Michel LAMBERT, Cinq jours de bonté, Le beau jardin, 2023, 252 p., 20 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 9782359700749
Thomas Noble, le narrateur, emmène sa femme Raya à Ostende. Une permission de cinq jours lui est accordée. Hospitalisée dans une clinique spécialisée, c’est sa première sortie depuis longtemps. Thomas est nerveux. Il a peur de ses réactions. Du couloir de la mort où elle végète, il espère la conduire dans le couloir de la vie. Beaucoup de non-dits s’interposent. On sent un passé pesant, une fracture. Tous les deux sont enfermés dans des prisons différentes et ont banni depuis belle lurette de nombreux mots de leur vocabulaire, tels que chance, « espoir, demain, bonheur, chanter, rire… ». Thomas fait le clown pour détendre l’atmosphère, mais il est maladroit. Continuer la lecture →
Carl NORAC, L’envers des circonstances / De keerzij van de toestand / Die andere Seite des Geschehens, Maelström Reevolution, 2022, 18 €, 232 p., ISBN : 9782875054258
Carl Norac possède cette capacité de nous emmener, de nous embarquer dans son sillage. Des voyages dans l’espace, vers ces contrées qu’il affectionne particulièrement mais aussi dans le temps, celui de l’enfance qu’il cherche toujours à retrouver par le biais d’une sorte de mélancolie communicative et qui nous fait dire qu’on a tous un peu de Norac en nous. Les thèmes, chers au poète, épinglés par la récente anthologie publiée dans la collection Espace Nord sous le titre de Piéton du monde se retrouvent ici, dans ce recueil composite, L’envers des circonstances. Continuer la lecture →
Michel JOIRET, Stella Maris, M.E.O., 2022, 180 p., 18 €, ISBN : 9782807003385
Comment saisir la singularité de la Mer du Nord sans s’immerger dans le premier couplet du Plat Pays de Brel ? Comment toucher sa poésie en se gardant de prolonger les lignes de fuite humides aux nuances grises de Spilliaert ? Comment appréhender la mentalité balnéaire d’Ostende en ignorant les masques, colorés et malicieux, d’Ensor ? Comment percevoir l’air léger des plages (ensoleillées et bondées l’espace de quelques semaines) sans dodeliner sur la voix d’Arno charriant l’ode d’Adamo aux filles du bord de mer ? Comment avoir le cœur qui chavire sans fouler le sable couleur et densité Permeke, sans croiser les monumentaux Marins, sans se rire des mouettes en se parfumant les doigts de crevettes grises ? En lisant le dernier livre de Michel Joiret, peut-être, qui s’inscrit dans la certitude que la côte belge est de ces réalités qui ne s’apprivoisent que par l’appropriation artistique ou l’expérience intime. Continuer la lecture →
Célestin de MÉEÛS, Cavale russe, Cheyne, 2021, 80 p., 17 €, ISBN : 978-2-84116-309-0
Bruxelles, un « vieux vendredi d’avril », un vingt-quatre. Célestin de Méeûs prend la tangente pour une cavale russe qu’il effectue à rebours de Cendrars – s’expulsant du petit pays dont il « n’a jamais voulu rien savoir » pour se ficher, telle une épingle sur une carte, à Vladivostok. C’est des confins de la Russie, du plus extrême est, qu’il entreprend alors un retour vers Ostende et vers l’aimée. Gardien d’une photographie d’elle qu’il « criblera de doigts », c’est à elle qu’il s’adresse dans ce long poème démontrant que le souffle peut ne jamais mourir, déroulant implacablement des vers d’une exigeante soif de justesse. Continuer la lecture →
