marge de l’œuvre, chronique des événements intérieurs ou/et extérieurs ou mémoires d’une vie, le Journal se présente comme un espace où l’œuvre de l’écrivain se cherche, se questionne au fil d’une mise en résonance avec les faits autobiographiques et les remous de l’Histoire. À rebours de la chronologie, avec Conversation avec le torrent. Journal (1954-1959), s’achève l’édition des trois mille pages du Journal d’Henry Bauchau entreprise par Actes Sud : la première pièce de l’édifice d’un Journal qui couvrira les années 1954-2005 nous livre Bauchau avant Bauchau, à l’orée de son œuvre, se lançant après la guerre (et son engagement dans la Résistance) dans la rédaction de ses premiers textes, le recueil poétique Géologie, la pièce de théâtre Gengis Khan (qui sera montée par Ariane Mnouchkine). Continuer la lecture

« Je sais que je n’en resterai jamais »

Marc HANREZ, Vers d’autres ailleurs. Journal de voyage (1954-1996), Les Éditions de Paris / Max Chaleil, 2018, 290 p., 18 €, ISBN : 978-2-84621-262-5

hanrez vers d'autres ailleurs.jpgEn couverture de ses souvenirs littéraires, il s’affichait au Portugal, entre ombre et lumière ; sur celle de son journal de voyage, Marc Hanrez a choisi un cliché qui le campe dans une pose conquérante, entre insolence et insolation, sur les marches du théâtre d’Épidaure. Continuer la lecture

Un journal de théâtre à trois temps

Jean-Marie PIEMME, Accents toniques. Journal de théâtre (1973 – 2017), préface de Stanislas Nordey, Alternatives Théâtrales, 2017, 440 p., 12 €, ISBN : 978-2-87428-106-8

piemme accents toniquesLe théâtre vu, regardé, lu, écrit, analysé, raconté par Jean-Marie Piemme en trois tranches temporelles permettrait de lire le presque demi-siècle qu’il nous donne à revisiter sur les scènes du monde et en Belgique francophone en particulier.

Le public, l’intelligence du jeu, Brecht, le peuple (ce qu’on appelait il y a peu la « classe ouvrière »…), les systèmes de productions théâtrales dans tous leurs détours, les explorations répétées de certains auteurs de prédilections, la mise en scène qui résiste aux exigences du plateau et le transforme, les conflits idéologiques et esthétique majeurs qui ont marqué l’histoire de notre théâtre depuis ce que l’on a appelé le « jeune théâtre » (les années septante), le corps à l’opéra, l’École,…voilà la matière de ce livre capital pour la mémoire d’un art vivant, souvent séduit par les sirènes du succès confortable. Continuer la lecture

Marc Hanrez, made in Belgium

Marc HANREZ, Poste restante. Un journal littéraire (1954-1993), Éditions de Paris – Max Chaleil, 2016, 96 p., 14 €

hanrezIl vient de paraître aux Éditions de Paris / Max Chaleil un mince volume intitulé Poste restante et décrit en sous-titre comme un « Journal littéraire 1954-1993 ». Son auteur est photographié en couverture. Il porte beau ainsi, de trois quarts, une longue pipe aux lèvres, les yeux ombragés par un rayon de soleil oblique qui lui tombe sur le visage et révèle au passage, derrière lui, le fragment d’une affiche, où l’on peut lire en portugais : « Lucha por tu libertad ». Voici Marc Hanrez, saisi dans sa profondeur et nimbé de mystère, à Lisbonne en 1981. Continuer la lecture

Ode à la poésie

Un coup de cœur du Carnet

Colette NYS-MAZURE, La vie poétique, j’y crois, Bayard, 2015, 137 p.

nys-mazureCe livre est une lettre ouverte à tous les amateurs de poésie ou susceptibles de le devenir un jour. Colette Nys-Mazure, plus convaincue que jamais, propose un plaidoyer actualisé sur la poésie et son rôle majeur dans l’existence. Au fil des pages, elle sème les noms des auteurs qui comptent pour elle pour montrer que la poésie est « partout, vivante et efficace ». Continuer la lecture