La rentrée littéraire, c’est déjà dans deux mois ! De fin août à début décembre, le petit monde du livre sera en ébullition, avec des publications plus nombreuses qu’à l’ordinaire, un public et des médias plus intéressés, sans compter la course aux prix littéraires. Dès aujourd’hui, toutes les maisons d’édition ont bouclé leur programme et sont prêtes (ou presque) pour aborder l’incontournable échéance de la vie littéraire francophone. Cette année, Livres Hebdo annonce la parution de 567 romans, dont 381 en français. C’est un peu moins que l’année dernière, où 581 livres étaient arrivés sur les tables des libraires. Le nombre de premiers romans est, quant à lui, de 94, le total le plus haut depuis 2007. Du côté des auteurs belges aussi, la rentrée s’annonce très riche, avec quelques premiers romans et de nombreuses confirmations.
Romans et nouvelles chez les éditeurs belges
Si la rentrée littéraire est d’abord une tradition franco-française, les éditeurs belges ont depuis longtemps eux aussi cerclé de rouge cette période dans leur calendrier. Cette année, particulièrement, les publications foisonnent et nombre d’éminentes plumes seront de la partie.
Maelström surprend avec la publication de La belle enceinte de Rose-Marie François : auteure d’une œuvre poétique d’ampleur, l’auteure a pourtant jusqu’ici rarement écrit des romans. Chez M.E.O., trois romans figurent au programme automnal. Gérard Adam, auteur et éditeur, signe Saint-Mars, un roman où religion chrétienne et athéisme se toisent dans un village déserté depuis la fermeture de l’entreprise locale. Claude Donnay, qui s’était essayé pour la première fois au roman avec La route des cendres au début 2017, poursuit dans la voie de la fiction avec Un été immobile. La rentrée M.E.O. est complétée par le premier roman d’Élodie Wilbaux, Le voisin de la cité Villène, dans lequel des adultes tentent de témoigner de l’événement qui a ravagé leur vie : ils ont été victimes d’un pédophile. Esperluète accueille le premier livre pour adultes de l’auteur jeunesse Ludovic Flamant, Passagers, illustré par Jeroen Hollander : une série de portraits de personnes croisées dans le métro. La rentrée de la maison d’édition de Noville-sur-Mehaigne sera par ailleurs résolument poétique, avec Elles viennent dans la nuit de Corinne Hoex, illustré par Kikie Crêvecoeur et Les mille corps, fragments poétiques et dessins d’Anne de Roo.
Chez Murmure des soirs, la prose de fiction sera déclinée selon tous ses possibles, puisque sont annoncés deux romans (dont un policier), un récit et un recueil de nouvelles. Michaël Lambert nous emmène sur les traces des Enfants de Rops, entre le XIXe siècle et aujourd’hui. Dans Crimes en rouche et blanc, Michel Hody signe un polar sur fond de ballon rond. Est-ce que tu as la clé ? de François Tefnin aborde le rôle de ces adultes qui doivent soudain devenir les parents de leurs parents. Jean-Marc Rigaux situe les onze nouvelles de L’armistice se lève à l’Est dans la période qui suit la première guerre mondiale.
Trio de choc aux éditions ONLiT, avec la publication (en papier et en numérique, toujours) des nouveaux romans de Véronique Bergen, Véronique Janzyk et Isabelle Wéry. Dans Tous doivent être sauvés ou aucun, la première laisse la parole à des chiens célèbres de l’Histoire, qui interrogent le futur de notre espèce à travers son passé. La robe de nuit de Véronique Janzyk aborde le vieillissement et l’évolution des rapports familiaux qu’il induit, à travers le regard de la narratrice dont la mère vient d’être hospitalisée. Cinq ans après le très remarqué Marilyn désossée, Isabelle Wéry revient au roman avec un prometteur Poney flottant.
Triple sortie annoncée aux éditions Weyrich, dans la collection littéraire « Plumes du coq ». Après La tendresse des séquoïas chez le même éditeur, Jean-Sébastien Poncelet poursuit son exploration des mécanismes du thriller avec un deuxième roman, L’envol de l’amazone. Thierry Robberecht livre avec Onnuzel le récit d’un adolescent bruxellois pas vraiment à l’aise dans son corps et dans sa tête. Luc Templier sera lui aussi de la rentrée avec Les derniers jours du moi, roman baroque et torturé dont l’auteur assurera également l’adaptation scénique.