Née au Nord Viêt-Nam, Tuyêt-Nga Nguyên a grandi dans le Sud. En exil, elle a trouvé chez nous un pays d’adoption alors qu’elle est venue faire ses études à Bruxelles et elle y est restée, non sans vivre entretemps aux États-Unis et en Afrique. Dans ses romans précédents, elle s’est attachée à parler de son pays d’origine déchiré par la guerre, à en dire l’histoire et la culture, dont tout récemment dans Soie et métal. Relevant le défi de la collection Belgiques, elle décline en six nouvelles tout son attachement à cet autre pays qui est devenu le sien, et qu’elle a appris à aimer avec les yeux neufs de ceux qui le découvrent, guidée par un souci de comprendre et une curiosité que peu de natifs déploient. Continuer la lecture →
Jean-Philippe TOUSSAINT, La disparition du paysage, Minuit, 2021, 48 p., 6,80 € / ePub : 4.99 €, ISBN : 978-2-7073-4658-2
Les choses tiennent en peu de mots, et sont assez simples. Jean-Philippe Toussaint, dans ce court texte qu’est La disparition du paysage, les révèle d’emblée. Le châssis d’une fenêtre, donnant sur le casino d’Ostende et ses abords, forme comme le cadre d’un tableau. Dans un fauteuil roulant, dont on n’est pas vraiment certain qu’il puisse le faire bouger, un homme passe ses journées à regarder au dehors, depuis son appartement. Ce dehors qu’il a souvent arpenté autrefois, marchant sur la digue ou la plage, respirant les odeurs de la mer, remettant ses idées en place au fur et à mesure de l’avancée de ses propres pas. Condamné à l’immobilité depuis des mois, il laisse aujourd’hui son regard passer de la mer au ciel, sans aspérités auxquelles s’accrocher. Continuer la lecture →
Kate MILIE, Le mystère Spilliaert, 180° éditions, 2020, 154 p., 20 €, ISBN : 978-2-931008-33-1
Le titre pilote vers le policier, une page de garde annonce un roman, le texte échappe aux étiquettes et conjugue les registres : journal de bord de l’autrice autour d’un projet d’écriture, documents qui le fondent (lettres de protagonistes ou de témoins, liste de lieux à visiter), fragments d’une rêverie biographique à partir des points d’acmé d’une existence. Continuer la lecture →
Stéphane LAMBERT, Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert, Arléa, 2020, 128 p., 10 €, ISBN : 978-2-36308-223-7
Après Monet (L’adieu au paysage. Les nymphéasde Claude Monet, La Différence, Monet, impressions de l’étang, Arléa), Rothko (Mark Rothko, rêver de ne pas être, Arléa), Nicolas de Staël (Nicolas de Staël, le vertige et la foi, Arléa), Goya (Visions de Goya, l’éclat dans le désastre, Arléa, prix Malraux 2019), le dialogue que Stéphane Lambert noue avec la peinture se porte sur Léon Spilliaert. Proximité, sismographe de poète, affinités électives, démarche questionnante qui décloisonne l’œuvre et la vie et plonge à mains nues dans l’imaginaire des peintres : ce quatuor compose moins une méthode qu’un embrasement passionné. Dans Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert, Stéphane Lambert livre un récit à deux voix, celle du peintre Spilliaert, celle du narrateur-auteur.
