Archives par étiquette : interview

Avec la langue…

Un coup de coeur du Carnet
Ghislain COTTON

horguelinVivant au XVIe siècle dans la région liégeoise, le révérend Dominicain Johannes Leo Placentius (dit Léon le Plaisant), à force sans doute de répéter qu’au commencement était le verbe, fut un des premiers praticiens connus du tautogramme, avec son Pugna porcorum (le « combat des cochons »). Cinq siècles plus tard,  avec Alphabétiques, le plaisant Thierry Horguelin, ludique militant et fin lettré, vivant lui aussi à Liège, quoique né à Montréal, inscrit aujourd’hui son nom dans cette tradition ancestrale comme dans le droit fil de l’Oulipo, cet Ouvroir de Littérature Potentielle, né en 1960 des œuvres de Raymond Queneau et François Le Lionnais. Continuer la lecture

Du danger de se faire traiter de « mandarin »

Jacques DE DECKER, Le ventre de la baleine, Weyrich, coll. « Plumes du coq », 2015, 192 p.

 

dedeckerLa collection Plumes du Coq, aux éditions Weyrich, propose au lecteur des ouvrages, inédits ou en réédition, d’écrivains belges francophones, principalement wallons.  Forte de plus d’une vingtaine de titres à l’heure actuelle, elle présente des titres d’Armel Job, Alain Bertrand, Christian Libens, André-Marcel Adamek et André-Joseph Dubois, entre autres.  Tous ces romans sont rattachés à la Wallonie, que ce soit par l’auteur, le terrain du récit, le langage, l’histoire ou les personnages.  À cet égard, le  roman de Jacques De Decker Le ventre de la baleine, paru initialement en 1996 aux éditions Labor, trouve assurément sa place dans cette collection. Les lecteurs belges se souviennent sûrement de ce  roman « à clés », inspiré par l’affaire André Cools, du nom du Ministre d’État et ancien président du Parti socialiste, assassiné en juillet 1991, le procès des assassins ayant eu lieu en 1998. Le premier procès du moins car, du côté judiciaire de l’affaire,  un scénariste pourrait trouver la matière d’un feuilleton. Continuer la lecture

Le printemps en automne

Samia HAMMAMI

wilwerthRegardez autour de vous. Le vert tendre et intense, le blanc éclatant et délicat ; le jaune insolent et irradiant, le rose pastel et élégant : le printemps est de retour ! La sève, fluide bien qu’épaisse, gorge les plantes, perle des troncs, revigore les tiges. Les bourgeons, petits boutons de vie en désordre, s’épanouissent en fleurs. La lumière reprend ses droits : elle se déverse, impériale, par flots de rayons ; elle se diffuse, tamisée, à travers les nuages et les branchages. Les pépiements, gazouillements et autres piaillements joyeux ravissent les oreilles. Les peaux endormies se dégourdissent sous la caresse du soleil ou le frémissement d’une brise fraîche et piquante. Les corps se dévoilent, s’offrent, palpitent. Envol des sens. Tout comme ce samedi 20 septembre, une journée étrangement printanière dans ses effluves et ses effets. Continuer la lecture

Jacques Calonne, l’insaisissable noctuelle

Un coup de coeur du Carnet
Pierre MALHERBE

calonne_malherbeOutre une délicate pièce pour piano de Maurice Ravel, dédiée à Léon-Paul Fargue, il existe une myriade de noctuelles, près de vingt-cinq mille espèces à la surface de la terre, semble-t-il, et qu’on appelle un peu plus anonymement des papillons de nuit. Les chenilles de noctuelles sont la terreur des agriculteurs et des passionnés des jardins, car, polyphages, elles se nourrissent de tout ce qui leur passe sous le nez, et uniquement la nuit bien sûr – la journée, elles digèrent leur festin et se reposent avec nonchalance. Jacques Calonne, né en 1930 à Mons, fait partie de cette grande famille des noctuelles, à ceci près qu’il n’est la terreur de personne ayant les doigts verts. Continuer la lecture

La mémoire-refuge face au monde en déroute

Michel JOIRET, Le Carré d’Or, M.E.O., 2015, 160 p., 16 €

joiret_ghysenPour colorer, réchauffer « le silence de la vie », une vie qui lui glisse entre les doigts, vide de joie, d’émotions, de sens, depuis la mort d’Hélène, son épouse chérie, l’avocat Maxime Dubreuil s’enveloppe du souvenir des jours enfuis. Continuer la lecture

Les joies du tandem

BIEFNOT-DANNEMARK, La route des coquelicots, Castor Astral, 2015, 312 p., 17,90 € /ePub : 12,99 €
BIEFNOT-DANNEMARK, Au tour de l’amour, dessins et lavis de Véronique Biefnot, Castor Astral, 2015, 126 p., 15 €

biefnot-dannemark_coquelicots« Ensemble » est bien le mot qui régit depuis quelque temps déjà la relation fusionnelle entre Véronique Biefnot et Francis Dannemark. Et c’est ensemble qu’ils publient deux livres que chacun d’eux a marqués de son empreinte, à l’enseigne de l’auteur bicéphale Biefnot-Dannemark. La route des coquelicots est un roman où l’on reconnaît bien la patte de velours du nouveau Francis Dannemark, plus proche aujourd’hui des beaux et bons sentiments que des errances poétiques du cheval ombrageux de naguère. Véronique Biefnot partage ce pas de deux qui engage ensuite le couple dans la chorégraphie d’un échange passionné avec Au tour de l’amour, long poème lyrique et sensuel, illustré, lui aussi, d’encres et lavis de la romancière, comédienne et   artiste. Continuer la lecture