Chez Luce Wilquin, trois auteurs belges sont au programme de la rentrée. Les dix-sept valises d’Isabelle Bary narre l’histoire d’une femme qui se propose d’écrire la vie d’une autre, au risque de bouleverser sa propre existence. Auteure de recueils de nouvelles salués par la critique, Aliénor Debrocq s’essaie au format long pour cette rentrée littéraire avec Le tiers sauvage, roman dans lequel une jeune femme cherche à percer les secrets d’un romancier à succès. Avec La porte des lions, Michel Claise propose quant à lui un roman historique, sur les pas de Schliemann, le découvreur des ruines de Troie.
Les éditions Marque belge avaient marqué la rentrée littéraire 2017 en faisant découvrir un auteur débutant né… en 1943, Henri De Meeûs. Ledit livre, Pitou et autres récits, salué par la critique, a valu à son auteur le prix de la première oeuvre de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette année, l’éditeur récidive avec un autre premier roman : celui de Willy Decourty, né en 1945 et longtemps bourgmestre d’Ixelles. Le livre, Le flic évanoui, est un polar dont l’action se situe à Bruxelles.
Quadrature poursuit son important travail de défense et illustration de la nouvelle francophone, avec la publication de trois recueils à la rentrée littéraire, dont un d’une auteure belge. Jacqueline Daussain publiera en effet La journée mondiale de la gentillesse, neuf ans après un autre recueil paru chez le même éditeur, Et je fais quoi, moi, maintenant?
Chez Prisme, Pierre Loze et Paul de Gobert signent Le jardin sauvage, une fable où l’on s’aventure en compagnie d’un artiste peintre et d’un écrivain dans les sentiers du rêve et du souvenir confondus.
La romance ne sera pas non plus oubliée en cette rentrée avec Un espace s’est ouvert en Léa d’Alexandra Coenraets (éditions Les bas-bleus), histoire du combat de deux femmes contre le sexisme des milieux médicaux et pharmaceutiques.
… et français (et d’ailleurs aussi)
Les Belges seront aussi présents en nombre chez les éditeurs parisiens. Sans surprise, c’est Amélie Nothomb qui ouvrira le bal avec son opus annuel, Les prénoms épicènes. Un livre sur la vengeance qui s’annonce comme un pendant paternel du précédent, Frappe-toi le cœur, centré sur la figure de la mère.
Deux autres habitués, quoique moins réguliers que l’auteure d’Hygiène de l’assassin, feront aussi leur rentrée. Emmanuelle Pirotte reviendra ainsi avec un troisième roman, Loup et les hommes (Le Cherche-Midi). Un ample récit d’aventures à la Dumas, qui nous emmène en Nouvelle-France au XVIIe siècle. Un an après La vie sauvage, Thomas Gunzig publie Encore une histoire d’amour (Au diable vauvert), dialogue entre une femme et son amant qui doivent se quitter bientôt. Ce livre fait suite au spectacle du même nom, écrit par Thomas Gunzig et mis en scène par David Strosberg.
Quatre ans après le multi-primé Congo Inc., In Koli Jean Bofane livre un nouveau roman et nous emmène au Maroc avec La Belle de Casa (Actes Sud), finaliste du prix Filigranes.
La rentrée littéraire est aussi le moment des découvertes, avec le premier roman d’Adeline Dieudonné, La vraie vie (L’Iconoclaste), histoire d’une famille qui fonctionne vaille que vaille entre un père chasseur invétéré, une mère transparente et deux enfants qui s’ennuient. Un premier roman qui fait parler de lui avant même d’être disponible en librairie, puisqu’il est lauréat du prix Première plume et figure parmi les finalistes du prix Stanislas et du prix « Envoyé par la poste », qui récompensent tous deux un premier roman de la rentrée littéraire, mais aussi du prix du roman Fnac ainsi que du prix Filigranes.
L’exploit de cette rentrée est à mettre au crédit d’Antoine Wauters, qui publie simultanément deux livres chez Verdier : Pense aux pierres sous tes pas et Moi, Marthe et les autres, un récit d’anticipation.
