Archives par étiquette : Christine Van Acker

Le jardinier-soleil

Christine VAN ACKER, Émile Claus. Le vieux Jardinier, Invenit, coll. « Ekphrasis », 2022, 54 p., 14 €, ISBN : 9782376800927

van acker le vieux jardinierDans la très belle collection « Ekphrasis » des Éditions Invenit, basée sur le principe du dialogue entre un écrivain et une œuvre muséale, Christine Van Acker décline un texte floral-cosmique, d’une écopoésie subtile, consacré au tableau Le vieux jardinier du peintre Émile Claus. C’est à partir du rayonnement d’Hélios qu’elle approche cette œuvre exposée à La Boverie à Liège et qu’elle déroule un texte-tournesol autour d’un artiste qui fut une des figures marquantes du luminisme. La confrontation relève de multiples registres : du registre existentiel dès lors que l’éclat héliaque du Vieux jardinier « sauve des vies », sauve « quelques mois » de celle de l’autrice au creux de l’hiver du confinement, registre du récit biographique, des échos de l’enfance, registre de l’esthétique et des effets qu’il produit, registre d’une sensibilité et d’un engagement écologiques. Dans ce portrait d’un portrait, Christine Van Acker tisse des fils de soie, d’or, de mousse entre le corps-monde du personnage peint par Émile Claus et le corps-terre de son grand-père, déplie la carte du Temps et de ses ravages écologiques, remonte de la fin du 19e siècle à notre présent dévasté. Le mouvement s’enfonce dans l’esprit et la matière du tableau autant que dans les rêves qui prolongent la géographie de sa composition. Continuer la lecture

La rentrée littéraire 2022 : une revue de presse (2)

revue de presse - illustration

Photo Pixabay

Effervescence éditoriale, course aux prix…, la rentrée littéraire d’automne est traditionnellement une période d’intense activité dans le monde du livre francophone. La pléthore d’ouvrages disponibles expose les plus fragiles d’entre eux à un passage aussi éphémère qu’anonyme sur les tables des libraires. Au jeu de la visibilité et de la consécration, la presse joue naturellement un rôle de médiation et de conseil auprès des lectrices et lecteurs.

Le 10 septembre, la revue de presse du Carnet et les Instants proposait un bilan de l’accueil médiatique et critique des autrices et auteurs belges de la rentrée publiés dans des maisons d’édition françaises. Les maisons d’édition belges lancent leur rentrée quelques semaines plus tard que leurs homologues hexagonales ; les premiers livres arrivent sur les tables des librairies en septembre seulement. Cette deuxième livraison de notre revue de presse de la rentrée 2022 leur est consacrée. Continuer la lecture

Que serais-je sans toit ?

Un coup de cœur du Carnet

Christine VAN ACKER, Le peuple d’ici-bas. Christine Brisset, une femme ordinaire, Esperluète, 2022, 208 p., 22 €, ISBN : 9782359841602

van acker le peuple d'ici basSi l’on vous demande de citer le nom d’une personne qui s’est illustrée dans la lutte contre la misère et pour l’accès au logement dans l’immédiat après-guerre, il est fort probable que le nom de l’Abbé Pierre vous viendra en premier à l’esprit, du moins s’il vous en vous vient un. Certainement pas celui de Christine Brisset. Sans doute de quoi illustrer l’adage qui veut qu’une femme se cache souvent derrière l’homme célèbre… Et pourtant, pendant plus de quarante ans, cette pionnière de l’action sociale a multiplié les initiatives novatrices dont celle du squat et de la construction collective de logements. Établie à Angers, mariée à un riche industriel, elle n’a eu de cesse de rompre avec les codes sociaux liés à son rang et de se poser en première ligne des combats pour le logement alors que la France, au sortir de la guerre, se démenait pour la reprise économique. Continuer la lecture

Récits du monde végétal

Christine VAN ACKER, L’en vert de nos corps, Préface de Vinciane Despret, Arbre de Diane, coll. « La tortue de Zénon », 2020, 228 p., 15 €, ISBN : 978-2-930822-15-0

Pour évoquer le monde végétal que le savoir dominant de l’Occident a ignoré pendant des siècles, Christine Van Acker a choisi de nouer deux registres, ceux de la poésie et de la science jusqu’à brouiller leurs frontières, montrant l’artificialité des découpes entre champs de connaissance. Livre-jardin, livre-forêt, rythmé par un essaim de citations qui pollinisent le texte, L’en vert de nos corps nous fait pénétrer dans les mélodies du végétal. Par les sens et les vertus de l’écoute, en collant l’oreille au tronc des grands silencieux, en prêtant attention aux fleurs, aux arbres, aux légumes, non pour ce qu’ils nous procurent comme bienfaits mais pour eux-mêmes. Continuer la lecture

Quel avenir pour l’humanité ?