Ad Maiorem Deorum Gloriam

Un coup de coeur du Carnet

Christopher GÉRARD, Le Songe d’Empédocle, Lausanne, L’Âge d’homme, coll. « Contemporains », 341 p., 20 €

gerard_saenenEn une quinzaine d’années, à force de manier une plume de haut empennage, Christopher Gérard s’est imposé comme un écrivain atypique, rétif à tout conditionnement et étranger aux logiques du prêt-à-consommer littéraire. En témoignent les chroniques tirées au cordeau, les entretiens menés avec habileté et les portraits finement ciselés dont il nourrit les tablettes de son blog Archaion ; son incontournable Aux Armes de Bruxelles, état des lieux raffiné de ses déambulations dans une capitale qu’il arpente en insatiable esthète et dont il connaît par cœur la géographie de surface comme occulte ; ou encore ses romans, qui bien que situés dans une chronologie tout actuelle, se déroulent dans une temporalité parallèle, peuplée de vampires en fin de cycle, de druides ne maniant plus guère la serpe qu’au fin fond de leurs forêts intérieures, d’héritiers d’une tradition cachée, pratiquant des cultes dont le sommeil n’est qu’apparent. Continuer la lecture

« Noire et sulfureuse »

Marie-Thérèse BODARTLes roseaux noirs ; L’autre ; Les meubles, romans réunis sous coffret, Bruxelles, Samsa – Académie royale de Langue et de Littérature françaises, 2014, 36 €

bodart_libensJoli coffret aux trésors que cet emboîtage réunissant trois romans de Marie-Thérèse Bodart (1909-1981), soit plus de la moitié de l’œuvre romanesque d’une auteure rare et trop longtemps oubliée. D’aucuns, parmi les plus curieux de notre littérature, se souviennent des Roseaux noirs, son premier roman paru en 1938, mais le plus souvent pour des raisons somme toute peu littéraires ; je résume : cette histoire d’inceste et de passion dans les Hautes Fagnes fit scandale d’emblée et sa jeune auteure y perdit son très provincial poste de prof d’histoire avant d’y gagner une place de finaliste au très parisien prix Femina. Continuer la lecture

Est-ce ainsi que les hommes vivent?…

….et leurs baisers au loin les suivent [1]

Un coup de coeur du Carnet

Armel JOBDe regrettables incidents, Paris, Laffont, 2015, 288 p., 19 €/ePub : 12.99 €

job_romanWerner Sualem, gérant d’une épicerie coopérative, fait partie depuis plus de 25 ans de la troupe de théâtre amateur « Le royal Sillon » à Brul, petit village de l’est de la Belgique. Après avoir joué les comiques, il monte une pièce dramatique d’Haakon  Ibsen, Le cheval de retour, une histoire d’amours irrémédiablement ratées et déçues. Mais le drame ne va pas rester confiné à la scène et c’est le village tout entier qui va se trouver pris dans les turbulences provoquées par d’anciens drames enfouis – de regrettables incidents – qui vont refaire surface. Continuer la lecture

Comment devient-on un tueur?

Un coup de coeur du Carnet

Damien DESAMORY,  La vie en ville,  Namur, Diagonale, 2015, 316 p., 17 €/ epub : 9,99 €

desamory_cottonPremier roman du trentenaire bruxellois Damien Desamory, La vie en ville est aussi le premier ouvrage publié par la toute jeune maison d’édition Dialogue, vouée à la découverte de nouveaux talents littéraires. Un choix largement justifié par un ton et un style à la fois simple, imagé, personnel et marqué par un humour subtil. Continuer la lecture

Mystique et athée

Un coup de coeur du Carnet

Jean Claude BOLOGNE, Une mystique sans Dieu, Paris, Albin Michel, 2015, 327 p., 20,90 €/ ePub : 14.99 €   ISBN : 978-2226258519

bologne_cottonIl y a quarante ans, Jean Claude Bologne a vécu durant quelques instants « une expérience fulgurante de l’absolu ». Quelques instants qui ont marqué et transformé toute sa vie. En 1995, il a consacré à cette expérience mystique, exempte de toute référence à Dieu, un premier essai qu’il considérait comme une délivrance, pensant n’avoir plus à revenir publiquement sur le sujet. N’empêche, alors que le temps a passé « sans rien changer à la brutalité de la mémoire », il s’est résolu, poussé par « les confidences que le livre a suscitées » et par « les réflexions qui l’ont prolongé » à témoigner « avec moins de lyrisme et de candeur » de « l’instant où le monde a basculé » et de la faculté de survivre « à l’immense désarroi de ne plus le connaître ». En précisant aussi que cet instant, « on ne peut que le vivre » sans qu’on puisse le provoquer ou le renouveler volontairement, sa marque étant du reste indélébile. Quant au caractère « ineffable » de l’événement, il implique, par définition, que son abord oblige à des détours par les approximations de ce qui peut être exprimé. Continuer la lecture

Récit d’un Je

Yves WELLENS, Vert bouteille, Hévillers, Ker éditions, 2014, 84 p., 10 €/ePub : 6.99 €

wellensL’enfance ? Une période unique où se mêlent insouciance et joie de vivre. Pour Yves Wellens, le « vert paradis de l’enfance » décrit par Charles Baudelaire a vite cédé sa place à un vert bouteille, un vert assombri par les nombreuses fioles vidées par son père.

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L’arbre devant soi

Mélanie GODIN

jamartSoif de vie est un recueil composé de cinq parties, chacune introduite par une citation, comme épinglée pour révéler la démarche poétique de sa jeune auteure publiée pour la première fois. Une première fois, c’est quelque chose. Cela se raconte.

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