Joan Condijts revient quant à lui avec un deuxième roman, quatre ans après L’homme qui ne voulait plus être roi : c’est l’histoire d’une famille avec ses secrets et ses tabous qui est au cœur des Sœurs de Vlaeminck (Genèse éditions). La famille sera aussi au cœur du nouveau roman de Christopher Gérard, et plus précisément les relations entre un fils et son père – à découvrir dans le nervalien Prince d’Aquitaine (Pierre-Guillaume de Roux). Les amateurs de suspense et de thrillers ne manqueront quant à eux pas la sortie du nouveau roman de Patrick Delperdange, L’éternité n’est pas pour nous (éditions des Arènes).
On annonce aussi un nouveau titre de l’écrivain et homme de médias Patrick Weber : Maggie, une vie pour en finir (Plon). Après Indulgences, Jean-Pierre Bours poursuit dans la veine du roman historique et chez le même éditeur, Hervé Chopin, avec Tentations, un livre dans lequel il revisite le personnage de Faust.
Adolescents, young adults et amateurs de fantasy se réjouiront de la sortie du Sanctuaire des dieux, premier tome de la nouvelle série Terre de brume de Cindy Van Wilder (éditions Rageot).
Enfin, c’est à Madagascar qu’est publié le prochain livre de Ben Arès, Les jours rouges, un recueil de nouvelles qui paraîtra aux éditions Bibliothèque malgache exclusivement en numérique.
La non-fiction fait aussi sa rentrée
Bien que la rentrée littéraire soit traditionnellement centrée sur les romans, la « non-fiction » occupera cette année une place de choix, avec de nombreuses sorties-événements. Gallimard poursuivra ainsi la publication de la correspondance entre Philippe Sollers et Dominique Rolin, en proposant cette fois les lettres de l’écrivaine.
Aux Impressions Nouvelles sortira la très attendue biographie de Pierre Mertens par Jean-Pierre Orban. Fait notable, la rentrée des Impressions Nouvelles sera d’ailleurs entièrement consacrée à la non-fiction, puisqu’à côté du livre de Jean-Pierre Orban paraîtront aussi Écrire un film, scénaristes et cinéastes au travail sous la direction de N.T. Binh et Frédéric Sojcher et Sur les rails de Victor Hugo à Jacques Roubaud d’Anne Reverseau.
Esperluète ne sera pas en reste avec un nouveau volume de la collection d’entretiens « Orbe », toujours menée par Frédérique Dolphijn. Cette fois, la philosophe Isabelle Stengers sera à l’honneur dans un ouvrage intitulé Isabelle Stengers, activer les possibles.
Politique, Raoul Vaneigem publie Contribution à l’émergence des territoires libérés de l’emprise étatique et marchande : réflexions sur l’autogestion de la vie quotidienne chez Rivages, une réflexion sur l’autogestion, son avenir et sa nécessité, à partir de l’expérience de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
C’est La lettre volée qui accueillera le nouvel opus du prolifique Laurent De Sutter: Pornographie du contemporain, Made in heaven de Jeff Koons, analyse de l’accueil réservé par la critique de l’époque à une installation de Jeff Koons mettant en scène les ébats de l’artiste avec une actrice pornographique dans le cadre d’une exposition en 1991 à la galerie Sonnabend de New York. A La lettre volée, un autre essai, celui d’Yves Depelsenaire, La vie anecdotique : carnets d’un blogueur épisodique, collection de réflexions sur l’art, la philosophie, la littérature, la science, la politique et sur l’objet blog en tant que nouveau mode d’expression.
La rentrée littéraire belge sera également enrichie d’un nouvel essai de Gabriel Ringlet, La grâce des jours uniques : éloge de la célébration (Albin Michel), tandis qu’Ismaël Saidi, avec Michaël Privot, tentera une vulgarisation de l’Islam et de son prophète dans Mais au fait, qui était vraiment Mahomet ? (Flammarion). Chez Flammarion aussi, Pascale de Trazegnies publie Ô orchidées : un herbier littéraire, une étude des orchidées dans la littérature à partir de cent textes, avec des illustrations. Autre sujet littéraire, pour l’essai du Français Achmy Halley, préfacé par Amélie Nothomb, Marguerite Yourcenar : portrait intime (Flammarion).
Chez Marque belge, l’historienne et psychanalyste Sylvie Lausberg publie Le con, sexe imbécile : l’édifiante histoire des injures sexistes. Frank Andriat partagera quelques moments de sagesse avec Méditations heureuses sous un cerisier japonais, à paraître aux éditions Marabout.
Les éditions Mols donneront la parole à Andrée Dumon, une résistante passée par plusieurs camps nazis, qui témoigne dans Je ne vous ai pas oubliés. Liberté. 1945.