Ziska LAROUGE, Hôtel Paerels, Weyrich, coll. « Plumes du Coq », 2019, 207 p., 15€, ISBN : 9782874895272
Antonin a la poisse… Ou peut-être de la chance dans son malheur… À moins que ce ne soit l’inverse… Disons que son quotidien est fait de hauts et de bas qui se succèdent à une cadence effrénée : de vraies montagnes russes ! C’est ça ! Ziska Larouge nous emmène faire un tour de montagnes russes ! Et on en voit de toutes les couleurs. Du rose quand l’histoire débute façon comédie romantique. Du gris pour évoquer le deuil d’Antonin et son frère, jeunes orphelins. Du vert dans l’espoir du héros de faire carrière sur scène. Du bleu à chaque embellie amenée par une nouvelle amitié. Du noir quand des malfrats viennent mettre leur grain de sel. Et du rouge dans l’éclatante vitalité des personnages. Continuer la lecture →
Alain DARTEVELLE, Dans les griffes du Doudou, Ker, coll. « Belgiques », 2017, 132 p., 12 €/ePub : 5.99 €, ISBN : 978-2-8758-6218-1
Débarqué du futur où il aime aventurer son écriture à la fois imagée, directe et stylée, Alain Dartevelle promène sa plume dans un nouveau recueil de nouvelles et dans un passé proche. Le sien, lié forcément à celui de la Belgique, ce pays multiple qui prête son nom à la collection mise en œuvre par les éditions Ker. Promenade donc, dans une mémoire personnelle, folâtre, amère parfois, teintée de nostalgie, largement ouverte à l’amitié, volontiers voluptueuse, mais aussi désenchantée et imprégnée de cet « humour gris » dont l’auteur revendique le label. Pour l’introduire : des évocations subjectives de ces deux têtes de gondole de notre vitrine culturelle que sont Hergé et Magritte. Autoportrait désabusé pour le premier : celui de l’artiste en fin de vie, ravagé à la fois par la leucémie et par les interrogations sur son œuvre et sur sa créature centrale : « Tintin m’a vampirisé, me soutirant titre après titre, planche après planche, case après case, mes forces vives. Cette belle énergie qui m’a manqué ensuite pour virer de bord et mettre le cap sur mon for intérieur ». Dans Signé Magritte, on suit avec une coupable jubilation l’odyssée d’un quidam (serait-il un de ces doubles de l’auteur qui se multiplient à travers le recueil ?) pour qui l’ombre du peintre flotte entre un statut révolu d’idole de sa jeunesse et une stature de petit-bourgeois rondouillard, de « sale type », méticuleux faiseur de chromos aléatoires, et par ailleurs épris de canulars scatologiques. Sus donc à l’imposteur ! Et l’on assiste ainsi, impuissants, mais admiratifs face à tant de détermination, à l’attentat au purin perpétré contre quatre toiles lors de l’exposition bruxelloise. Attentat suivi toutefois de regrets : il avait eu pour cibles les toiles les plus caustiques de l’artiste. « De quoi méditer à loisir sur les risques que comporte la fâcheuse tentation de mettre à jour des secrets d’enfance… » Continuer la lecture →
Patrick DEVAUX, Dorures légères sur l’estran, Bruxelles, Les Carnets du Dessert de Lune, 2015, 100 p., 12 €
Il y a des romans qui sont d’énormes pavés. Des fictions labyrinthiques qui emmènent dans les méandres du monde ou d’une langue. D’autres sont d’une extrême minceur. Brossent en quelques traits la trame d’une histoire. N’ont que faire des fioritures d’une langue baroque. N’ont que faire des intentions profondes et secrètes des personnages. Filent à toute vitesse de la première à la dernière page, en somme. Comme des trains express, ils ne laissent à leurs lectrices et lecteurs qu’à peine le temps de saisir une atmosphère, une couleur. Ces romans « marchent » peut-être d’autant mieux qu’ils se réfèrent à un genre très codé. Le roman d’amour, par exemple. Continuer la lecture →
Christiane LEVÊQUE, Ostende, Bruxelles, Les Carnets du Dessert de Lune, 2015, 70 p., 10€
Le temps d’un été dans la ville côtière, Christiane Lévêque croque une série de scènes du quotidien à la mer du Nord. Le livre est un recueil de petits textes en prose empreints d’une poésie réservée. Liée au monde du théâtre, l’auteure a écrit deux pièces ainsi que des nouvelles et de la poésie. Ostende est sa deuxième collaboration avec Garène, dessinatrice et céramiste dont le travail entre joliment en harmonie avec celui de l’auteure. Elles avaient déjà composé ensemble, dans le même esprit, le recueil Mokafé, chez le même éditeur. Continuer la lecture →