William CLIFF, Des destins, Table ronde, 2023, 352 p., 22 €, ISBN : 9791037112019
Dans les recueils de William Cliff, les vers font naître des étincelles à l’instar de deux corps qui s’étreignent. Des étincelles de vie, de beauté arrachée à la gueule du néant. D’une composition circadienne rythmée par vingt-parties qui sont autant de livres d’heures, Des destins dessine une géographie de l’aventure organique des éléments et des êtres (portraits des proches, des amants, des garçons aimés, rencontres, instantanés de vie, cigarettes, lunettes, forêt, évocations de Joseph Orban, de Paul Claudel, du printemps…).
Taillés dans la forme du sonnet, élisant l’alexandrin, les poèmes accomplissent un mouvement rétrospectif, font de la réminiscence, du retour vers le passé l’énergie catalysant l’écriture. Ils interrogent moins l’implacable joug du temps qui passe qu’ils ne tentent d’en arracher des fragments d’éternité. Avec Charles Baudelaire, un frère en élection, William Cliff partage l’expérience d’une oscillation douloureuse entre le spleen et l’hymne à la beauté, à l’idéal. C’est sous l’horizon du « souviens-toi que le Temps est un joueur avide / Qui gagne, sans tricher, à tout coup ! C’est la loi » (Baudelaire, « L’horloge ») que se tiennent ces poèmes qui, souvent, s’adressent à des êtres qui ne sont plus, qui se tournent comme des tournesols noirs vers la ville de Gembloux, les émois de l’adolescence, les odeurs des corps, du sperme, du tabac de bonne-Maman, usant du vers comme d’un regard cristallisé qui sauve de l’oubli des transports désirants, des regrets, des fragments du jadis. Continuer la lecture