Animateur télé, Olivier Minne s’est penché sur l’histoire… de la télévision (française) avec Speakerines, une histoire de femmes à la télévision aux éditions du Rocher. Une autre figure médiatique, et non des moindres, fera aussi l’actualité à la rentrée littéraire : Christine Ockrent publie, chez Flammarion, Mohammed Ben Salman : le prince mystère de l’Arabie – à la fois enquête journalistique et biographie d’un personnage dont il est beaucoup question aujourd’hui.
Enfin, le 9 octobre marquera les quarante ans du décès de Jacques Brel – un anniversaire qui ne passera pas inaperçu en librairie. De nombreux livres-hommages sont annoncés.
L’automne en poésie
Lauréat du dernier prix Rossel avec Robinson (Gallimard), Laurent Demoulin revient à ses premières amours poétiques. Sa Poésie (presque) incomplète rejoindra L’amour et puis rien de Luc Dellisse et Faire sécession de Jan Baetens dans la collection « D’autre part », dédiée aux objets poétiques inclassables et dirigée par Thierry Horguelin aux éditions L’herbe qui tremble.
Les éditions Samsa accueilleront un recueil de Marc Danval, Le sucrier velours, hymne poétique au jazz et à l’amour.
Des classiques réédités
Les lecteurs que toutes ces nouveautés ne combleraient pas pourront se tourner vers les rééditions, elles aussi particulièrement soignées en cette période. Les éditions Cambourakis poursuivent leur travail de remise à disposition de l’œuvre d’André Baillon avec Zonzon pépette et La dupe. Décédé au printemps 2014, Jean-Claude Pirotte est resté très présent en librairie. Ce sera encore le cas cet automne, avec la réédition à la Table ronde de La pluie à Rethel. Fils de Rabelais de Valérie de Changy avait connu un beau succès à sa sortie, emportant notamment le prix de la première œuvre de la Fédération Wallonie-Bruxelles et le prix Jean Muno. Le roman bénéficiera d’une nouvelle vie aux éditions de Borée.
Les éditions Quidam rééditent quant à elles À dos de dieu ou l’ordure lyrique de Marcel Moreau, un livre paru pour la première fois chez Luneau Ascot en 1980. Samsa continue la réédition de Jean Muno : Entre les lignes propose un choix de textes enrichis de dessins de Royer. Le même éditeur republie aussi Nos chiens, un ensemble de récits de Georgette Leblanc, illustrés par l’auteure. Le livre était devenu introuvable après une première publication en 1919.
Les éditions Alma poursuivent leur minutieux travail de publication des oeuvres complètes de Jean Ray. Deux volumes sont programmés pour la rentrée : Saint-Judas-de-la-nuit et Le carrousel des maléfices.
Le catalogue de la collection patrimoniale Espace Nord s’enrichira de deux nouveaux titres. Avec Les contes de la mer du Nord de Gérard Prévot déploieront leur univers fantasmagorique dès le 4 octobre. Pour les amateurs de littérature fantastique, il s’agit d’une belle occasion de découvrir un auteur moins connu que Thomas Owen, Jean Ray ou Jean Muno, mais à l’univers surnaturel tout aussi fascinant. Lauréate du dernier prix quinquennal de l’essai de la Fédération Wallonie-Bruxelles , Christine Aventin fait elle aussi son entrée dans la collection, précisément avec l’ouvrage qui lui a valu ce prix : Breillat des yeux le ventre. Une plongée dans l’univers de la cinéaste, vue avec le regard singulier et féministe de Christine Aventin. Pour ancrer la littérature belge dans les classes, la collection Espace Nord enrichira aussi considérablement son offre pédagogique, avec de nouveaux outils à la disposition des enseignants.
Last but not least : l’éditeur belge L’arbre à paroles fêtera dignement le cinquantième anniversaire de la publication de La grande mitraque de Jean-Pierre Verheggen par une réédition de ce tout premier ouvrage du poète.
La rentrée belge avec Le Carnet
Comme chaque année, Le Carnet et les Instants se mettra dès la mi-août à l’heure de la rentrée littéraire. Retrouvez les recensions, les dernières nouvelles des prix littéraires et toute l’actualité de la rentrée sur notre blog.
Nausicaa Dewez
Cet article sera actualisé au fur et à mesure de l’arrivée des informations.