Un coup de cœur du Carnet
Violaine LISON, avec les Carnets de tranchées de Léonce DELAUNOY, Lequel de nous portera l’autre ?, Esperluète, coll. « En toutes lettres », 2025, 208 p., 22 €, ISBN : 9782359842029
Lequel de nous portera l’autre ?, le livre de Violaine Lison, publié bellement par les éditions Esperluète, nous ramène à l’époque meurtrière de la Première Guerre mondiale, à ce que la littérature peut en dire aujourd’hui. Il nous plonge au cœur de l’inhumanité des conflits, de l’humanité annihilée par toutes les belligérances. Il brode, entremêle, tricote les voix, les écritures et les objets pour dire, au plus près, au plus juste, l’histoire de Léonce Delaunoy, séminariste tournaisien réquisitionné pour transporter les soldats au front, et de ses deux amis, Herman Schiltz et Paul Nackart – ils sont dédicataires du récit, et leur portait, en uniforme, ouvre le volume. Continuer la lecture





« Il était emballé dans un petit morceau de papier journal déchiré à la hâte, un journal allemand. En surimpression étaient écrits au crayon une suite de chiffres et un mot, qu’elle ne comprenait pas, le tout grossièrement entouré. Rechtsanwalt. […] Le pendentif était magnifique. Les lobes du cœur, finement gravés, étaient asymétriques. Léontine lut sur le verso du médaillon “Souvenirs d’exil”. » Ce bijou, à l’odeur particulière de soufre, recèle l’amour profond, solennel et meurtri de Melchior, alors en déportation à Soltau. 


Si le titre est déclamatoire, La longue nuit de l’humanité est un premier roman réussi ayant plus de corps que de cœur. Tant d’un point de vue littéraire que du nombre de victimes. D’une encre énergique, sans fioritures quoiqu’épicée de jolis traits d’écriture, Benoît Demonty file les tranchées de la Grande Guerre au rythme cardiaque des poilus. Et même si, ni l’auteur né en 1974, ni le lecteur ne sont plus en mesure de véritablement saisir les événements, l’action, la narration et les horreurs qui s’y répandent impressionnent. Davantage qu’au cinéma par exemple, lorsqu’on pense notamment à 1917 de Sam Mendes relevant plus de la performance technique que de l’épique souffrance des soldats. Force donc de l’évocation sur l’image.
Comme des millions de combattants de 14-18, Robert Vivier a été durablement marqué par les horreurs du conflit. De cette expérience il a tiré des écrits d’une haute qualité littéraire et aussi d’une singulière valeur morale. Les écrits sur la Grande Guerre de Robert Vivier les reprend aujourd’hui.
Tout être renferme au creux de lui des étincelles secrètes. « La vocation humaine est de faire jaillir ces étincelles, chacun selon sa propre voie. »
Qui étais-je ? J’avais tant de mal à me rassembler qu’il me semblait inconcevable de m’inventer un avenir. La question se posait-elle d’ailleurs ?
Gabrielle est une infirmière de 30 ans qui travaille au service de néonatalogie intensive d’un hôpital. Son quotidien est rythmé par les actes techniques et le fonctionnement des machines qui ont pris le dessus sur l’humain pour décider du sort des bébés. Composant chaque jour avec la limite entre la vie et la mort, elle fait de son mieux dans cet univers où l’incertitude domine, où le temps est une obsession, où rien n’est acquis, où chaque victoire, si infime soit-elle, est le résultat d’une lutte de chaque instant.
Se revendiquant à la fois de l’histoire du genre et de celle de la guerre, l’ouvrage « Femmes à Boches », d’Emmanuel Debruyne, professeur d’histoire contemporaine à l’UCL, examine une question audacieuse, dans sa formulation même : l’« occupation du corps féminin », en France et en Belgique, durant la Guerre 14-18. Quel est le contexte ? « Pendant quatre ans, la quasi-entièreté de la Belgique et de larges pans de dix départements français sont occupés par l’armée allemande » : ces territoires, découpés par l’ennemi en plusieurs zones disposant de leur administration, forment un large périmètre regroupant une dizaine de millions d’habitant-e-s.