COLLECTIF, Les bâtisseurs, Ker, 2019, 158 p., 10 €, ISBN : 978-2-87586-260-0 

Les bâtisseurs est un recueil de onze nouvelles écrites pas onze auteurs jouissant d’une certaine renommée dans le monde de l’écriture. Il nous propose un florilège de ce qu’il peut advenir dans le monde face à la crise climatique. Tantôt optimistes, tantôt plus sombres, souvent avec une fin ouverte, les nouvelles nous font découvrir des imaginaires très variés… Continuer la lecture

Le féminin et la parole défaillante

Christine VAN ACKER, Je vous regarde partir. Poèmes, Arbre à paroles, 2019, 66 p., 12 €, ISBN : 978-2-87406-680-1

On le sait, les femmes écrivains accordent une attention éminente à la relation entre l’enfant qu’elles furent et leurs parents, leur mère en particulier. Cette remémoration peut prendre diverses tournures, généralement plus proches de la récrimination que de l’idéalisation. Christine Van Acker, quant à elle, adopte une position tout en nuances, combinant le reproche et la tendresse, l’apitoiement et la perplexité, la souffrance et la joie de vivre. Plutôt que la formule du récit, elle a choisi celle du recueil de poèmes, plus libre, plus fragmentaire, non sans analogies avec le journal intime – un journal inspiré en l’occurrence non par les faits actuels, mais par le souvenir des faits passés, de l’enfance de l’héroïne à la mort de ses parents. Je vous regarde partir, toutefois, présente une structure non pas diariste mais ternaire et dyschronique. En effet, jusqu’à la p. 17, les poèmes évoquent le grand Départ et le deuil qui s’ensuit. Des pages 18 à 40, on assiste à un retour en arrière vers l’époque de l’enfance. La dernière partie, enfin, cible la période du vieillissement et de l’agonie. Cette tripartition non linéaire montre clairement que, en matière de questionnement autobiographique, la recherche du sens est de nature foncièrement rétrospective : c’est après-coup seulement que, l’irrémédiable étant advenu, le sujet peut procéder à une tentative de bilan mémoriel et affectif, où la vie cède le pas au vécu. « Vous emporterez avec vous / ce qui nous regarde / et ne vous appartenait pas ». Continuer la lecture

L’école buissonnière

Un coup de cœur du Carnet

Christine VAN ACKER, La Bête a bon dos, José Corti, coll. « Biophilia », 2018, 190 p., 18 €, ISBN : 978-2-7143-1203-7

van acker la bete a bon dosÀ la fois atypique et militante inconditionnelle du parti de la vie dans tous ses états, Christine Van Acker use de nombreux registres pour assumer sa créativité et servir sa vision du monde. À partir d’un amour aussi tenace que trop souvent déçu pour son espèce, ses gammes vont de l’humour et de l’autodérision à l’ironie positive, à la parabole futée et jusqu’au surréalisme d’une éclairante excentricité. Avec La Bête a bon dos, l’exploration de l’univers animal la met en vacances de l’humain – enfin, presque… Avec pour carburant la vertu cardinale des vrais découvreurs : le perpétuel étonnement. Mais, est-ce pour nous effrayer qu’elle mobilise presque d’entrée de jeu le microscope et le jargon savant du bio-généticien pour évoquer la résistance du « royaume du vivant » face à « l’empire de l’inanimé » ? «  L’eucaryote ne comprendra jamais comment un procaryote, tout à la joie de laisser son ADN barboter nu comme un ver, accompagné de nombreux ribosomes dans un bain cytoplasmique partagé, arrive à survivre sans la protection des parois du Noyau. »   Encore faut-il préciser que « Le domaine des eucaryotes (…) regroupe tous les organismes unicellulaires ou pluricellulaires qui se caractérisent généralement par la présence d’un noyau et de mitochondries dans leurs cellules ». Continuer la lecture

Prix littéraires : une nomination pour Christine Van Acker

van acker la bete a bon dosLes premières sélections des Grands Prix de la Société des gens de Lettres ont été dévoilées. Quatre catégories sont concernées : la fiction, la poésie, l’essai et la littérature de jeunesse. Une Belge figure parmi les finalistes de la catégorie essai : Christine Van Acker.  Continuer la lecture

La vie d’artiste. Entre liberté et asservissement

Christine VAN ACKER, La dernière convocation, Cactus Inébranlable, 2017, 60 p., 5 €, ISBN : 978-2-930659-63-3

van acker la derniere convocation.jpgOn est en avril 2017. Au fonctionnaire chargé de contrôler si elle est suffisamment active dans sa recherche d’emploi, Christine Van Acker remet une lettre. Un brûlot plutôt. Doux et amer. Ironique. Où elle signifie qu’elle en a soupé de se soumettre aux diktats d’une administration la réduisant à une étiquette : demandeuse d’emploi. Une administration qui n’a que faire de Christine Van Acker en tant que que personne et de ce qu’est réellement son boulot d’artiste. Une administration qui réduit à peau de chagrin tout qui, un jour, est confronté au vaste complexe des réglementations en tout genre. Continuer la lecture

Avec les marins d’eau douce

Christine VAN ACKER, Domiciliés à bord, Les grands lunaires, 180 p., 20 €

van acker domicilies a bordIls arpentent nos fleuves et canaux, semble-t-il depuis toujours, sans que nous puissions voir vraiment leurs visages, sans que nous entendions leur voix brouillée par les mouvements des flots. Christine Van Acker est issue d’une lignée de bateliers depuis cinq générations et elle nous livre pour mémoire ce que fut la vie de ses parents et les profondes mutations connues par leur métier. Paru chez Quorum en 1994, l’ouvrage est aujourd’hui réédité et il constitue une mine de renseignements patiemment collectés et exposés. Continuer la lecture

Photos d’enfances

Christine VAN ACKER, Ceux que nous sommes, Weyrich, coll. « Plumes du Coq », 2016, 147 p., 14 €

van-ackerNous aurions pu intituler cet article « Histoires de retombances », en nous inspirant du néologisme que Christine Van Acker a créé pour qualifier la démarche de son nouveau livre, Ceux que nous sommes, publié aux éditions Weyrich. Continuer la lecture

Les mots d’Hubert de Four de Bucquentois-Lithurgue

Christine VAN ACKER, Mon cher ami, Merlin, Les déjeuners sur l’herbe, 2015, 148 p., 15€

Ce nouveau roman de Christine Van Acker, dont Ici publié aux éditions Le Dilettante nous avait tant impressionné, commence par une astuce narrative pour renforcer la  crédibilité du récit qui va suivre. Un père, accompagné de sa fille Constance au cimetière du village, se recueille sur la tombe de son père et sur celle d’un couple d’amis, Constance (à nouveau) et Hubert de Four de Bucquentois-Lithurgue. Sur une plaque, ces mots : « À mon cher ami ». Continuer la lecture

Des auteurs qui font fureur

affiche fureurLa Fureur de lire, ça commence!

Pour l’occasion, cette année encore, 6 plaquettes sont publiées et disponibles gratuitement. A découvrir et faire découvrir… Continuer la lecture

Science et littérature, à la recherche d’un noyau dur

Pierre MALHERBE

geodesiquesLe discours scientifique et la littérature font-ils bon ménage ? En matière littéraire, la chose paraît avérée, si l’on se réfère, au hasard, à de grands auteurs tels que Cyrano de Bergerac, Aldebert von Chamisso, Jules Verne, Villiers de l’Isle-Adam, H. G. Wells, ou, plus proches de nous, Pierre Boulle (La Planète des singes), Raymond Queneau (Cent mille milliards de poèmes), Umberto Eco (Le Pendule de Foucault) et encore François Schuiten et Benoit Peeters (La Fièvre d’Urbicande). Mais il apparaît très vite que l’inverse n’est pas vrai : peu de scientifiques puisent la matière de leurs recherches dans la littérature au sens général, et pour cause. Les sciences ont très peu à voir avec le roman et la poésie, à peine davantage peut-être avec la philosophie, quand on considère par exemple un chercheur exceptionnel comme Einstein. Continuer la lecture